Grumman F6F « Hellcat » : attention, chat très méchant !

En France, tout le monde (ou presque) connaît la série télévisée « Les têtes brûlées » dans laquelle Greg « Pappy » Boyington et ses indisciplinés pilotes de l’USMC pilotent le célèbre Chance Vought F4U « Corsair ». Mais, excepté un public féru d’aéronautique militaire, beaucoup oublient le Grumman F6F « Hellcat », chasseur-bombardier de l’US Navy, rapide, robuste et bien armé, qui a incontestablement dominé le Ciel du Pacifique de 1943 à 1945. Retour sur un redoutable outil de l’aéronavale américaine dans le Pacifique.

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1 – DÉVELOPPEMENT : L’AMÉLIORATION DU « WILDCAT »

Le développement du Hellcat est lancé avant l’attaque japonaise sur Pearl Harbor par un contrat signé le 30 juin 1941 entre Grumman et l’US Navy. Mais cette signature intervient opportunément afin de répondre à l’agilité et la maniabilité des Mitsubishi A6M « Zero », notamment dans le « combat tournoyant ». Grumman dispose déjà du chasseur F4F « Wildcat », un appareil particulièrement robuste et solide mais pas assez agile. Pour échapper aux « Zero », les pilotes de « Wildcat » doivent appliquer la tactique dite du « Yoyo », à savoir plonger en piqué – ce dont l’appareil est amplement capable – avant de remonter. Enfin, il faut bien noter que le « Hellcat » doit répondre aux besoins de la guerre aéronavale dans laquelle le porte-avion est devenu la pièce maîtresse, supplantant les cuirassés et croiseurs lourds. L’US Navy cherche ainsi un appareil capable d’attaquer des cibles lointaines à partir de porte-avions, notamment dans les bases japonaises installées sur des îles du Pacifique. A l’inverse, compte-tenu des tensions avec la Navy et de son statut de force combinée quasi-autonome, l’US Marine Corps continuera à utiliser – sur des aérodromes terrestres – les Chance-Vought F4U « Corsair » qui ne peuvent être embarqués en mer à cause de leur empennage et inadapté.  Continuer à lire … « Grumman F6F « Hellcat » : attention, chat très méchant ! »

L’aviation tactique alliée en Normandie : emploi, succès et limites

« Achtung Jabos ! » C’est par ce cri le troupier allemand, suant de long des routes normandes, alertait ses camarades d’une attaque aérienne effectuée par des chasseurs-bombardiers alliés. « Jabos » étant l’abréviation de « Jäger-Bomber », soit « chasseur bombardier ». Si les Britanniques et Canadiens avaient la hantise des fauves blindés allemands (le « Tiger » en particulier), les soldats allemands (Waffen-SS) compris ont été vite atteints de la peur de voir surgir les « Jabos » à tout moment. L’histoire de la Bataille de Normandie fourmille de récits d’attaques à l’issue desquelles des colonnes de véhicules allemands ont été transformés en tas de ferraille calcinés dégageant une odeur âcre d’acier et de caoutchouc brûlés. Cependant, les exploits des pilotes de toute la gamme de P-47 « Thunderbolt », P-38 « Lightning », P-51 « Mustang », Hawker « Typhoon » et autre DH « Mosquito » ont été soumis à la critique depuis plusieurs années. La plus sévère survient après la Guerre. Le Brigadier-General Mann (ancien chef d’état-major de la First Canadian Army) clame que la RAF s’est montrée aussi intransigeante qu’inefficace dans le soutien aux troupes au sol. On tombe ici dans une querelle « Terriens – Pilotes » mais qui trahit les tensions existantes entre les deux armes. Mann ira plus loin en affirmant que l’action des forces terrestres canadiennes a été « entravée » voire « sabotée » par l’inaction du RAF 2nd Tactical Air Force. Ensuite, des historiens britanniques ont vite embrassé la thèse de l’efficacité limitée de l’aviation tactique. Chester Wilmot estime qu’elle a été « surestimée » et Max Hastings estime qu’elle n’a été qu’un « cliché » de la campagne de Normandie. De son côté, Anthony Beevor défend Arthur Conningham (le commandant du RAF 2nd TAF), accusant « l’incapacité » de Montgomery à donner aux aviateurs assez de terrains plats pour frapper les Allemands. Dans cet article, nous tâcherons de revenir en détail sur l’arme aérienne tactique tout en montrant ses succès et ses limites durant la Bataille de Normandie.
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1 – RETOUR EN ARRIÈRE

– Contrairement à une légende tenace longtemps restée ancrée dans l’esprit du public, l’aviation tactique n’est pas née avec les sirènes hurlantes des Junker Ju-87 « Stuka » en 1939 – 1940. D’ailleurs, le « Stuka » est un bombardier en piqué et n’a jamais été conçu comme un chasseur (même s’il servi de chasseurs de chars). Peu armé pour le combat en altitude et lent, il se fait tailler en pièces par les Hawker « Hurricane » et Supermarine « Spitfire » durant la bataille d’Angleterre. Les origines de l’aviation tactique remontent à la Première Guerre mondiale quand Britanniques, Allemands et Français décident d’employer des chasseurs pour attaquer des cibles précises dans la profondeur du dispositif ennemi. Le RFC (devenu RAF en avril 1918) et les forces aériennes françaises s’en font une spécialité en concevant des appareils spécialement dédié à ce type de missions (Breguet Br. XIV, Caudron Cdr. XI, De Havilland DH.4 Airco) même si les excellents chasseurs SPAD XIII se montrent également adéquats. Ainsi, côté anglais, les futurs Air Marshal Hugh Trenchard et Air Vice-Marshal John Salmond encouragent le développement de Continuer à lire … « L’aviation tactique alliée en Normandie : emploi, succès et limites »

Le Fokker D. VII, un joyau aérien arrivé trop tard

Il s’agit sûrement du meilleur appareil de chasse allemand engagé durant la Grande Guerre, avec le Junker Ju-9, fabriqué en très petit nombre.

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– En 1917, face aux SPAD S.VII, SPAD XII,  Sopwith Camels et RAF S.E.5 et S.E.5a, Antony Fokker (l’un des meilleurs concepteurs d’avion de l’époque) reçoit la commande pour un avion capable de rivaliser avec les modèles alliés existants. Fokker conçut d’abord le Fokker Dr. I qui, malgré toute la légende héritée du « Baron Rouge », n’était pas une réussite malgré sa capacité à opérer de courts virages serrés.

– Fin 1917, après l’abandon de la fabrication du Continuer à lire … « Le Fokker D. VII, un joyau aérien arrivé trop tard »

L’hydravion « Felixstowe » F.2 et F.2A

Une merveille de technologie aéronautique de la Première Guerre mondiale : l’hydravion biplan « Felixstowe » F.2A qui se révéla fort utile à la lutte anti sous-marine et à la surveillance des convois. Les faits d’armes de ses pilotes durant la Grande Guerre resteront bien sûr dans l’ombre des as du RFC mais le « Felixstowe » servira de base à la conception de plusieurs hydravions, dont le « Catilina ».

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– Avec la guerre menée contre les Unterseeboote et les Zeppelins du Kaiser, les Britanniques arrivent rapidement à la conclusion qu’ils ont besoin d’avions à plus long rayon d’action et à plus grande autonomie, afin d’équiper décemment le Royal Navy Air Squadron (les unités aériennes de la Royal Navy). Ils achètent d’abord aux Etats-Unis des Curtiss H4 et H8 américains, suivis par de H12 surnommés respectivement « Small America » puis « Large America ». Mais les deux modèles manquent de puissance et leur conception doit être revue (1).

– Cette tâche d’ingénierie est dévolue au  Continuer à lire … « L’hydravion « Felixstowe » F.2 et F.2A »

Le Gotha, bombardier lourd du premier Blitz

– En matière de bombardements de villes britanniques, Hitler et Goering n’ont rien inventé. En effet, Londres et plusieurs villes de Grande-Bretagne ont subi des attaques moins meurtrières de la part des aérostats et de bombardiers allemands. Mais si ses raids ont causé une panique certaine, ils n’ont nullement entamé le moral des soldats et de la population britanniques.

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1 – Remplaçant du Zeppelin

– Dès la fin de l’année 1914, la Kaiserliche-Marine envoie ses équipages de Zeppelin bombarder Londres et le Sud-Ouest de la Grande-Bretagne avec deux buts : enrayer l’industrie de guerre britannique et briser le moral de la population civile. Et ce, malgré les sentiments de Guillaume II*. Le premier objectif ne sera nullement atteint puisqu’en dépit de quelques dégâts dans le Kent, les usines britanniques tourneront à plein régime durant quatre ans. Ensuite, en dépit de vagues de panique temporaires, comme de « zeppelinite » aigue (1) qui s’empare du Commandement et de l’Amirauté, la population britannique fait preuve de calme et de résilience. D’autre part, aussi impressionnants qu’ils soient, les dirigeables ne sont pas disponibles en grand nombre et ne disposent que d’une charge limitée de bombes. Rien de comparable donc au « Blitz » de Continuer à lire … « Le Gotha, bombardier lourd du premier Blitz »

Avions en mer ; quand la Grande-Guerre invente l’aéronavale – Partie 2

3 – LA TORPILLE PREND L’AIR

– Les attaques de navires à la bombe s’avérant infructueuses, les belligérants misent plutôt sur des torpilles embarquées sur des avions. Mais compte-tenu du poids de l’engin qui peut handicaper l’appareil en vol – le contraignant à ne pas voler au-delà d’une certaine altitude – aucun appareil ne peut embarquer plus d’une torpille. Du côté des Empires Centraux, les Allemands et les Austro-Hongrois répondent aux Britanniques. Les premiers conçoivent l’hydravion « Gotha » WD. 14, chargé d’attaques à la torpille contre des navires. Produit à 69 exemplaires en tout, il est néanmoins vulnérable aux ripostes de chasse.

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Hydravion allemand Gotha WD.14

– Du côté britannique, le Commodore Murray Sueter se  fait l’avocat de l’emploi d’avions torpilleurs contre les flottes allemande et austro-hongroise. Placé à la tête de l’Air Department, le Commodore Murray Sueter convertit, dès 1914, 3 AD-1000 en torpilleurs (avions de reconnaissance à long rayon d’action inspirés des Sikorsky). Mais l’engin se révèle inadéquat. Du coup, Sueter fait appel au concepteur d’avions Frederick Handley-Page qui travaille sur Continuer à lire … « Avions en mer ; quand la Grande-Guerre invente l’aéronavale – Partie 2 »

Avions en mer ; quand la Grande-Guerre invente l’aéronavale – Partie 1

– Quand on pense au mot « aéronavale », nous viennent très vite en tête les images des grands affrontements de la Guerre du Pacifique entre Américains et Japonais. Mais comme pour beaucoup d’aspects de la Seconde Guerre mondiale, l’aéronavale a bien eu ses précédents et ses pionniers durant la Grande Guerre et même avant. En effet, c’est à la fin de la Belle Epoque que l’on découvre le potentiel des avions dans une potentielle future guerre navale. L’élément naval, qui était jusque-là l’apanage des cuirassés et autres dreadnoughts, se retrouve « relié » à l’élément aérien. L’emploi des appareils en mer reste en effet bien moins « médiatisé » que les affrontements au-dessus du front de l’Ouest, car peu spectaculaire en comparaison des exploits des « as ». Mais il s’intègre dans un processus de réponses à de nouvelles menaces (sous-marins, Zeppelin) qui engendre de nouvelles techniques d’emplois, qui elles-mêmes donnent naissance à de nouveaux types d’avions et de vaisseaux.

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Décollage d’un Sopwith « Pup » sur ne plateforme installée sur le croiseur australien « Sydney »

1 – QUAND L’AVION CONTESTE LE RÈGNE DES GRANDS CUIRASSES  

– Au début du XXe siècle, une bonne partie des officiers considère que les cuirassés et autres dreadnoughts sont les « armes absolues » sur mer. Et on estime alors  que l’aviation n’est rien d’autre que du sport pour officiers oisifs. Pourtant, les innovations techniques propres à la fin de la Belle Epoque font des émules chez les jeunes officiers et certains responsables militaires. Et l’aéronautique navale en fait partie. Winston Churchill pour la Grande-Bretagne, le Rear-Admiral Bradley A. Fiske pour l’US Navy, René Daveluy et Paul Teste pour la France, ainsi qu’Alessandro Guidoni et Mario Caldarera pour l’Italie sont les promoteurs de ce nouvel emploi des biplans (1). Du côté des « conservateurs », sévères gardiens du dogme de l’emploi du cuirassé, on s’agace de voir les dossiers « novateurs » s’accumuler sur les étagères des différents bureaux des états-majors navals d’Europe.
Seulement, l’évolution de l’aviation va donner raison aux thuriféraires de l’aéronautique. Si en 1908 l’Amirauté britannique a raison d’estimer que Continuer à lire … « Avions en mer ; quand la Grande-Guerre invente l’aéronavale – Partie 1 »