La bataille d’Arracourt (Campagne de Lorraine de 1944)

1 – SITUATION : PATTON FREINE !

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– Patton ne poursuit qu’un seul objectif : franchir le Rhin et porter le fer en Allemagne. Mais pour cela, il faut que sa Third US Army franchisse la Moselle et la Seille, tout en dégageant la place de Metz, puissamment fortifiée par la 1. Armee allemande (Kurt von der Chevallerie). Mais, comme l’a montré Nicolas Aubin, les plans établis par l’état-major de la Third US Army (Koch et Gaffey) sont particulièrement brouillons et s’appuient sur des renseignements lacunaires. Ainsi, Harris W. Walker, commandant du XX Corps (5th et 90th Infantry Divisions ; 7th Armored Division), n’a qu’une connaissance parcellaire de la disposition des forts français qui ceinturent Metz. Mais Patton ordonne à Walker de prendre Metz, en espérant que la défense allemande ne sera que très faible. Mais les généraux américains déchantent très vite. Alors que le temps est exécrable – la boue cassant la mobilité du XX Corps – 2 divisions de Walker (la 5th d’Irwin et la 7th Armored de Silvester) établissent bien une tête de pont à Arnaville aux prix d’engagements coûteux. Mais les 2 divisions s’engoncent dans des combats d’attrition qui ne débouchent pas sur la percée escomptée au sud de Metz. Avec sa pince nord sérieusement émoussée, Patton ne peut espérer dégager Metz avant octobre. Comme le signale d’ailleurs Nicolas Aubin, l’allongement des lignes du « Red ball express » a certes été préjudiciable à Patton mais ce dernier disposait clairement des forces nécessaires pour prendre Metz. Mais il n’a pas su les utiliser, ni planifier une bonne attaque.

– Sur un plan plus opérationnel, il y a plus grave pour Patton. Premièrement, il lui manque le VIII Corps de Troy H. Middleton (3 divisions) qui est retenu en Bretagne pour faire tomber la Festung « Brest », Eisenhower souhaitant voir tomber le port breton pour l’automne*. D’autre part, 6th Armored Division (R.W. Grow), accourue de l’ouest de Bretagne, est encore sur les routes. Si Patton peut bien compter sur 3 Corps d’armées (XX, XII et XV) – lesquels adoptent une formation « triangulaire » à 2 DI et 1 DB – il lui manque une unité de réserve dont les forces pourront être intégrées dans le second échelon offensif. Or, ça n’est pas le cas. Le XX Corps de Walker est déjà englué devant Metz (et n’a d’autre issue que de prendre la place). Le XII Corps de Manton S. Eddy, l’un des meilleurs subordonnés de Patton (avec les 35th ID, 80th US ID et 4th Armored Div.) s’en sort mieux. Après une 

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« La chevauchée de feu » (« The Lighthorsemen ») – S. Wincer

Hormis la saga « Mad Max », le Cinéma australien est assez méconnu en France, occulté par la machine hollywoodienne. Pourtant, les productions du Dominion ont laissé quelques petits joyaux parmi les films de Guerre.

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– Ainsi, durant la période de la « Nouvelle vague australienne », plusieurs réalisateurs se firent un nom dans les films de Guerre, avec le choix de retracer des épisodes de l’histoire récente australienne. Ces productions s’inscrivent également dans un processus de construction d’une histoire Continuer à lire … « « La chevauchée de feu » (« The Lighthorsemen ») – S. Wincer »

Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri : « Barbarossa. 1941. La Guerre absolue » (Passés Composés)

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Un monument historiographique ! Le qualificatif n’est pas galvaudé. Après « Joukov » et « Grandeurs et misères de l’Armée Rouge », le duo formé par Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri a publié, pour la rentrée un ouvrage de plus de huit-cent pages consacré à l’Opération « Barbarossa », fruit de plusieurs années de recherche à quatre mains, au milieu d’archives allemandes et russes.

– « Barbarossa » présente la grande originalité de ne pas se concentrer exclusivement sur l’aspect militaire de l’opération. En effet, loin de n’avoir été qu’une campagne militaire stricto sensu, « Barbarossa » a été un affrontement titanesque entre deux systèmes totalitaires, avec ses dimensions politiques, géopolitiques, économiques et idéologiques. La première partie de l’ouvrage livre des lignes passionnantes sur les racines culturelles et psychologiques du plan d’invasion de Continuer à lire … « Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri : « Barbarossa. 1941. La Guerre absolue » (Passés Composés) »

Antony Beevor : « Arnhem : la dernière victoire allemande » (Calmann-Levy)

Après Stalingrad, la Normandie et les Ardennes, Anthony Beevor s’est lancé dans la rédaction d’un récit détaillé de l’Opération « Market Garden », tragédie de l’histoire militaire britannique de la Seconde Guerre mondiale.
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Appliquant sa traditionnelle méthode d’imbriquer destins personnels, anecdotes (Histoire par le bas) et sujets plus opérationnels, techniques et stratégiques (Histoire par le haut), Antony Beevor réussit à nous plonger dans les combats de Hollande pour le contrôle du Rhin. On regrette cependant qu’il ne nous détaille pas les raisons de l’abandon de l’Opération « Linnet » (abandon dû à la désobéissance de Bradley qui a voulu mener SA propre opération à Mons), lequel a incité Montgomery à lancer « Market Garden ». En revanche, A. Beevor explique très bien en quoi la nouvelle place acquise par les troupes aéroportées alliées s’est avérée être plus un handicap qu’un avantage opérationnel. L’auteur livre des lignes très intéressantes sur la planification précipitée par Montgomery (pas assez de parachutages sur les deux rives, manque d’avions et contrainte d’opérer plusieurs largages), lequel reste délibérément sourd aux avertissements des Hollandais et suscite, également, un net scepticisme dans ses rangs et chez les parachutistes américains. Mais « Monty » n’est pas le seul responsable. « Boy » Browning, Brian Horrocks, Lewis Brereton et d’autres officiers tiennent aussi les premiers rangs dans la tragédie. Et les généraux britanniques trouveront avantageux de gonfler la responsabilité des Polonais de Stanislaw Sosabowski dans l’échec du dégagement de la 1st Airborne Division à Arnhem.

A côté des ratées de la planification, Anthony Beevor montre très bien comment « Market » a vite tourné court en raison de la météorologie mais aussi, à cause d’une réaction allemande, bien menée par Model, Harmel et Harzer notamment. Réaction opérée avec des moyens limitées pour une armée que les Alliées jugeaient au bord de l’effondrement. La destruction de la division d’Urquhart fut ainsi une douche froide. Anthony Beevor n’oublie pas également de détailler chaque engagement, mettant en avant les forces et faiblesses de chacun, ainsi que l’admirable tenue du peuple hollandais. Lequel paiera très cher l’aide apportée aux alliés à l’hiver 1944-45. Comme à l’instar du film de Richard Attenborough « Un pont trop loin », le lecteur s’attache presque à certains personnages réels tels que John Frost, Joseph Vandeleur, James Gavin, Julian Cook, Kate Ter Horst, « Shan » Hackett et bien d’autres anonymes, soldats alliées et néerlandais.

« Arnhem » est donc construit comme un journal historique. Très bien écrit, il conviendra amplement à tous ceux et celles qui veulent en savoir davantage sur le dernier sanglant coup de frein infligé aux Anglo-Américains par la Wehrmacht.

Jean-Philippe Renault