Safari et guérilla allemande à l’ombre du Kilimandjaro (1916-1918)

– Premièrement, il est pertinent de rappeler que la particularité du front d’Afrique Orientale est justement… qu’il n’y a pas de front ! En effet, pour les voyageurs adeptes de Safari et de faune sauvage africaine qui pourraient se rendre en Tanzanie, toute trace des combats de la Grande Guerre semble s’être définitivement évanouie, hormis une antique voie ferrée, presque égarée dans le temps, qui semble fendre la brousse en deux au milieu de nulle part. C’est toute la spécificité de ce front un temps oublié, à savoir celle d’avoir été clairement marqué par une guerre de mouvement durant laquelle les Germano-Ndébélé-Ngonis de Paul-Emil von Lettow-Vorbeck vont jouer au chat et à la souris avec une coalition comptant des Britanniques, des Sud-Africains, des Indiens, des Belges et des Portugais. Un jeu de poursuite de plus de deux ans, marqué par de violentes morsures du plus petit sur le plus gros.
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1 – PROFITER DE SES (QUELQUES) AVANTAGES ET DU PAYS

– Le 8 mars 1916, le Général Jan Smuts déclenche une vaste de campagne afin de mettre fin à la résistance de la Schützttruppe germano-africaine dans l’actuelle Tanzanie. Sur le papier, l’ancien chef boer dispose d’une nette supériorité numérique et matérielle, avec 300 000 hommes, dont les Belges du Général Charles Tombeur qui peuvent attaquer par le Congo. Les Alliés ont aussi pour eux la logistique, grâce aux ports du Kenya et d’Afrique du Sud, ainsi que le chemin de fer qui permet de couvrir. En face, les Allemands et leurs Askari apparaissent en nette infériorité, n’alignant qu’environ 58 000 hommes dont une très forte proportion de porteurs (45 000), avec beaucoup moins d’artillerie et quelques mitrailleuses. Et les bons Continuer à lire … « Safari et guérilla allemande à l’ombre du Kilimandjaro (1916-1918) »

Le Tommy était un Hobbit (et vice-versa)

« In a hole lived a Tommy ». C’est par ce pastiche de la première phrase du « Hobbit » que John Ronald Reuel Tolkien – disparu, il y a tout juste quarante-trois ans – aurait pu décrire son expérience de la Bataille de la Somme. Expérience partagée avec Wilfred Oven, Siegfried Sassoon mais également, l’américain Alan Seeger et bien entendu Ernst Jünger.
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– Quand il revêt l’uniforme britannique, John Ronald Tolkien n’est pas un foudre de guerre. En 1914-1915, ses principales préoccupations restent l’obtention de sa Licence à Oxford et sa fiancée Edith Brat. A Oxford, il anime avec quatre amis (Christophe Wiseman, Robert Gilson et Geoffrey Bache) le club de réflexion littéraire et artistiques TCBS (Tea Club and Bavorian Society). En 1915, comme nombre d’étudiants de la prestigieuse université anglaise, Tolkien revêt l’uniforme kaki des soldats de Sa Majesté. Après une formation de sous-officier, il est intégré comme Lieutenant in Second (Sous-lieutenant) au 13th Battalion Lancashire Fusiliers, avant de rejoindre le 11th Bn. Lancashire Fusiliers, une unité de la New Kitchener’s Army (NKA) formée de jeunes recrues du centre de l’Angleterre. A ce moment de la guerre, Continuer à lire … « Le Tommy était un Hobbit (et vice-versa) »

Ernest Swinton et l’arrivée des chenilles dans la guerre

– L’histoire militaire britannique de la Première Guerre mondiale compte certes de personnalités caricaturées et incarnant le conservatisme de la coterie de la Cavalerie, tels French, Haig ou encore Allenby. Mais elle compte également des esprits ingénieux, imaginatifs et intellectuellement moins sclérosés, qui ont intégré plus vite la dimension industrielle du nouveau conflit. Parmi eux, Ernest Swinton, le « père » des chars britanniques, qui peut être comparé à son pendant français, le Général Jean Estienne. Cependant, il faut toute proportion garder quand on emploie le terme « père ».  Swinton n’a pas conçu les célèbres Tanks Mk engagés dans la Somme en 1916. Le mérite en revient à Walter Gordon Wilson, qui s’est lui même inspiré de travaux d’une entreprise privée de Lincoln. Mais Swinton a permis à ces engins d’un type nouveau de s’imposer – avec des primes difficultés – sur les champs de bataille d’Europe de l’Ouest. Avec le centenaire de l’apparition des Tanks lors des combats de Flers durant la Bataille de la Somme, l’occasion se prête à revenir sur cet officier qui, bien que n’ayant jamais exercé de commandement sur le terrain, contribua au basculement du premier conflit mondial dans sa dimension industrielle.

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– Fils d’un fonctionnaire de l’administration des Indes, Ernest Dunlop Swinton voit le jour à Bangalore le 21 octobre 1868. Il effectue sa scolarité en Grande-Bretagne (Londres, Rugby et Cheltenham), avant d’entrer en 1888 à la Royal Military Academy de Woolwich qui forme les officiers du Génie et de l’Artillerie, en somme les armes Continuer à lire … « Ernest Swinton et l’arrivée des chenilles dans la guerre »

Campagne de Mésopotamie : le siège de Kut el-Amara

1 – LA BATAILLE DE CTESIPHON ET LA RETRAITE SUR KUT

– Revenons-en maintenant à la suite des opérations de la Campagne de Mésopotamie. Le 24 juillet 1915, après trois mois de progression marqués par des accrochages avec les forces turques, la 6th (Poona) Division s’empare de Nasiriyah, avant de redémarrer sa progression vers Bagdad tout en étirant dangereusement ses lignes de communication. La « régate de Townshend » prend de plus en plus des allures d’expédition tragique. Sur place, les soldats de la 6th Division se ravitaillement difficilement sur le terrain. Et encore, en plein pays musulman à majorité chi’ite, les trois Battalions formés de soldats hindous (Mahrata et Rajputanah) ne peuvent tuer des vaches pour leur consommation, du simple fait des interdits religieux. Néanmoins, dès le 12 septembre, les Indo-Britanniques poursuivent leur avance sur Bagdad, en trois colonnes (A, B et C) appuyées par une canonnière et le HMS « Firefly ». Les 26-27 septembre, Townshend s’empare de Bait Isa et combat pour s’emparer des canaux du Tigre. Le 28, les Anglo-ndiens chassent les éléments des 37e et 38e Divisions des Marais de Suwada, entre le canal de Dala et le cours du Tigre et s’emparent des secteurs de Kut-el-Amara, Dahra et Maqasis. Ils parviennent à atteindre Aziziya le 5 octobre, dernière étape avant Ctésiphon et Bagdad.

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– Mais les Turcs ne tardent pas à réagir en dépit des difficultés logistiques qu’imposent les distances à couvrir d’un bout à l’autre de l’Empire. D’autant que plusieurs Corps et Divisions sont engagés dans le Caucase contre les Russes et contre le corps expéditionnaire allié à Gallipoli. En juin 1915, Nureddin Ibrahim Pacha est envoyé en Mésopotamie prendre le commandement régional d’Iraq, en remplacement de Süleyman Askeri Bey, blessé après la bataille de Shaiba. Pour l’heure, les maigres forces ottomanes – dont 14 000 irréguliers arabes – accusent la perte de 2 400 hommes.
Néanmoins, Nureddin Pacha parvient à réunir 18 000 hommes et 52 canons répartis au sein des 35e, 38e, 45e et 51e Divisions. Notons que les 35e et 38e, levées respectivement dans les régions de Bassorah et Mossoul, sont majoritairement composées d’engagés arabes. Sévèrement étrillées après la prise de Bassorah, elles fusionnent bientôt pour former
Avec cinquante-cinq jours de préparation défensive, les Turcs sont prêts à recevoir la Force « D », depuis en plus affamée et isolée. Bientôt, les XIIIe (Khalil Pacha) et XVIIIe (Kazine Pacha) Corps de la VIe Armée – soit quatre divisions – sont prêts à en découdre avec des Anglo-Indiens affamés et de plus en plus isolés. Nureddin Pacha déploie les 35e, 38e et 45e Division en L au niveau de Ctésiphon. Nureddin Pacha forme ensuite 12 secteurs renforcés, répartis en trois lignes de défenses. Chacune de ses lignes est située à proximité (en amont ou en aval) d’une des trois boucles du Tigre situées entre Ctesiphon et Bagdad. Enfin, la 51e Division forme la réserve, tandis que l’artillerie (52 pièces) se concentre au centre du dispositif ottoman afin d’appuyer les flancs comme pour Continuer à lire … « Campagne de Mésopotamie : le siège de Kut el-Amara »

22 février 1916 : Le Colonel Driant tombe au Bois des Caures

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Biographie à lire ici :

22 février 1916 : le Colonel Driant tombe à Verdun

Erwin Rommel et Ernst Jünger : deux Croix Pour le Mérite pour deux guerres

– Avec Manfred von Richthofen et Hermann Göring, Erwin Rommel et Ernst Jünger restent sans doute les deux plus célèbres jeunes officiers allemands récipiendaires de la Croix de l’Ordre pour le Mérite, la plus haute distinction militaire pouvant alors être décernée outre-Rhin. Mais les deux hommes sont différents à bien des titres. La guerre que mena le futur Feldmarschall du IIIe Reich et celle du futur grand écrivain peuvent paraître différentes mais montrent quelques similitudes. En outre, leurs expériences peuvent expliquer leur carrière respective après 1918.
– Rommel et Jünger partagent au moins trois points communs. Ils sont tous deux nés dans une famille de confession protestante (évangélique pour le premier et luthérienne pour le second), ils sont tous deux fils de notables reconnus de Länder (professeur de mathématiques de Souabe pour l’un et chimiste de Heidelberg pour l’autre) et se révèlent volontiers rêveurs. Rommel l’était à l’école, d’où ses notes moyennes. Mais en 1905, son père réussit à l’envoyer dans les rangs des cadets de la Kaisersheer au sein desquels le jeune Erwin trouve Continuer à lire … « Erwin Rommel et Ernst Jünger : deux Croix Pour le Mérite pour deux guerres »

The Irish Guards – par Rudyard Kipling

En octobre 1915, Rudyard Kipling perdit son fils John, jeune officier au 2nd Battalion Irish Guards, lors des combats qui suivirent l’offensive britannique sur Loos. En hommage, Kipling rédigea ce très beau poème en dressant un parallèle historique entre la Brigade Irlandaise qui servit Louis XV et Louis XVI avec les Irish Guards (levés en 1901 par Victoria*) engagés en France en 1915.

We’re not so old in the Army List,
But we’re not so young at our trade,
For we had the honour at Fontenoy
Of meeting the Guards’ Brigade.     

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