Et si l’on vous disait que de modestes navires marchands (apparemment) inoffensifs et d’élégants voiliers ont été utiles pour traquer des U-Boote dans les eaux froides de la Manche et de l’Atlantique nord, vous ririez. Autrement, vous croiriez encore à l’une de ces lubies fantaisistes de certains officiers excentriques qui peuplent l’histoire militaire britannique… Et pourtant, il faut bien le dire, ces navires « civils » obtiendront un honorable palmarès dans la traque aux sous-marins ; nettement supérieur à celui de ces formidables machines de mort qu’étaient les « Dreadnoughts » et « Battlecruisers » et qui feront surtout parler d’eux qu’au large du Jutland, sans plus connaître de bataille navale digne de ce nom pendant le reste du conflit. En revanche, les « Q-Ships » ont constamment opéré à partir de leur création et jusqu’à la fin du conflit. En somme, ils furent l’ingénieuse – et moins coûteuse – réponse de l’Admiralty à l’insidieuse guerre de prédateurs qu’a lancé sa rivale germanique. Une réponse dont Ian Flemming aurait peut-être pu s’inspirer s’il avait été témoin direct de cet épisode…
– Il ne faut pas croire que les Britanniques ne disposent pas de submersibles quand la guerre est déclarée. Au contraire, la Royal Navy en aligne plusieurs dizaines (58 de Classe E, 7 de Classe J et ceux de Classe K en développement) mais nettement moins que sa rivale la Hochseeflotte. Il faut dire que la doctrine navale britannique, établie par Sir Julian Corbett, mise sur des bateaux rapides mais bien armés qui soient capables d’être envoyés aux quatre coins des océans afin de protéger les routes commerciales. Et les sous-marins sont vus davantage comme des engins d’appui. A contrario, après avoir dû rudement digéré sa défaite dans la « course aux armements », la Kaiserliche Marine se lance dans le développement des U-Boote. Plusieurs cerveaux germains ayant vite compris que ces engins au mode de déplacement discret pouvaient faire peser une sérieuse menace sur la puissante Royal Navy. Par conséquent, si elle dispose que de 24 U-Boote en août 1914, la marine allemande passe rapidement commande de nouveaux engins.
– Au début du conflit, la chasse aux sous-marins allemands dans la Manche est confiée à des escadres (la 2e légère pour la France) qui emploient des sous-marins le jour et des torpilleurs la nuit, afin d’éviter la confusion des cibles. Britanniques et Français mouillent des câbles et des filets d’acier au large des côtes flamandes mais ces mesures sommaires son inefficaces, d’autant que les allemands viennent de doter leurs engins de dents spéciales pour sectionner les obstacles filaires. Les mines se montrent plus efficaces mais nombre d’engins ennemis réussissent à torpiller des navires dans l’Atlantique. Du coup, quand les loups de mer passent entre les mailles du filet, il faut leur donner la chasse. Mais comment ?

1 – LA NAISSANCE
– L’Amirauté pense que le seul moyen de venir à bout des U-Boote est de lancer une campagne navale offensive. Cette assertion vient du fait que les Battlecruisers de la Grand Fleet nécessitent une protection rapprochée de destroyers armés de torpilles. Or ces derniers vaisseaux sont d’abord conçus pour affronter d’autres destroyers et non des sous-marins. Entre 1914 et 1917, les destroyers-torpilleurs n’affichent un score que de 6 U-Boote sur 142 engagements. En outre, à la vue de navires de
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