Le FMC 2C, ou conserver un anachronisme en 1940

Conservé dans le parc blindé français en 1940, ce char lourd d’accompagnement était alors une antiquité sur chenilles. Pourtant, le commandement décida d’engager le FMC 2 contre les Allemands… avec un résultat pour le moins pathétique. Cruelle ironie pour un engin qui avait pourtant été conçu selon la pensée militaire aboutie de la Grande Guerre.

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En 1918, l’Armée française aligne incontestablement l’un des engins blindés les plus novateurs technologiquement, le char Renault FT. Mais l’état-major se rend aussi compte que les Tanks britanniques, intégrés à un ensemble interarmes, ont puissamment contribué aux succès offensifs du dernier été de la guerre*. C’est notamment le cas du Tank Mark V, le meilleur modèle aligné par les Britanniques durant la dernière année de la Grande Guerre, le meilleur modèle de 

Tanks, même si Britanniques et Américains travaillent conjointement sur un modèle plus lourd, le Mark VIIII « Liberty » ou « International ».
Parallèlement à la campagne victorieuse de 1918, Jean Estienne, le père du Renault FT, planche sur le projet d’un modèle de char plus lourd mais plus sophistiqué que les « béliers » à chenilles Mark IV et V. Le nouveau projet doit décupler la puissance de feu roulante afin de permettre la rupture des lignes ennemies, grâce à un appui feu supérieur. Estienne travaille pendant trois ans avec les Forges et Chantiers de la Méditerranée (le projet est donc baptisé FCM C2) mais le contexte ne prête plus au développement d’armes lourdes. Premièrement, avec le retour à la Paix, priorité est donnée à la reconstruction et à la démobilisation, ce qui réduit sensiblement les projets de recherche et de développement. Il s’avère vite que le FCM C2 coûte particulièrement cher (2 millions de Francs de 1920 contre 100 000 pour un FT), ce qui réduit bien des ardeurs. Ensuite, l’Artilleur Estienne trouve de moins en moins de soutien au sein des services techniques de l’Armée. L’Inspection de l’Infanterie lui « savonne la planche », s’arrogeant la primauté dans la conduite des opérations terrestres, d’autant qu’elle conçoit le char comme un engin d’accompagnement. Résultat, la production s’en trouve particulièrement affectée, puisque sur les 700 exemplaires prévus, seuls 10 sortent des chaînes d’assemblage à partir de 1921. Ce qui est déjà, en soi, un échec manifeste.

Les plans du FCM C2 s’appuient en plusieurs points sur le Mark V, notamment avec l’architecture de la caisse « en boîte » et les chenilles rhomboédriques (soit en forme de grand losange). Mais l’engin est plus lourd et plus sophistiqué, d’une tourelle rotative, dans une optique de combiner la puissance des chars britanniques et les capacités balistiques du FT. Les dimensions du FCM C2 sont donc du jamais vu pour l’époque : 10 ,27 m de long, 2,95 de largeur et 4,01 m de haut. Cela lui donne de bonnes capacités de franchissement (1,4 m à gué, 4,2 m de fossé et 1,7 m d’obstacle). Quant à sa masse, elle atteint 68-70 tonnes (contre 26 tonnes pour un Mark V et 38 tonnes pour le Mark VIII). Enfin, treize hommes d’équipage sont nécessaires pour actionner la machinerie et l’armement. Mais très vite, il souffre de plusieurs problèmes. Premièrement, déplacer une telle masse nécessite de puissants moteurs, ce que l’industrie militaire française ne peut pas encore offrir. Du coup, les ingénieurs de FCM va chercher dans les stocks… allemands. Ainsi, le FCM C2 est d’abord doté de 2 moteurs couplés Mercedes qui ne donnent pas satisfaction. On les remplace alors par 2 Maybach 6 cylindres à 250 Ch chacun. S’ils développement une meilleure puissance massique (7,5 Ch/tonne) et permettent une autonomie de 150 km (considérable pour les années 1920), ils se montrent trop fragiles. Aucune véritable amélioration ne sera apportée à la mécanique motrice puisque les mécaniciens et ingénieurs français rechignent tout simplement à travailler sur des modèles allemands. Et puis, inutile d’ajouter qu’un tel engin consomme beaucoup d’essence.  Enfin, son armement se compose de 1 canon APX Mle 1897 de 75 mm (en tourelle) à 124 obus, ainsi que de 4 mitrailleuses 8 mm pouvant tirer en tout 9 504 coups. En 1926, une nouvelle version, le FMC 2C bis (en fait les deux derniers exemplaires construits), fait son apparition avec une modification majeure du point de vue de l’armement. On conserve le canon de 75 mm dans une tourelle arrière mais on ajoute un canon de 155 mm en casemate. Les deux FMC 2C bis sont alors incorporés au 511e  RCC de Verdun mais seront conservés sous hangars.

Avec une consommation en carburant gargantuesque, le FCM C2 doit être acheminé dans les zones d’opération par voie ferrée. L’idée n’est pas nouvelle. Dans le cadre des opérations de 1917 et 1918, Français et Britanniques ont profité du réseau ferré pour déplacer des chars (Tank Mark, Saint-Chamond et Schneider) facilement d’un point à un autre du front.  Quant au Renault FT, son poids réduit permettait de le monter sur des remorques tractées par camions Lattil. Mais en comparaison, le FCM C2 nécessite des moyens bien plus importants. Compte-tenu de sa faible largeur, on imagine de lui retirer les chenilles afin de placer le roulement sur rails, avec fixation d’un treuil à 3 essieux à chaque extrémité de la caisse. Mais il faut plusieurs heures pour hisser le FMC 2C à bonne hauteur, à l’aide de madriers. C’est donc un euphémisme de soulever les sérieux problèmes de déploiement engendrés par la taille, le masse et la complexité d’une telle machine.
En 1939, les FMC 2C équipent le 51e  Régiment de Chars Lourds de Mourmelon et restent entreposés à côté de leurs pièces de rechange. A l’été 1939, ordre est donné de reformer le 51e Régiment de Chars lourds, qui devient 51e Bataillon de Chars Lourds (Colonel Fournet) et est transféré à Belrupt, à 5 km de Verdun. On remet les chars en état de marche à la hâte, avant de les sortir de leurs hangars. Les moteurs sont même remplacés par deux Maybach neufs qui étaient entreposés à l’Arsenal de Puteaux. On réussit à en aligner 7 (dont un de commandement) et à former 2 compagnie, chacune à 3 mastodontes. Au vu des conditions de mise en lice, on ne peut s’empêcher de constater combien le commandement français semble dépassé, sinon débonnaire, en matière de guerre mécanisée. En octobre 1939, un huitième char est mis en service après l’utilisation des pièces de rechange.

Le 10 mai 1940, le 51e BLC se trouve à proximité du Bois de Briey, avant de s’installer à Noroy-le-Sec et Joudreville. Le 12 juin 1940 à 13h00, le bataillon reçoit l’ordre de s’embarquer sur voie ferrée à Landres dans les conditions que l’on imagine. Il faut 20 à 24 heures pour mettre les mastodontes sur rail. Malheureusement, le chef de gare de Landres n’a ni instructions, ni locomotives pour faire déplacer les énormes chars. Le 13 juin, une locomotive arrive enfin, après que des équipes d’entretien soient arrivées en urgence pour ajuster les boggies. Le 51e  BLC doit rejoindre l’Etat-major de la IIIe Armée (Charles-Marie Condé), mais il n’y parviendra jamais en raison de bombardements opérés par la Luftwaffe. On doit faire sauter les chars « Picardie » et  « Touraine », victimes d’avaries, que l’on a eu tant de mal à installer. Le 13 toujours, le commandement de la IIIe Armée ordonne que le Col. Fournet achemine ses deux compagnies par voie ferrée et par route à Gaudrecourt-le-Château et Neufchâteau. Mais le convoi n’y parviendra jamais, toujours à cause de la Luftwaffe, qui a détruit des portions de voie ferrée. Les chars sur rails avancent à une vitesse de tortue avant d’être définitivement bloqués et les chars sur roue ne parviendront jamais à sur leurs objectifs principaux. Le 14 juin, après toutes ces difficultés, le Colonel Fournet rassemble ses officiers et ordonne de saborder les chars. Après la destruction des engins (sauf du N°99), les équipages sont montés sur camions. Le convoi de sauvetage est alors fractionné, certains rencontrant même des Allemands. Mais tous les éléments embarqués du 51e BLC parviendront à Moustier, près d’Albi. Seul le N°99 est donc capturé intact par les Allemands et expédié à Berlin. Ainsi, s’achève pathétiquement et sans aucune gloire, l’engagement des FMC 2C

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* Particulièrement lors de l’Offensive du 8 août (Troisième bataille de la Somme ou Bataille d’Amiens). Mais précisons que les Mk IV et V étaient engagés en coopération plus étroite avec l’infanterie et même avec la RAF. Ce raffinement technique étant le résultats de travaux de John Frederick Fuller mais aussi de John Monash.

 

 

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