« On ne passe pas » : visite du Gros Ouvrage du Hackenberg (Moselle)

En cette année où nous allons commémorer les quatre-vingt ans de la Campagne de France – et à l’heure où se taisent les voix des derniers acteurs de cette tragédie militaire –, une visite d’un fort de la Ligne Maginot s’imposait.

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Direction la Moselle et plus particulièrement le Fort du Hackenberg, l’un des plus remarquablement entretenus et qui met bien en évidence le degré de sophistication du système fortifié français. J’en profite pour remercier tout particulièrement l’Association AMIFORT-Veckring et notre guide Bernard, pour la qualité de la muséographie et des explications, lesquelles nous ont permis de connaître une véritable « immersion » dans le domaine poliorcétique de l’Avant-Guerre et de 1939-1940. Tout d’abord, un bref aperçu géographique. L’ensemble fortifié du Hackenberg est situé sur la commune de Veckring (prononcer « Vekrin ») à l’est du cours de la Moselle, entre Veckring et Sarrelouis et au sud de Sierck-lès-Bains. Il « flanque » ainsi le Gros ouvrage du Galgenberg à l’est (secteur de Cattenom) et celui du Michelsberg à l’ouest (Dalstein) et contribue à couvrir la frontière face à l’axe Schengen (frontière franco-germano-luxembourgeoise) – Merzig – Beckingen – Sarrelouis. Sa construction s’est étalée entre 1929 et 1935.

Le terme « Gros ouvrage » est plus approprié que celui de « Fort ». En effet, comme ses « frères », le Gros Ouvrage du Hackenberg est d’abord un Continuer à lire … « « On ne passe pas » : visite du Gros Ouvrage du Hackenberg (Moselle) »

Défendre et percer le bocage : la Bataille des Haies (juillet 1944)

Après la conquête de Cherbourg, Omar Bradley décide de passer à la phase suivante de la conquête de la Normandie : saisir la route Saint-Lô – Périers, avant de prendre Saint-Lô, clé de voûte qui permettra de s’enfoncer vers le centre de la Normandie.  Mais les généraux américains vont se montrer particulièrement optimistes. En effet, ils vont découvrir à leurs dépens que les Allemands ont transformé le bocage du Cotentin en une véritable forteresse. Par conséquent, la First US Army va être contrainte de mener une guerre d’usure épuisante, avec une nette dimension poliorcétique mais dans une nature cloisonnée. Les Allemands vont ainsi se montrer particulièrement savants et coriaces, tenant la dragée haute à la machine de guerre américaine. Seulement, l’épuisement des forces de la 7. Armee, couplé à la capacité d’adaptation des américains auront raison de la « forteresse » du bocage.

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1 – LA PUISSANCE DE FEU AMÉRICAINE « NEUTRALISÉE »

Le plan d’Omar N. Bradley n’est pas original. Il s’agit d’une série de puissants engagements d’infanterie contre la longueur du front du LXXXIV. Armee-Korps (Dietrich von Cholditz), avec appui des chars, de l’artillerie et de l’aviation tactique du XIX US Tactical Air Force (Elwood R. « Pete » Quesada). Nouvellement engagé, le VIII US Corps de Troy H. Middleton doit faire sauter le verrou représenté par La Haye-du-Puits, avant de progresser vers Lessay. Middleton engage 3 

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Argonne : vestiges de la « Kriemhilde-Stellung »

Chers lecteurs, chères lectrices, lors de ma dernière expédition consacrée aux batailles de 1918 dans la Meuse (Saint-Mihiel et l’Offensive Meuse-Argonne), j’ai eu la chance de redécouvrir le site du mémorial américain de Montfaucon d’Argonne. Outre l’imposant monument commémoratif qui permet de dominer le champ de bataille, le site comprend les belles ruines de la collégiale Saint-Germain érigée au XIIe siècle, détruite pendant la Grande Guerre mais surtout, des Blockhäuse de la Kriemhilde-Stelung.

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– Érigée dès 1915, la Kriemhilde-Stellung était disposée en une équerre qui recouvrait Grandchamp – Montfaucon et Brieulles-s/-Meuse. Située derrière la Giseler-Stellung, la Kriemhilde-Stellung était la position centrale qui Continuer à lire … « Argonne : vestiges de la « Kriemhilde-Stellung » »

Face aux douves et au béton : enfoncer la Ligne « Hindenburg » (27-29 sept. 1918)

– Grâce à leur série d’offensives lancées en août et septembre, les forces du Commonwealth se sont considérablement approchées des fortifications de la Ligne « Hindenburg » (ou « Siegfried-Stellung » pour les Allemands). Pour le coup, les troupes de Douglas Haig se trouvent face à un véritable rempart bétonné et maçonné qui leur barre le passage entre le Front des Flandres et le nord de l’Aisne, leur interdisant le franchissement des Canaux du Nord et de Saint-Quentin. Pour « enfoncer la porte », on va retrouver à l’œuvre deux des meilleurs généraux du Commonwealth, Arthur Currie et John Monash. Cet article propose donc d’expliquer comment ces deux généraux s’y sont pris pour faire sauter cette fortification, avec des techniques et tactiques touchant davantage à la poliorcétique qu’à la simple manœuvre.

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1 – LE DERNIER GRAND REMPART DU KAISER

– Pour rappel, la Ligne « Hindenburg » n’est pas la première ligne fortifiée allemande. Érigée en 1917 sur ordre de Ludendorff et Hindenburg, elle s’intègre en vérité à un ensemble fortifié érigé depuis 1915. Originellement structurée en trois parties (une zone avant, une zone de Blockhäuse, une zone de contre-attaque et une zone de réserve), elle s’étend originellement du secteur de Farbus (Pas-de-Calais) jusqu’à l’entrée du Canal de Saint-Quentin. En outre, elle est prolongée à partir de Moeuvres (à l’ouest de Bourlon) par la Ligne Quéant – Drocourt qui est tombée aux mais des Canadiens le 10 septembre. Mais bien plus qu’une triple ligne de défense, « Hindenburg » se caractérise par un ensemble de lignes (2 principales et 7 plus petites) qui protègent les nœuds routiers et logistiques que sont Cambrai et Mézières. Les lignes « Wotan » et « Hindenburg » sont les mieux fortifiées avec leurs Continuer à lire … « Face aux douves et au béton : enfoncer la Ligne « Hindenburg » (27-29 sept. 1918) »

Passchendaele (Troisième bataille d’Ypres) : l’impasse de boue – 3

– Si Douglas Haig et ses généraux restent dans une logique offensive, leurs divisions vont devoir frapper dans du dur. Et ça n’est pas peu dire, puisque les Flandres sont l’un des secteurs – occupés depuis fin 1914 – que les Allemands ont eu tout loisir de renforcer ; d’autant que, hormis l’épisode de la Seconde Bataille d’Ypres (1915), cette partie du front est restée relativement calme. Ce qui a permis aux troupes du Kaiser de constituer un solide réseau défensif, toutefois remodelé grâce aux analyses de l’Oberst Fritz von Lossberg.

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3 – LA DÉFENSE ALLEMANDE : RENFORCEMENT ET REMODELAGE DU DISPOSITIF

1 – Renforcer le front le Flandres :

– Tout d’abord, il convient d’effectuer un bref retour en arrière et replacer le contexte stratégique de l’Empire Allemand en 1917. En  1916, l’Allemagne a besoin d’acier pour alimenter son industrie de guerre, notamment pour la fabrication de canons, d’obusiers, de mortiers, de mitrailleuses et de munitions. Or, les batailles de cette même année ont montré que les grandes formations ont ne besoin croissant de munitions. Ainsi, sur le Front de l’Ouest, entre février et décembre 1916, les bouches à feu de la Kaisersheer ont craché 11,2 millions d’obus environ. Et il a été montré que la V. Armee à Verdun avait besoin de 34 trains de munitions par jour. Enfin, l’emploi des tirs de barrage défensifs (Sperrfeuer) durant la bataille de la Somme ont aussi accru le besoin d’obus et donc, réduit la réserve disponible. Du coup, dès la fin 1916, avec le « Programme Hindenburg », Erich Ludendorff et Paul von Hindenburg impose d’augmenter la proportion de carburant/combustible pour faire fonctionner les machines de l’industrie de guerre en misant sur 12 000 tonnes par mois. D’autant que grâce à l’utilisation du Continuer à lire … « Passchendaele (Troisième bataille d’Ypres) : l’impasse de boue – 3 »

« Mordre et tenir » ; l’apogée de la guerre des mines (7 juin 1917) – 2

Le 7 juin 1917 à 03h50, les quelques londoniens encore ou déjà éveillés ressentent comme une secousse soudaine. Nombre d’entre ont pu prétendre avec étonnement que la Grande-Bretagne se situait sur une plaque sismique méconnue jusqu’alors. Il n’en est rien, puisque la déflagration en question est due à un titanesque enchaînement d’explosions de mines sur le Front des Flandres, plus précisément sous la Crête de Messines entre Ypres et le Canal de Comines. Les coupables de ce succès explosif ? Le minutieux General Herbert Plumer et les Tunneliers du Commonwealth, qui ont accompli là une véritable prouesse dans la poliorcétique de la Première Guerre mondiale.

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– L’utilisation des mines dans les conflits ne date pas de la Grande Guerre mais est bien connue depuis l’Antiquité. Mais d’un point de vue sémantique, on entend alors par « mine » une galerie creusée en sous-sol et non le matériel explosif antipersonnel ou anti-véhicule. Jusqu’à l’arrivée de la poudre noire sur les champs de bataille, les civilisations du bassin mésopotamien, les Grecs, les Romains et les armées médiévales pratiquaient les « sapes » afin d’abattre les murailles adverses. Puis, à partir du XVIe siècle, on pratique le même type de « travail » avec l’usage des explosifs. Ainsi, les Guerres de Louis XIV en Europe, la Guerre de Crimée et la Guerre de Sécession ont été marquées par des épisodes où chaque camp eut pour Continuer à lire … « « Mordre et tenir » ; l’apogée de la guerre des mines (7 juin 1917) – 2 »

Diaporama spécial 1917 – La Crête de Messines (Belgique)

Symbole de la sophistication de la Guerre de siège, la Bataille de la Crête de Messines (entre Ypres et le Canal de Comines) fut décidée par Haig en préliminaires de l’offensive de Passchendaele afin de sécuriser le flanc droit du dispositif britannique. Préparée avec une minutie technique par Herbert Plumer, commandant de la Second Army, la prise de la Crête de Messines le 7 juin 1917 fut marquée par une gigantesque explosion de mines sur une plusieurs endroits du front. Explosion dont la déflagration fut ressentie jusqu’à Londres. Plusieurs endroits comme la Cote 60 (Hill 60) portent encore les stigmates de cet épisode.

Diaporama spécial 1917 – Le Bois de Farbus (Pas-de-Calais)

Situé tout au nord du dispositif de la Ligne Hindenburg (Siegfried Stellung), le Bois de Farbus, situé au sud-est de la Crête de Vimy et en grande partie ravagé durant la Grande Guerre abritait un petit ensemble de trois Blockhäuse pouvant abriter des canons ou obusiers (pièces de 7.7 et 10.5 cm). Outre les casemates, on y trouve également des abris et entrepôts de munitions.


– Un très grand merci à la Famille de Boiry d’avoir permis cette découverte.