Vimy : une crête pour le prestige du Canada – Partie 1

Dans la logique du plan d’offensives de Joffre retravaillé par Nivelle au début de l’année 1917, les Britanniques doivent lancer une série d’offensives limitées entre la Scarpe et l’Oise, afin de fixer des troupes allemandes tandis que les Français perceront sur l’Aisne.  Comme le montre bien Jean-Yves Le Naour, Haig se montre d’abord courroucé à l’idée de recevoir les ordres directs d’un français et va d’abord s’employer – avec le concours de William Robertson (Chef de l’état-major impérial) à saper le projet de commandement unique, un temps approuvé par Briand et Lloyd-George. Finalement et toujours de mauvaise grâce, Haig accepte de lancer une série d’offensives limitée entre Arras et Roye, alors qu’il projette sa vaste offensive dans les Flandres. Il fixe donc comme objectifs la Crête de Vimy à la Ist Army de Henry Horne, tandis que les IIIrd (Allenby) et Vth (Gough) Armies devront attaquer entre Monchy-le-Preux et Bullecourt. Ainsi, l’offensive de Vimy n’est pas une attaque isolée mais fait partie d’un plan d’opération plus large qui n’aura pas les résultats escomptés. Haig confie la mission de prendre la Crête de Vimy au Canadian Corps du Lieutenant-General Julian Byng.

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1 – VIMY : UN SECTEUR CONVOITE PAR LES ALLIES

– En mars 1917, le secteur d’Arras se trouve partagé entre l’aile droite de la Ist Army de Henry Horne et l’aile gauche de la IIIrd Army d’Edmund Allenby. La Crête de Vimy a déjà fait l’objet de plusieurs combats. Elle est prise par les Allemands lors de l’offensive de l’été 1914, ce qui leur offre un très bon observatoire pour le réglage des tirs d’artillerie. En mars, juin et septembre 1915, les Français sous le commandement de Ferdinand Foch tentent de s’en emparer mais sans grand succès. Et durant l’année 1916, le secteur de Vimy fait l’objet d’un intense duel de tunneliers britanniques et allemands, marqué par des sapes, des contre-sapes et des affrontements sous terre et dans l’obscurité.

– Le choix de Julian Byng pour diriger l’assaut n’est pas dû au hasard. Le général britannique a fait connaissance avec ce terrain dès février 1916 quand son XVIIth Corps a relevé les unités françaises envoyés renforcer le front de Verdun. Pur produit de l’aristocratie britannique, Julian Byng (1862-1935) est issu de la lignée des Earls of Stafford qui a donné plusieurs ministres à la Couronne. Son père est même ami du Prince de Galles. Bien qu’ayant déjà quatre frères dans les rangs de l’Armée de Victoria, Julian Byng s’engage comme Continuer à lire … « Vimy : une crête pour le prestige du Canada – Partie 1 »

Février-Mars 1917 : revanche sur le Tigre et prise de Bagdad

– Lorsque l’on pense à la prise de Bagdad, nous viennent bien évidemment les images de la Guerre de 2003. Guerre qui a engendré l’atroce situation géopolitique que nous connaissons aujourd’hui. Mais on pense bien moins à celle de 1917, qui fut une victoire de « libération » britannique sur l’Empire Ottoman. Et pourtant, après l’humiliation de Kut al-Amara (avril 1916), les forces expéditionnaires britanniques reviennent presque de loin. Profitant de l’affaiblissement militaire constant de l’Empire Ottoman, les unités des Généraux Maude et Monro vont mener une campagne tambour battant, savamment préparée et très bien menée, qui n’aurait peut-être rien à envier à l’offensive conventionnelle de l’ère Bush (toute proportion gardée au vu des moyens technologiques de l’époque, bien entendu). Et en l’occurrence, cette campagne vient encore tordre le cou à l’idée trop répandue selon laquelle la Grande Guerre ne s’est déroulée que dans des tranchées statiques.
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1 – RESTAURER LE PRESTIGE BRITANNIQUE

– Quand Frederick Maude prend la tête des restes épars et démoralisés de l’Indian Expeditionnary Force « D », il s’atèle très vite à sa réorganisation et à son renforcement. Par catharcis, elle est même rebaptisée Mesopotamian Expeditionnary Force (MEF). Durant la deuxième moitié de 1916, une Commission d’enquête est même envoyée au Moyen-Orient pour examiner les échecs des Dardannelles et de Kut al-Amara. Pendant près de sept mois, ces membres recueillent un flot de critiques mettant en avant le manque de planification stratégique et opérationnelle, ainsi que la faillite logistique qui mena à la reddition des forces de Townshend (1). La Commission de Mésopotamie rend son rapport en mai 1917, deux mois après la chute de Bagdad mais elle a pour conséquences d’acculer Austen Chamberlain (Secretary of State for India) à Continuer à lire … « Février-Mars 1917 : revanche sur le Tigre et prise de Bagdad »

« Q-Ships » ou « Bateaux pièges» ; le retour des corsaires (1914-1918)

Et si l’on vous disait que de modestes navires marchands (apparemment) inoffensifs et d’élégants voiliers ont été utiles pour traquer des U-Boote dans les eaux froides de la Manche et de l’Atlantique nord, vous ririez. Autrement, vous croiriez encore à l’une de ces lubies fantaisistes de certains officiers excentriques qui peuplent l’histoire militaire britannique… Et pourtant, il faut bien le dire, ces navires « civils » obtiendront un honorable palmarès dans la traque aux sous-marins ; nettement supérieur à celui de ces formidables machines de mort qu’étaient les « Dreadnoughts » et « Battlecruisers » et qui feront surtout parler d’eux qu’au large du Jutland, sans plus connaître de bataille navale digne de ce nom pendant le reste du conflit. En revanche, les  « Q-Ships » ont constamment opéré à partir de leur création et jusqu’à la fin du conflit. En somme, ils furent l’ingénieuse – et moins coûteuse – réponse de l’Admiralty à l’insidieuse guerre de prédateurs qu’a lancé sa rivale germanique. Une réponse dont Ian Flemming aurait peut-être pu s’inspirer s’il avait été témoin direct de cet épisode…

– Il ne faut pas croire que les Britanniques ne disposent pas de submersibles quand la guerre est déclarée. Au contraire, la Royal Navy en aligne plusieurs dizaines (58 de Classe E, 7 de Classe J et ceux de Classe K en développement) mais nettement moins que sa rivale la Hochseeflotte. Il faut dire que la doctrine navale britannique, établie par Sir Julian Corbett, mise sur des bateaux rapides mais bien armés qui soient capables d’être envoyés aux quatre coins des océans afin de protéger les routes commerciales. Et les sous-marins sont vus davantage comme des engins d’appui. A contrario, après avoir dû rudement digéré sa défaite dans la « course aux armements », la Kaiserliche Marine se lance dans le développement des U-Boote. Plusieurs cerveaux germains ayant  vite compris que ces engins au mode de déplacement discret pouvaient faire peser une sérieuse menace sur la puissante Royal Navy. Par conséquent, si elle dispose que de 24 U-Boote en août 1914, la marine allemande passe rapidement commande de nouveaux engins.

– Au début du conflit, la chasse aux sous-marins allemands dans la Manche est confiée à des escadres (la 2e légère pour la France) qui emploient des sous-marins le jour et des torpilleurs la nuit, afin d’éviter la confusion des cibles. Britanniques et Français mouillent des câbles et des filets d’acier au large des côtes flamandes mais ces mesures sommaires son inefficaces, d’autant que les allemands viennent de doter leurs engins de dents spéciales pour sectionner les obstacles filaires. Les mines se montrent plus efficaces mais nombre d’engins ennemis réussissent à torpiller des navires dans l’Atlantique. Du coup, quand les loups de mer passent entre les mailles du filet, il faut leur donner la chasse. Mais comment ?

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1 – LA NAISSANCE

– L’Amirauté pense que le seul moyen de venir à bout des U-Boote est de lancer une campagne navale offensive. Cette assertion vient du fait que les Battlecruisers de la Grand Fleet nécessitent une protection rapprochée de destroyers armés de torpilles. Or ces derniers vaisseaux sont d’abord conçus pour affronter d’autres destroyers et non des sous-marins. Entre 1914 et 1917, les destroyers-torpilleurs n’affichent un score que de 6 U-Boote sur 142 engagements. En outre, à la vue de navires de

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