Lawrence d’Arabie :« Contenir l’ennemi par la silencieuse menace d’un désert inconnu »

Parmi les personnalités excentriques et anti-conformistes qui peuplent l’histoire militaire britannique, Lawrence d’Arabie reste incontestablement la plus connue. Une célébrité en très grande partie due par la magistrale interprétation du grand Peter O’Toole dans le chef-d’œuvre au sept Oscars de David Lean. Le portrait qui est dressé du personnage historique est plutôt proche de la réalité : cultivé, charmeur, habile rhétoricien mais idéaliste jusqu’à la mégalomanie, irréaliste, prisonnier de ses rêves et finalement, un « pion » dans l’échiquier stratégique britannique qui le dépasse. Cependant, d’un point de vue de l’Histoire militaire, Lawrence reste sûrement l’un des grands novateurs de la Première Guerre mondiale. Son hétérodoxie militaire et son absence de préjugés l’on conduit à mener une guerre de guérilla, particulièrement efficace, qui tint compte des réalités arabes et qui a longtemps fait école.

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1 – DE L’ARMÉE D’UN EMPIRE AUX TRIBUS ARMÉES 

– Après les échecs de Gallipoli et de la première expédition de Mésopotamie (Kut al-Amara) en 1915-1916, le Foreign Office décide de jouer la carte des Tribus arabes afin de pressurer et d’épuiser « l’Homme malade de l’Europe ». Jamais à cours de promesses quand il s’agit de se trouver des alliés, les Britanniques, par l’entremise de Sir Henry MacMahon, ont promis à Hussein de constituer un grand royaume arabe qui engloberait La Mecque et Médine mais aussi, Bagdad, Jérusalem et Damas. Or, en 1916, les accords Sykes-Picot (signés hâtivement et sans vision à long terme) ont défini les zones de partage des restes de l’Empire Ottoman entre la France et la Grande-Bretagne dans le dos de Hussein, bien évidemment. Et comme si cela ne suffisait pas, influencé par Chaim Weissmann, Sir Arthur Balfour signe en 1917, sa fameuse Continuer à lire … « Lawrence d’Arabie :« Contenir l’ennemi par la silencieuse menace d’un désert inconnu » »

Chemin des Dames – L’assaut du 16 avril

– Le bombardement d’artillerie commence au matin. Les 5 343 bouches à feu déversent un torrent de fer sur les positions allemandes. Comme pour les assauts de Verdun, les pièces lourdes visent la profondeur du dispositif allemand ou tâchent de neutraliser les batteries allemandes. Sauf que dans le ciel, l’aviation ne peut repérer les zones à cibler idéalement car la chasse allemande est particulièrement mordante. Après le matraquage d’artillerie, ce sont les fantassins français (près depuis 03h30) qui sortent de leurs tranchées, Rosalie au canon entre Laffaux et Loivre.

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– En ce 16 avril 1917, il fait particulièrement froid, un printemps pourri ayant succédé à l’un des hivers les plus durs du XXe siècle.  Mais plusieurs mauvaises surprises de taille attendent nos soldats. D’une part, ils découvrent que le barrage d’artillerie n’a pas neutralisé les positions allemandes qui crachent de meurtriers tirs de mitrailleuses Maxim. Il faut donc attaquer Continuer à lire … « Chemin des Dames – L’assaut du 16 avril »

Chemin des Dames 2 – Défense allemande

1 – FORCES ET DEFENSES ALLEMANDES

A – Les troupes allemandes solidement installées

– Nivelle sait que les Allemands défendront leurs positions mais a-t-il conscience que les défenses allemandes sont aussi solides que bien élaborées ? Le GAR va devoir attaquer dans un secteur que les Allemands ont renforcé depuis 1914, en profitant du sol crayeux pour creuser des abris et des dépôts, ériger des ouvrages défensifs bétonnés et maçonnés et consolider leurs arrières. Établies dès l’hiver 1914, les défenses allemandes rejoignent, dès février 1917, l’extrémité sud de la Siegfried Stellung (Ligne « Hindenburg ») dans la région de Saint-Quentin, formant ainsi un bras bétonné de près de 200 km de long. Sous les austères champs du Laonnois, les Pioniere des 7 et 1. Armeen ont creusé tout un dédale de galeries qui relient des logements, des dépôts de vivres et de munitions, des centres de transmissions, ainsi que des hôpitaux. Le plus célèbre de ses réseaux étant la « Caverne du Dragon » située sous le Plateau de Craonne.
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– Seul inconvénient notable, les sous-sols sont humides et propices à la propagation de virus et microbes, ce qui peut causer des dommages, notamment en cas de blessures. En revanche, en cas de bombardement d’artillerie, les abris et galeries situées à plusieurs dizaines de mètres sous terre sont une bonne protection contre les bombardements d’artillerie. Les Britanniques l’ont appris à leurs dépens l’année précédente. D’autre part, les Allemands peuvent disposer de Continuer à lire … « Chemin des Dames 2 – Défense allemande »

Chemin des Dames 1 – Le plan français

Nous avons vu dans deux précédents articles le contexte stratégique qui va mener à l’offensive du Chemin des Dames. (1) Voyons maintenant les préparatifs tactiques en tant que tel mais aussi comment Nivelle eut maille à partir avec Alfred Micheler pour appliquer ses ordres. Il sera ici également question des raisons tactiques qui ont mené à l’échec du plan du Généralissime, comme du déroulé de la bataille

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Plateau de Craonne (fonds personnel)

1 – LE PLAN DE NIVELLE OU LE GRAND RETOUR DE LA MANŒUVRE  

A – Trouver la percée

– Lorsque-il parle des nouvelles méthodes opératoires avec lesquelles il espère briser le front ennemi, Nivelle n’hésite-t-il pas à déclarer : « J’insiste sur le caractère de violence, de brutalité et de rapidité que doit revêtir notre offensive et, en particulier, son premier acte: la rupture, visant du premier coup la conquête des positions de l’ennemi et de toute la zone occupée par l’artillerie. L’exploitation doit suivre la rupture sans arrêt. » Bref, au GQG, l’enthousiasme prime quant au retour des grandes offensives façon Grande Armée napoléonienne.

– Pour percer le front allemand, Nivelle et le Grand Etat-Major étudient plusieurs possibilités. La région comprise entre les Flandres et le Canal de la Bassée est trop Continuer à lire … « Chemin des Dames 1 – Le plan français »

1917 : le piège de l’offensive ?

Pour les Alliés, notamment les Français et les Italiens, la fin de l’année 1916 a comme un aspect de déjà-vu. Comme en 1915, les pertes ont été terribles (accrues par les carnages de Verdun et de la Somme) et le conflit s’est encore enlisé dans une impasse boueuse. Aucune percée décisive n’a été obtenue et les Allemands s’accrochent encore au terrain. Mais le GQG, grisé par le succès défensif de Verdun et fait la sourde oreille aux quelques esprits grincheux – civils ou militaires – qui mettent en garde contre une offensive qui s’avérerait coûteuse. Joffre et Haig n’ont pas compris qu’ils s’étaient trompés sur toute la ligne à l’été 1916. Mais il n’y a pas que les chez les Français que l’offensive devient contagieuse. Les Britanniques veulent parer au plus pressé face à la menace sous-marine sur le Front de l’Ouest, entrant ainsi en confrontation avec les plans français. Et si les Italiens sont plus mesurés dans leurs projets, les généraux russes des premiers mois de la Révolution – poussés par les Français –  vont ne voient pas qu’une nouvelle offensive à l’été 1917 risque d’achever une armée minée par l’indiscipline et l’épuisement.

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1  – LES EMPIRES CENTRAUX SUR LA DÉFENSIVE

– Dans l’inconscient collectif et la mémoire nationale, « l’année terrible » 1916, marquée par une titanesque ordalie de sang, de fer et de feu, s’est achevée sur un sanglant match nul entre belligérants. Aucune des deux grandes alliances n’a réussi à emporter la décision qui mettrait fin à la guerre malgré les moyens humains et matériels déployés. Il est vrai que les chiffres des pertes (tués, blessés et prisonniers) donnent le tournis : plus de 670 000 Français, plus de 450 000 britanniques et troupes du Commonwealth, près de 200 000 italiens et plus de 500 000 Russes, du côté alliés. En revanche, chez les Empires Centraux, on n’est guère mieux loti. A l’issue des deux grandes batailles d’attrition du front français (Verdun et la Somme), l’Empire allemand dénombre environ 900 000 soldats perdus (dont un peu moins de 300 000 tués) et l’Autriche-Hongrie plus de 500 000 pertes, la majeure partie étant des prisonniers de toutes les nationalités de l’Empire ramassés par dizaines de milliers lors de l’Opération Broussilov et qui partiront pour la Sibérie. Et le succès éclatant d’August von Mackensen qui a sévèrement corrigé la Roumanie ne doit pas occulter la réalité. « Comprimés » entre le front ouest, le Front Continuer à lire … « 1917 : le piège de l’offensive ? »

Nivelle : général en manque de légitimité

Le public a longtemps vu l’histoire du Chemin des Dames « par le bas », soit par les lettres récits indignés sur les « fusillés pour l’exemple » ou bien à travers la chanson de Craonne. Mais outre les ineptes décisions de Nivelle sur le plan stratégique sinon tactique, il faut bien voir que l’offensive était déjà défaillante « par le haut ». Or, comme l’a très bien montré Jean-Yves Le Naour, Nivelle, nouveau venu dans le marigot politico-militaire, manque clairement de légitimité en succédant à l’imposant Joffre. Considéré comme obéissant et discipliné, il se heurte néanmoins au scepticisme de certains et à la mauvaise volonté d’autres. Et même s’il réussit à convaincre plusieurs politiques, de même que l’opinion qu’il tient la solution.
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1 – Le GQG, l’Armée, le Gouvernement et le Parlement : « on vous aime, nous non plus »

– Après-Guerre, un mythe longtemps tenace a voulu que le GQG a été une instance toute puissante qui réglait les questions de la Guerre en passant par-dessus la tête. Les récentes études approfondies montrent qu’il n’en a rien été. En effet, comme l’a bien montré le Colonel Rémy Porte dans sa biographie consacrée à Joffre, un grand nombre de décisions stratégiques et techniques (armes, armement, équipement, dotations, etc.) doivent passer par les mains des Commissions Parlementaires ; Assemblée nationale et Sénat (1). A cela s’ajoute que chaque Général dispose de son réseau dans les milieux parlementaires et chez les Ministres. Quand un Ministre saute, la place d’un Général peut-être en sursis. On est donc bien loin de l’image d’un GQG aussi puissant que le Grand-Etat-major de Berlin. D’autre part, les relations entre le Gouvernement et les chefs militaires français ont été marquées par des tensions et des conflits. Mais les civils ont bien Continuer à lire … « Nivelle : général en manque de légitimité »

Guerres & Histoire : mutineries et désobéissances de 1917

Un dossier passionnant, qui colle à cette année 2017 en prenant ses distances avec les débats passionnels qui alimentent – et qu’alimentent – les médias et le cinéma depuis une bonne quinzaine d’année. Cette fois, Jean Lopez, Laurent Henninger et Yasha MacLasha signent un dossier des plus intéressants sur les mutineries et désertions qui ont marqué l’année 1917.

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– Avec l’habitude bienvenue de tordre le cou aux nombreux mythes de l’Histoire militaire, Guerres & Histoire montre que si le phénomène de la désobéissance  se moque des parapets de tranchées, il n’est nullement monolithe et diffère largement d’une armée à l’autre. Si entre la Russie, la France et l’Italie, l’épuisement est le dénominateur commun, les Continuer à lire … « Guerres & Histoire : mutineries et désobéissances de 1917 »

Vimy : une crête pour le prestige du Canada – Partie 2

4 – L’ASSAUT DU 9 AVRIL

– En ce  lundi 9 avril 1917 à 04h00 du matin, il fait particulièrement froid et le brouillard recouvre la crête de Vimy. Dans leur tranchée de première ligne, les Canadiens reçoivent leur ration de rhum, geste devenu presque un rituel. Certains soldats se sont même vus remettre des pourpoints de cuir afin de se jeter sur les fils barbelés qui n’auraient pas été sectionnés et de permettre à leurs camarades de passer (1). Mais durant la nuit du 8-9 avril, les Allemands ont cru découvrir les intentions ennemies. Il faut dire que le raid du Captain Kent a pu alerter. Des soldats allemands tirent des fusées éclairantes mais ils ne remarquent aucune présence suspecte dans le no man’s land.

– A 05h30, l’artillerie canadienne (983 pièces au total) déclenche un violent tir de barrage de trois minutes sur les positions allemandes. Après ces trois minutes d’un premier lift, les servants donnent aux pièces une hausse de 100 m. Puis, conformément au chronométrage établi par Currie et Morrison, une masse initiale d’infanterie de 15 000 hommes sort des tranchées, chaque soldat étant bardé de 18 à 40 kg. Selon le plan d’artillerie bien défini, les canons de 18-pdr crachent leurs shrapnels sur les lignes de tranchées allemandes ; les obusiers pilonnent les tranchées de communication et les pièces à plus longue portée pilonnent les routes et la profondeur du dispositif ennemi. Mais lorsque les fantassins suivent le barrage rampant en tirant sur les positions ennemies, plusieurs d’entre eux sont victimes de tirs amis. Et dans certains secteurs, ils sont couverts par les automitrailleuses de Raymond Brutinel qui crachent plusieurs milliers d’obus sur les positions allemandes, bien qu’Andrew MacNaughton ne voyait pas de pertinence au procédé. (2).

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– Pour traverser le no man’s land, les fantassins canadiens se placent en formation comme à l’entraînement. Mais celles-ci ne sont pas forcément uniformes. En effet, certains Battalions avancent avec 2 compagnies en avant, chacune formée d’une section de pointe, suivie d’une compagnie de nettoyage et 2 autres pour prendre l’objectif intermédiaire. D’autres, comme au sein de la 8th Brigade, attaquent avec 1 compagnie en tête chargée de conquérir une section spécifique de la ligne de front, 1 seconde chargée d’attaquer sur le second objectif, tandis que la troisième attaquera au sommet de la crête, tandis que la quatrième restera en réserve en cas de coup dur.
En tout cas, comme le montre l’historien canadien Bill Rawling, si le procédé d’assaut n’est pas vraiment uniformisé à l’échelle des brigades et des Battalions, une chose est sûre : les divisions et brigades canadiennes attaquent en profondeur au lieu de tenter une percée en masse. On est dans le combat des petites formations chargées de neutraliser des positions de mitrailleuses et des points fortifiés, bien souvent à la grenade. (3)

– Néanmoins, les Canadiens se heurtent vite à une difficulté que les planificateurs n’ont pas prévue. En effet, appliquant les ordres de Byng de protéger à tout prix l’infanterie, bon nombre de batteries tirent des obus fumigènes. Couplées au brouillard, elles ne Continuer à lire … « Vimy : une crête pour le prestige du Canada – Partie 2 »