25 février 1916 : chute du Fort de Douaumont

– L’affaire a fait l’effet d’une bombe au GQG et dans les états-majors français. Douaumont, symbole de la solidité affichée des défenses françaises de Verdun est tombé, sans un coup de feu. Le formidable complexe fortifié, jusque-là épouvantail de l’armée allemande, se trouvait soudain aux mains des troupes du Kronprinz. Après la bataille de Verdun, plusieurs généraux et colonels se sont renvoyé la balle pour se dédouaner de la responsabilité de la perte. Mais  l’état-major et « Madame Anastasie » (la censure militaire) veillaient au grain. La population française a été volontairement tenue dans l’ignorance. En effet, on craignait que la chute humiliante du fort causât un effet dévastateur sur le moral des civils.
De son côté, la propagande allemande claironnait pour des raisons évidentes « Douaumont ist gefangen ! » (« Douaumont est tombé ! »). Allègrement diffusée, la nouvelle était connue dans beaucoup d’unités stationnées en France. Les services cinématographiques de la Kaisersheer iront jusqu’à retourner la scène avec des soldats devenus des acteurs pour un temps court. En revanche, la chute de Douaumont cache mal un nouveau succès du sacrifice de soldats français du XXe Corps qui allaient une fois de plus empêcher les allemands de concrétiser leur maigre avance des 21-24 février.
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– Revenons brièvement en arrière. Le 24 février, les premiers éléments du XXe Corps de Balfourier arrivent à Verdun. Balfourier ordonne immédiatement à la 31e Brigade du Général Reibell (16e Division) de se porter devant Douaumont pour couvrir les Cotes 347 et 378, Fleury-devant-Douaumont et le ravin de Thiaumont. La 31e Brigade doit relever des éléments saignés des 51e et 72e DI. Reibell s’installe à Fleury mais envoie le 95e Régiment d’Infanterie du Colonel de Belenet protéger les abords de Continuer à lire … « 25 février 1916 : chute du Fort de Douaumont »

23-24 février : la réaction du GQG

– Le 22 février, les appels à l’aide du Général Herr finissent par porter. Devant le déchaînement de feu allemand, Joffre prend la mesure du danger, même s’il garde d’abord à l’esprit la préparation de sa grande offensive sur la Somme. Si l’on en croit Edmond Buat, le général en chef garde son sang-froid devant la situation : « Rien ne parvenait à ébranler l’imperturbable tranquillité de cet hommes ; si l’on n’avait vu se froncer ses gros sourcils et son regard plonger en dedans et donner l’impression de la réflexion, on aurait pu croire qu’aucune nouvelle, bonne ou mauvaise, n’était capable d’émouvoir cet hommes. Je suis convaincu pour ma part, que la foncière ignorance des grandes choses de l’art militaire qui caractérisait le Général Joffre, fut une force en la circonstance et qu’à sa place, tout homme beaucoup plus fort mais qui n’aurait pas eu, en même temps, un caractère de fer aurait rapidement sombré, au moment des premières affaires de Verdun, par exemple. »

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Edouard de Curières de Castelnau

– Mais toujours selon Buat, Joffre ne semble pas vraiment au courant de la situation sur place. Pour lui, Edouard de Castelnau est beaucoup mieux informé, même s’il « avait normalement le droit de tout voir, mais ne pouvait en rien décider puisqu’il n’avait aucune autorité pour signer. » (1) Depuis le début de février, Castelnau reçoit des informations sur le secteur de Verdun, même s’il a dû passer par-dessus le 3e Bureau. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, Castelnau a envoyé auprès de Herr son ancien chef des opérations lors de la Seconde Offensive de Champagne, le Colonel Jacquand. Celui-ci envoie des rapports réguliers à son chef. Le 22 février, Castelnau envoie à Verdun le Colonel Henry Claudel, Second aide-major général.
Claudel arrive sur place le soir. Après s’être entretenu avec Herr et Chrétien, il appelle Castelnau et lui explique qu’il « faut prévoir un repli général sans quoi l’on courre à la catastrophe si les ponts de la Meuse viennent à être coupés ». Mais Castelnau sait que

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Verdun : journées des 22 et 23 février

– L’offensive allemande piétine

– Le 22 février après une nuit enneigée, les combats se poursuivent avec tout autant d’acharnement entre les survivants des 37e et 72e DI et les soldats allemands. Inférieurs en nombre, les français résistent. De son côté, le Kronprinz a décidé de poursuivre son attaque. Après un nouveau bombardement d’artillerie de plusieurs heures, l’infanterie allemande attaque en nombre pour submerger les dernières positions françaises.
A Chantilly, apprenant la situation sur place, Joffre ordonne à Herr et Chrétien de tenir coûte que coûte et de ne pas reculer. Le général en chef menace de cour martiale tout officier qui décidera un ordre de retraite. Pressurés depuis Chantilly, le Général Paul Chrétien commandant du XXXe Corps ne peut qu’ordonner à Bapst et Deshayes de Bonneval de tenir le terrain et de contre-attaquer contre des forces supérieures en nombre. Résultat, les bataillons et régiments de réserve sont envoyés dans la fournaise sans autre forme de procès et les pertes sont terribles. Chrétien et Herr parviennent à grand peine à rassembler 270 pièces d’artillerie,  derrière Samogneux, la Cote 344, Fleury, Beaumont et Douaumont, contre les 1 400 allemandes,. Les « Glorieux 75 », les quelques pièces Schneider 105 mm et De Bange 120 mm ripostent aux vagues allemandes. Bien souvent sans plans de feu préétablis, les commandants de batteries et de groupes font tirer presque au juger dans les vagues allemandes.

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– Mais enlever les arpents de forêts se révèle bien plus difficile que prévu pour les Allemands. Ainsi, Heirich von Schenk, le patron du XVIII. Armee-Korps fait donner quatre régiments des 21. et 25. Infanterie-Divisionen pour nettoyer le Bois des Caures une bonne fois pour toutes. Les 1. Nassauisches-Infanterie-Regiment Nr. 87, 1. Kurhessisches Infanterie-Regiment Nr. 81, Leibgarde-Infanterie Nr. 115 et 8. Lothringisches Infanterie-Regiment Nr. 159 (régiment de Mosellans ponctionné à la 14. Division) se ruent sur ce qui reste du bois. Finalement, la pression est trop forte pour les survivants des 58e et 59e BCP. Driant ordonne à ses 600 derniers soldats de se retirer sur Beaumont. Dernier à rester sur place, le courageux Colonel et député est tué de deux balles dans le front. Son second, le Commandant Continuer à lire … « Verdun : journées des 22 et 23 février »

22 février 1916 : Le Colonel Driant tombe au Bois des Caures

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Biographie à lire ici :

22 février 1916 : le Colonel Driant tombe à Verdun

Lundi 21 février 1916, 07h12 : le « Jugement » tombe

– L’offensive « Gericht » a lieu avec plusieurs jours de retard en raison du mauvais temps. La pluie et de fortes bourrasques de vent ont balayé les lignes françaises et allemandes. Si aucun avion n’a pu décoller, les troupes au sol, notamment les Chasseurs à Pied du Colonel Driant ont mis ce temps à profit pour renforcer leur dispositif. La date du 21 février a donc été arrêté par les Allemands comme date de l’offensive. 80 000 soldats allemands des III. et XVIII. Armee-Korps, ainsi que du VII. Reserve-Korps, dont plusieurs milliers de Sturmtruppen, patientent dans leurs tranchées en attendant le signal. Von Falkenhayn a fixé comme objectif pour le premier jour, une ligne allant de la Côte du Poivre jusqu’au village de Douaumont. Le 20 février toujours, Guillaume II s’est fendu d’un communiqué adressé aux soldats de son fils :  Nous allons prendre Verdun, la plus grande forteresse des Français; après, ce sera la paix ». De son côté, le Kronprinz Guillaume dirige l’offensive depuis son QG de Stenay-en-Argonne.charge-c3a0-la-bac3afonnette

– Du côté français, le GQG pense qu’aucune attaque d’envergure ne se produira dans le secteur de Verdun. Mais durant le mois de janvier et au début de février, d’autres signes inquiétants parviennent au Général Herr et en amont, au 2e Bureau. Ainsi, plusieurs avions de reconnaissance ont survolé les lignes allemandes pour y photographier d’importants préparatifs. Enfin, le 15 février, deux déserteurs alsaciens de l’Infanterie-Regiment Nr. 172 de la 39. Division (formée d’Alsaciens et de Badois) se rendent aux Français et informent de l’imminence de l’offensive. Mais là encore, leurs avertissements ne sont pas pris en compte. Mais sur le terrain de la RVF, le Général Herr et ses subordonnés ont pris quelques mesures défensives qui auront un impact sur la suite des événements. Ainsi, des éléments de la 51e  DI (Général Boulange) sont venus renforcer la 72e Division qui se trouve en première ligne.

– Le dimanche 20 février est marqué par temps froid mais un Continuer à lire … « Lundi 21 février 1916, 07h12 : le « Jugement » tombe »

15 février 1916 : Victoire russe d’Erzurum

– Reportons-nous une fois de plus sur le Front du Caucase. Durant le printemps et l’été 1916, des violents combats ont opposé l’Armée russe du Caucase à la IIIe Armée turque dans les régions du Lac de Van et de Malazgirt. Malgré un retrait en juillet, les forces du Général Nikolaï Ioudenitch ont réussi à s’ancrer en Anatolie. Durant l’automne et l’hiver 1915, le front anatolien est néanmoins resté calme, du fait que les deux adversaires manquent
d’effectifs et de moyens pour emporter des victoires se voulant décisives.

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– Au tout début de 1916, la situation est différente. Certes, la Sublime Porte peut clamer sa victoire sur les Britanniques et Français à Gallipoli mais la situation de l’empire agonisant n’est pas si reluisante. En effet, l’Armée russe représente une
menace sérieuse sur le flanc est. Et très vite, ce sont les Britanniques qui viennent menacer l’Empire par la Mésopotamie. A Istanbul, Enver Pacha et ses généraux (Atatürk, Izmet Pacha…) débattent durement sur la stratégie à adopter. Certains comme Kemal Atatürk prêchent pour l’envoi du  Continuer à lire … « 15 février 1916 : Victoire russe d’Erzurum »

1915-1916 : Les nouveaux grenadiers

– Dans l’article consacré à la généralisation des grenades à main, nous avions vu que l’Infanterie gagnait en puissance de feu en se voyant dotée de nouveaux projectiles explosifs. Mais si des fantassins bien entraînés peuvent lancer des grenades à 35-40 mètres à la force du bras, l’idée d’augmenter la puissance de feu des compagnies d’infanterie fait son chemin. Afin d’accroître une distance de sécurité entre assaillants et défenseurs, les armées de 1915-1916 commencent à intégrer dans leur rangs les grenades à fusil. On peut dire que ce nouveau projectile est le précurseur des RPG et des lance-roquettes.
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– L’idée de projeter une grenade à l’aide d’un fusil date d’avant le déclenchement de la Guerre. Elle est concrétisée par un anglais, Frederick Marten Hale mais elle ne suscite pas l’intérêt du War Office. Les Allemands emboîtent le pas aux Britanniques en 1913 avec le premier prototype d’un fusil équipé d’un système percutant à sécurité pyrotechnique : le Karabingranate M1913. Inspiré des fusées d’artillerie, ce nouveau projectile quadrillé en forme d’ogive est doté d’une tige en fonte qui est expulsée dans l’air par une pastille de poudre noire servant à la mise à feu. Le tir s’effectue en courbe. En revanche, le système de propulsion est tellement Continuer à lire … « 1915-1916 : Les nouveaux grenadiers »

Verdun : le renseignement français et son utilisation

– Au sein du Grand Quartier Général, rappelons que le 2e Bureau est en charge du renseignement militaire et donc, l’espionnage. En somme, les yeux et les oreilles du GQG pour connaître les intentions des Allemands. Il est dirigé par le Général Charles-Joseph Dupont, polytechnicien et artilleur de formation qui a suivi le développement de la même arme côté allemand. A la fin de 1915, grâce à la présence d’agents et d’informateurs qui agissent dans les territoires occupés, les services du Général Dupont notent un « renforcement constant des Allemands » dans la RFV. Le 2e Bureau établit ensuite que les Allemands lanceront une attaque une première attaque sur la rive droite de la Meuse avant d’attaquer sur la rive gauche. Dans son journal de guerre, le Général Edmond Buat fait lui aussi mention d’un transfert de dix divisions allemandes de la Russie au Front de l’Ouest entre septembre et novembre. Mais l’état-major de Joffre ne semble Continuer à lire … « Verdun : le renseignement français et son utilisation »