Etat du Mur de l’Atlantique en Normandie à la veille du 6 juin 1944

Au début de 1944, la propagande allemande proclame encore que le « Mur de l’Atlantique » (« Atlantikwall ») est infranchissable aux Armées alliées, protégeant ainsi la « Forteresse Europe ». Mais sur le terrain, la réalité est moins reluisante. En effet, la « forteresse » n’est pas encore achevée et manque de moyens, même si les Blockhäuse érigés entre le Cotentin et Dunkerque ne manqueront pas d’impressionner. Ainsi, sur le littoral du Calvados et du Cotentin (soit entre l’estuaire de la Seine et Cherbourg), le réseau défensif poliorcétique du Reich n’est pas encore complet. Mais il ne manque pas d’inquiéter les alliés car les défenses de la Basse Normandie restent assez redoutables. Il suffit de se rendre au Mont Canisy, à Juno Beach, à Longues-s/-Mer et à la Pointe du Hoc pour s’en rendre compte. L’objectif de cet article est moins de dresser l’histoire du Mur de l’Atlantique en Normandie que d’en voir la complexité, les forces et les faiblesses.

Longues
Batterie de Longues-s/-Mer (Fonds personnel)

– En 1942, Hitler ordonne à l’Organisation Todt d’ériger un gigantesque réseau fortifié en béton afin de protéger la « Forteresse Europe ». Mais les films d’actualité tournés sous la direction du Ministère de la Propagande du Reich masquent un impératif stratégique plus préoccupant pour l’Allemagne. En effet, en décembre 1941, les Etats-Unis sont entrés en guerre, contrairement aux estimations optimistes de Berlin. Et la machine industrielle américaine commence à tourner à plein régime et sort des centaines de navires de ses chantiers navals. En raison des nettes limites de la Continuer à lire … « Etat du Mur de l’Atlantique en Normandie à la veille du 6 juin 1944 »

Le Sherman V « Duplex Drive » (DD) ou « Donald Duck »

Derrière le sympathique sobriquet donné à cet engin en référence au canard maladroit de Walt Disney, le Sherman DD était une réponse apportée à une nouvelle donne dans la complexification des opérations de grand style, principalement de type amphibie. Les chars amphibies doivent répondre à deux questions : comment fournir au mieux un appui-feu à des fantassins dans des opérations amphibies ? Et comment mettre à terre des chars le plus rapidement possible ?
DD-Tank
– L’idée du char amphibie n’est pas une nouveauté à l’entrée en guerre en 1939. Déjà, dans l’idée de donner un meilleur appui-feu de potentiels raids amphibies, les Britanniques avaient pensé à des Tanks amphibies à la fin de la Grande Guerre. Idée concrétisée par une poignée de prototypes dès 1919 mais le projet n’aboutit pas, faute de

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Nicolas Aubin : « La course au Rhin » (Economica)

– Agrégé, contributeur régulier à la revue « Guerres & Histoire » et co-auteur, avec Jean Lopez, Vincent Bernard et Nicolas Guillerat, d’une « Infographie de la Seconde Guerre mondiale » (Perrin), Nicolas Aubin s’est imposé comme l’un de nos historiens militaires les plus prometteurs. Spécialiste de la logistique du Second conflit mondial (domaine assez négligé sinon méprisé des rayons de librairie et des éditions), Nicolas Aubin vient de publier une histoire d’une partie très méconnue de la Libération de l’Ouest de l’Europe : « La course au Rhin (25 juillet – 15 décembre 1944). Pourquoi la guerre ne s’est pas finie à Noël » aux éditions Economica.
La Course au Rhin
– Comme Nicolas Aubin l’avoue lui-même dans les premières pages, la gestation de cet ouvrage a pris du temps. Mais étant donné la qualité de la recherche et celle du traitement du sujet, la Patience n’était que vertu. Lors des commémorations des évènements de la Libération en 2014, le grand public retînt les commémorations sans doute les plus médiatisées : Débarquement du 6 juin 1944, massacre d’Oradour-s/-Glane, débarquement de Provence (phase largement méconnue), libération de Paris et – peut-être – libération de Strasbourg.

– Or, beaucoup de phases intéressantes de la (reconquête) de la France par les alliés ont été largement occultées pendant plusieurs décennies par l’Historiographie : la bataille de Normandie dans son ensemble (qui s’étend jusqu’au franchissement de la Seine et la libération des ruines du Havre), la poursuite vers la Belgique, la poursuite dans la Vallée du Rhône, la campagne de Lorraine, etc.  Ici, Nicolas Aubin nous propose d’analyser ces différentes phases à la lumière de données encore trop occultées qui permettent de comprendre pourquoi ce qui apparaissait comme une chevauchée triomphale s’est émoussée au pied de Metz et un pont trop loin en Hollande. Le livre met ainsi en évidence les

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Sylvain Ferreira : « La campagne de Virginie de Grant (1864) » (Economica)

– Même si l’on connaît les noms de Lee, Grant, Lincoln ou encore celui de Gettysburg, la Guerre de Sécession reste largement méconnue en France. Force est de constater que c’est bien plus par le prisme de la question de l’esclavage que nous l’abordons. En témoigne la couverture médiatique. Or, l’histoire militaire de la Guerre civile américaine a été largement minorée sinon méprisée dans l’historiographie française. Toutefois, les travaux biographiques de Vincent Bernard sur les personnalités de Robert E. Lee et Ulysse S. Grant ont, très récemment, apporté un vent nouveau sur l’étude des campagnes de la Guerre de Sécession.
La campagne de Virginie
– Dans ses biographies de Lee et Grant, Vincent Bernard a brisé plusieurs mythes tout en montrant que Grant et Lee avaient une approche différente de la Guerre. Quand le Nordiste souhaite atteindre des objectifs stratégiques et politiques (fixés par Lincoln) dans une vision plus Clausewitzienne, le Confédéré manie son armée de Virginie du Nord dans une vision plus conforme à la pensée d’Antoine de Jomini*. Ainsi, quand Grant cherche à anéantir le potentiel des Confédérés par une campagne séquencée et échelonnée dans le temps et l’espace, Lee cherche à forcer les Nordistes à la paix par une victoire décisive. Or, après sa défaite de Gettysburg, Lee n’a plus d’autre choix que d’opérer une stratégie défensive pour éviter l’invasion de son Etat natal.

– Ainsi, dans « La campagne de Virginie de Grant », Sylvain Ferreira nous offre une

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Sur le film « Les Oies sauvages » (« The Wild Geese ») – Analyse personnelle

– En-dehors de ses inexactitudes quant à la vraie situation des mercenaires, « Les Oies sauvages » d’Andrew V. McLaglen (d’après le roman de Daniel Carney) est peut-être le moins « caricatural » des films de mercenaires. D’autant qu’ici, il n’est pas question de « super-soldats » mais de véritables professionnels qui mettent leurs compétences tactiques et techniques au service d’un objectif commun et selon un plan mûrement réfléchi. Ne serait-ce du fait que les personnages sont pour la plupart, éloignés l’image de mercenaires romantiques. Et s’ils sont motivés par la prime promise par Matherson (Stewart Granger), leurs raisons de s’engager dans l’aventure dans la république africaine fictive du film (dont on ne connaît pas le nom) sont plus complexes. [Si vous n’avez pas vu le film, ne lisez pas la suite]
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– Le personnage d’Allen Faulkner (Richard Burton) apparaît sans doute comme l’archétype du mercenaire apatride qui agit selon ses intérêts. Or, c’est une sorte « d’officier perdu » qui vend ses services au plus offrants avant de retourner « chômer et se saoûler » quand « il ne fait pas la peau à des inconnus ». Or, le personnage de Burton est peut-être le plus caricatural car se rapprochant davantage du mercenaire « sans foi ni loi ni réelle patrie ». Mais le personnage de Faulkner est un aigri et un atrabilaire qui se remet difficilement du décès de sa femme et reste éloigné de ses fils. Continuer à lire … « Sur le film « Les Oies sauvages » (« The Wild Geese ») – Analyse personnelle »