Bataille de la Somme – Combats pour Flers (suite) et Thiepval

1 – LA PRISE DU QUADRILATÈRE

– Les Britanniques ont remporté un succès certain le 15 septembre, infligeant de lourdes pertes à six divisions allemandes. Mais encore faut-il l’exploiter. Or, les pertes Britanniques sont lourdes, nécessitant le remplacement de 300 à 400 hommes dans certains Battalions selon les chiffres avancés par Alain Denizot (1). Mais Rawlinson a reçu l’ordre d’attaquer encore, afin de percer, pour la cavalerie puisse s’engouffrer dans la brèche, conformément aux ordres de Haig. Du coup, le commandant de la IVth Army ordonne à ses divisions de relancer une attaque générale. Or, celles du XIVth Corps Lambard Earl of Cavan ont été étrillées et ne sont plus en mesures d’attaquer efficacement. Par conséquent, comme l’expliquent Robin Prior et Trevor Wilson, l’attaque de grande ampleur prévue va se muer en une série d’assauts plus localisés et sans grand effet sur la défense allemande (2). Les divisions de Rawlinson perdent donc toute la journée du 16 à se redéployer.
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– Or, comme le signalent très bien Philippe Nivet et Marjolaine Boutet, en raison du manque et des déficiences de communications filaires, déplacer des bataillons, voire des compagnies, prend aux états-majors de brigades et de divisions, plusieurs heures, voire davantage (3). Et le peu de place laissé à l’initiative des officiers subalternes n’est pas pour arranger les choses. Pire encore, le mauvais temps se mêle des opérations, venant au secours des Allemands qui pataugent dans la boue tout autant que leurs ennemis. Pendant près d’une semaine, il pleut abondamment. Et les intempéries ne tardent pas à transformer le champ de bataille en bourbiers. Appliquer l’ordre de Rawlinson d’amener les batteries divisionnaires de 18-pounder juste derrière la première ligne, en appui des fantassins, tourne au cauchemar pour les artilleurs. Hommes et chevaux ont la plus grande peine à déplacer les pièces d’artillerie dans un terrain fangeux dépourvu de routes adéquates, malgré les efforts des Royal Engineers. Il en va de même pour les convois de ravitaillement.

– Mais Rawlinson n’en reste pas là. Rencontrant Foch et Gough à Querrieu, il prévoit lancer son attaque entre Thiepval et Maurepas, engageant 10 divisions britanniques et françaises. Mais d’abord prévue pour le 18, l’offensive est finalement reportée au 25 en raison du mauvais temps. Foch explique aussi à Rawlinson que les artilleurs de Fayolle ont besoin de reconstituer leurs stocks de munitions. Ne pouvant fournir assez de munitions à ses deux armées, Foch est contraint de déshabiller Pierre (Micheler) pour habiller Paul (Fayolle). Ainsi, les réserves d’obus de la Xe Armée sont-ils rationnés afin de permettre à la VIe Armée de reprendre ses attaques souhaitées par Rawlinson. En parallèle, Hubert Gough lancera une offensive afin de faire sauter le réseau défensif de Thiepval et du coup, soulager l’effort de la IVth Army vers le nord-est.

– Toujours pour reprendre les mots de Prior et Wilson, si Français et Britanniques tombent d’accord pour le 25, ils ne s’entendent pas sur l’heure. Les Français veulent attaquer durant l’après-midi, alors que Hubert Gough souhaite attaquer Thiepval en début de matinée pour que ces Tanks ne soient pas rendus vulnérables par la lumière du jour. Et Douglas Haig appuie Gough. Le commandant du BEF propose même que les Français attaquent le 25, pendant que Gough attaquera le 26, après les forces de Rawlinson et de Fayolle. Pour les deux historiens britanniques, cela n’a aucun sens, puisqu’il prive l’offensive de cohésion afin de favoriser l’emploi d’une arme qui ne s’est nullement révélée décisive (4). Du coup, la Reserve Army attaquera bien le 26 septembre A LA MÊME HEURE de l’attaque lancée par la IVth la veille.

– Le plan de Rawlinson met donc en lice 10 divisions pour attaquer la troisième ligne allemande entre Martinpuich et Combles. Cette fois, le général britannique décide de  reprendre la technique du martèlement des lignes allemandes à l’artillerie. Comme pour les offensives de l’été, les Tommys devront avancer derrière un rideau protecteur. Les Ier et XXXIIe Corps Français devront coopérer sur la droite. Les objectifs qui doivent tomber sont donc le « Quadrilatère », la Tranchée « Prue » et « Starfish Line ». L’attaque du « Quadrilatère » est confiée à la 6th Division de Ross. Malgré une certaine confusion, les lignes allemandes de la redoute sont atteintes en moins de dix minutes par endroit et les tranchées dégagées. De leur côté, les 50th et 23rd Divisions réussissent à dégager « Prue Trench » et à capturer « Starfish Line ». Quant au XIVth Corps, sa 21st Division réussit à capturer la Tranchée « Gird » qui verrouille le chemin vers Gueudecourt. Et ce, même si la fortune des armes est différentes d’un secteur à un autre. Si dans certains, les Britanniques progressent bien avec l’appui de Tanks, la 110th Brigade tombe sur un réseau barbelé que l’artillerie britannique n’a pas entamé (5).

– Mais pour Rawlinson, le bilan de la journée du 25 est similaire à celle du 15. Ses divisions ont repris du terrain aux Allemands, capturant même chacun de leur objectif et faisant même sauter une partie de la troisième ligne de défense ennemie. Et ce, avec concours d’une artillerie qui a gagné en efficacité. Même si, comme le dit l’historien Hew Strachan, les Britanniques utilisent encore un plan de feu en ligne et ne faisant pas la part belle à la profondeur. Du coup, en dépit du sacrifice de 5 000 hommes, la IVth Army n’a toujours pas percé définitivement. En pendant que les Britanniques peinent dans leur avance vers Bapaume, la Direction allemande des opérations ordonne la constitution immédiate d’une cinquième ligne de défense entre le secteur de Ligny-Thilloy et Le Transloy (6).

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Hubert Gough, commandant de la Reserve Army

2 – « LA COLLINE TRAGIQUE DE THIEPVAL »

– Si Rawlinson a réussi à mordre dans le dispositif allemand, Hubert Gough espère faire de même avec le verrou sur l’aile gauche britannique formé par Thiepval. Selon R. Prior et Tr. Wilson Gough, comme pour Jacobs, l’échec des offensives estivales contre ce secteur n’est pas imputable au manque d’originalité des plans d’offensives mais plutôt, au manque d’esprit martial des Tommys (7). Propos qu’a corroboré Haig dans son journal, dans ses propos concernant la 49th Division (8).

– Au départ, Gough souhaite prendre la Ferme du Mouquet, qui constitue un très bon point d’appui aux Allemands, afin d’attaquer l’éperon de Thiepval par l’arrière. Or, pour des raisons obscures, le plan est remanié en septembre pour n’être plus réduit qu’à un simple assaut frontal contre Thiepval. Gough espère beaucoup du concours des Tanks. Sauf qu’il ne tient pas compte de la météorologie quasi-automnale qui risque de désavantager les lourds engins en acier. Enfin, pour des raisons tout aussi obscures (dixit Prior et Wilson), l’attaque est prévue le 26 septembre à 12h35. Le dispositif de la Reserve Army s’étend sur un peu moins de 8 km (6 000 yards). Sur la droite (ouest), le Canadian Corps de Byng, avec les 2nd et 1st Canadian Divisions doivent avancer vers le nord  de Courcelette, afin de prendre les Tranchées « Regina ». Celle-ci relie quatre routes, notamment celles de Courcelette et Grandcourt qui permettent de déboucher vers le nord. Mais pour s’en emparer les Canadiens devront faire sauter une série de verrous tenus par deux divisions de la I. Armee allemande (8. et 7.). Sur la gauche, la 1st Canadian Division doit partir d’une ligne partant de la Redoute Fabeck* jusqu’à l’est de Courcelette, pour prendre successivement la Tranchée de Zollern, la moitié est de la Tranchée de Hesse, la Tranchée « Sudbury » et la Tranchée « Kenora » qui est reliée à la Tranchée « Regina ».

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– Sur la gauche des Canadiens, le IInd Corps de Jacobs, avec la 11th (Northern) Division de Sir Charles Woollcombe – vétérane de Gallipoli – doit capturer la Ferme du Mouquet, ainsi que les Redoutes de « Zollern » (Zollern Graben)  et de « Stuff » (Stauffen Riegel), puis avancer sur la Tranchée « Stuff ». La tâche la plus compliquée revient à la solide 18th (Eastern) Division du Major-General Ivor Maxse, l’une des unités les plus solides dont dispose Gough, revenue d’une période de repos dans les Flandres. En effet, Maxse et ses hommes doivent faire sauter les solides verrous que forment les Redoutes de « Schwaben » (ou « de Souabe ») et de Thiepval. Positions qui avaient coûté énormément d’hommes aux 32nd et 36th Divisions le 1er juillet. Et depuis l’assaut complètement manqué de la 49th Division le 3 septembre, plus rien n’avait été tenté jusque-là (9).

– Mais dès sa conception, le plan de Gough présente des difficultés. D’une part, les objectifs principaux que sont les Tranchées « Regina » et « Stauffen » sont situés à contre-pente et donc, invisibles pour les Britanniques. Mais avant de les atteindre, il faut s’emparer des redoutes mentionnées plus haut, qui forment un réseau défensif bien aménagé et garni. L’absence de toute action offensive britannique dans ce secteur a permis aux Allemands – peu dupes – de s’y renforcer. Pour exemple, à tout observateur britannique, la Ferme du Mouquet représente un vulgaire ensemble de murs. Mais les restes de l’édifice « coiffe » un tunnel et des abris maçonnés situés en profondeur. Or, pour des assaillants, le principal danger vient des fusiliers et des mitrailleurs allemands qui peuvent surgir au dernier moment et offrir une résistance aussi rigoureuse qu’efficace.
L’artillerie britannique perd aussi de son efficacité. Ainsi, lorsque les fantassins britanniques suivent un rideau rideau de feu (« lift »), celui-ci ne sert plus à rien si les fantassins allemands ont pris la précaution de se réfugier en profondeur dans les abris creusés sous chaque redoute (10). Par conséquent, l’effet protecteur des canons se révèle nul face aux fusils et aux Maxim.

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– Il n’empêche, pour son offensive, Gough assemble 840 pièces d’artillerie, soit 570 canons et 270 obusiers de tous calibres, soit à peu près la même proportion de bouches à feu que pour la IVth Army le 15 septembre. En outre, les artilleurs de la Reserve Army disposent de 100 000 obus, dont 40 000 alloués aux canons et obusiers lourds. De plus, le nombre d’obus consacré à environ 10 mètres de tranchée ennemie est doublé. Néanmoins, le plan de feu britannique a certaines qualités. Ainsi, plusieurs pièces du Vth Corps, positionnées à l’ouest de l’Ancre sont capables de prendre les positions de Thiepval en enfilade. Le bombardement préparatoire est déclenché le 23 septembre, avec même des obus aux gaz et lacrymogènes d’une brigade spéciale d’artillerie. Celle-ci réussit à faire taire des mortiers allemands le 24. Cependant, le temps est mauvais, ce qui contraint les pilotes d’observation du Royal Flying Corps à réduire leurs missions. Néanmoins, ils parviennent à repérer l’exact emplacement de 64 batteries allemandes et à en identifier 103 autres. Le 24, ils font part de destructions considérables en plusieurs endroits (11). La coopération marche par endroit. Ainsi, le No 4 Squadron repère la présence de 1 000 soldats allemands à Miraumont qui sont rapidement décimés par un tir d’artillerie lourde.

– En face, les Allemands alignent 3 divisions encore presque complètes pour tenir la ligne entre l’ouest de Courcelette et Thiepval, avec le concours de 1 régiment de la 2. Gardes-Reserve-Division et 1 autre de la 52. DivisionDans le détail, à l’ouest (gauche britannique/droite allemande), la 26. Reserve-Division tient tout le secteur de Thiepval, la Redoute de Schwaben, ainsi qu’une partie de la Tranchée de Zollern qui la relie à la 8. Division. Celle-ci, placée au centre, tient plusieurs points clés : la moitié de la Tranchée de Zollern, la Ferme du Mouquet, la redoute de Zollern, la Redoute de Stauffen, la Tranchée de Hesse et la moitié ouest Tranchée Regina. Enfin, sur la gauche des Allemands, la 7. Division tient la Tranchée Kenora, la moitié est de la Tranchée de Zollern et la Tranchée Subdury.

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2 – L’ATTAQUE

A – Les Canadiens

– L’attaque britannique et canadienne est déclenchée le 26 septembre à 12h35 comme prévu par un temps maussade. Cependant, les unités aériennes britanniques donnent également de la voix. Ainsi, plusieurs Squadrons des IVth et Vth Air Brigades lâchent 135 bombes de 20-pounder sur les tranchées allemandes, alors que la IIIrd Brigade s’en prend à l’aérodrome de Lagnicourt. Pendant ce temps, « Nieuport » du No. 60 Squadron larguent les roquettes Le Prieur et des bombes au phosphore sur les ballons d’observation restés à terre. Enfin, le No. 19 Squadron attaque un PC divisionnaire à Barastre.

Mais très vite, elle se transforme en une série d’assauts infructueux, avec des Tommys et des Canadiens qui doivent compter avec une défense allemande pugnace. Malgré de durs combats, les 2 divisions canadiennes ne parviennent pas à emporter leurs objectifs. Une partie de l’IR Nr. 72 (8. Division) vient même occuper la Tranchée Fabeck aux nez et à la barbe du flanc gauche Canadien et sans se faire remarquer par les observateurs d’artillerie. Les impétueux allemands tendent alors une embuscade qui surprend la 2nd Canadian Brigade (8th Bn.). Cependant, les Canadiens réussissent à encercler rapidement le parti d’Allemands téméraires et à en faire prisonnier un grand nombre. Seulement, les 8th et 5th Bns. sont vite pris sous un feu nourri provenant de la Ferme du Mouquet et de la Redoute de Stauffen. Et ils ne peuvent avancer qu’à partir du moment où la 11th (Northern) Division britannique s’emploie à dégager cette position, avec succès. Durant l’après-midi, la 2nd Canadian Brigade réussit à atteindre la Tranchée de Zollern, tenu par l’IR Nr. 93 (8. Division) en essuyant un violent tir de mitrailleuses. Durant l’après-midi, la brigade essaie de s’emparer de la Tranchée de Hesse mais l’artillerie allemande et les mitrailleurs postés dans la Tranchée « Regina » les en empêchent.
Au centre canadien, la 3rd Brigade (14th et 15th Bns) avance vers la Tranchée « Kenora » qui permet d’accéder à la Tranchée « Regina ». Mais là encore, les Canadiens subissent un violent tir de barrage qui les forces à se replier. Mais sur la droite, la 6th Brigade (29th et 31st Bns) de la 2nd Canadian Division, appuyée par des Tanks, attaque vers l’ouest de la Tranchée « Kenora » sous un déluge d’obus mais réussit à s’accrocher sur la « Twenty Road » à l’ouest de la route de Miraumont.

– L’assaut des soldats de Julian Byng reprend le 28. Mais aucun progrès notable n’est enregistré et les Tranchées de Hesse et « Regina » sont toujours aux mains des Allemands. C’est seulement le 29 que la 8th Brigade de la 3rd Canadian Division réussit à capturer la Tranchée de Hesse et une partie de la redoute de Zollern. Les Canadiens sont ensuite relevés par la 25th Division du Major-General Guy Bainbridge (celle dans laquelle sert le futur écrivain J.R.R Tolkien) pendant la soirée.Mais si une partie de la défense allemande a été entamée, elle n’est pas percée pour autant.

B – Le IInd CORPS

Cependant, l’un des plus spectaculaires résultats de la journée est remportée à la Ferme du Mouquet par la 34th Brigade de la 11th (Northern) Division. En effet, après un assaut à demi-fructueux mené par le 9th Bn. Lancashire contre la position, le 11th Bn. Manchester, le 5th Bn. Dorset et les Engineers du 6th Bn. East Yorkshire Pioneers, interviennent. Démontant 2 mitrailleuses Hotchkiss de l’un des chars d’appui, ils obtiennent un tir d’appui qui leur permet d’investir le carré de murs. 55 défenseurs allemands  de l’IR Nr. 72 se rendent. Pendant près de huit semaines, Australiens et Canadiens s’y étaient notoirement cassés les dents.
D’autre part, malgré une certaine confusion, au matin du 27, le 8th Bn. Northumberland (34th Brigade) capture la Redoute de « Zollern » qu’il trouve abandonnée. En effet, les Allemands l’ont évacué en constatant que l’autre brigade de la 11th Division, la 33rd, avait bien avancé et menaçait de les déborder, après s’être emparée de la Tranchée « Joseph». C’est donc toute la première ligne allemande qui est tombée.
Mais faire tomber la seconde ligne se révèle impossible, tant la défense allemande est bien organisée. Pendant deux jours, le Major-General Woollcombe à beau lancer ses deux brigades d’anciens de Gallipoli contre la Redoute de Stauffen, rien n’y fait, la position est solidement tenue par l’IR Nr. 165 et des éléments de l’IR Nr. 393, notamment au nord. Et l’artillerie britannique ne peut appuyer la 11th Division car dans la confusion, les troupes n’ont pas été localisées. Woolcombe arrête alors l’effort de sa division et la prépare à conquérir la Redoute de Stauffen. Pour cela, il met en lice sa troisième brigade, la 32nd.

– L’assaut de la 11th Division reprend donc le 28 septembre. Elle doit s’emparer de la Tranchée des Bulgare et de « Midway Line », sur son flanc gauche, afin de maintenir le contact avec l’aile droite de la 18th Division (54th Brigade). Après avoir vu sa première attaque pour 06h00 annulée, la 32nd Brigade part à l’assaut à 14h30. Au prix de furieux combats, elle s’empare de la Tranchée des Bulgares mais ne peut conquérir rapidement « Midway Line ». Néanmoins, les Britanniques réussissent à s’approcher du coin sud-est ouest de la Redoute de Stauffen vers 17h30, alors que « Midway Line » vient de tomber. La partie ouest de Redoute est conquise avec le concours des éléments de la 54th Brigade en cours de soirée, avant que la 55th Brigade ne vienne assurer la relève. Pendant ce temps, des patrouilles de la 49th Division réussissent à occuper plusieurs postes allemands. Néanmoins, la 11th Division doit encore batailler dur pendant deux jours de plus pour finalement faire tomber la redoute le 30 septembre.

 

– Voyons maintenant l’aile gauche britannique (voir carte). Pour conquérir Thiepval tenu par des éléments de la 8. Division allemande, Ivor Maxse, fidèle à son habitude de consolider (« mopping up ») chaque objectif conquis, aligne 3 Battalions commandés par le Brigadier-General William Shoubridge, patron de la 54th Brigade. Sont alors mis à la peine, le 10th Essex de la 53rd Brigade de Higginson (droite), ainsi que le 12th Middlesex et 11th Fusiliers de la 54th Brigade (gauche). Chacun de ses Battalions est renforcé d’une compagnie de « moppers-up » ponctionnée à d’autres Battalions de la division. Shoubridge place 2 Battalions en tête, tandis que le troisième assure un soutien rapproché. Enfin, les 3 Battalions disposent de l’appui de 2 Tanks (11).

– L’assaut de la 18th Division démarre donc le 26 septembre depuis la « Nab Valley ». Progressant derrière le barrage d’artillerie, les hommes du 10th Bn. Essex atteignent la pointe est de l’éperon de Thiepval, avec des pertes « négligeables ». Malheureusement, l’artillerie britannique n’a pu détruire l’ensemble des défenses allemandes, du fait que celles-ci furent nombreuses dans ce secteur. Du coup, l’assaut de la 18th Division tourne en une série de violents affrontements confus (12). Néanmoins, les Britanniques mordent nettement dans le dispositif allemand de Thiepval. Ainsi, en dépit des pertes, le 12th Middlesex pénètre dans les ruines du vieux château et s’y cramponne. Mais les mitrailleurs allemands les empêchent d’aller plus loin. Mais l’un des Tanks arrive à la rescousse et dégage les abords des ruines. Mais les pertes ont été lourdes et aucune avance ne peut-être entreprise sans l’arrivée du Battalion de réserve, le 7th Bedfords. Celui-ci arrive pour consolider les positions durement acquises mais est pris dans un violent tir de barrage d’artillerie qui coupe la liaison entre les compagnies. Néanmoins, parvenant à se rassembler, la C Company, alors placée sous le commandement du 2nd Lieutenant Adam reçoit l’ordre de s’emparer des ruines du village de Thiepval. A l’issue d’un furieux assaut, Adam et ses soldats s’emparent de Thiepval, laissant 40 allemands tués sur le terrain. Cette action vaut à Adam la Victoria Cross et permet à Maxse d’envisager la conquête de la seconde position allemande, soit la redoute de Schwaben. Car si le village qui faisait officier d’épouvantail aux Tommys est tombé, la percée n’est pas accomplie pour autant, loin de là. Les Allemands tiennent encore solidement le côté nord-ouest de la route Albert-Bapaume.

– Mais l’imaginatif commandant de la 18th Division sait que la partie sera plus rude car les positions y sont plus solides. Si les Ulstermen de la 36th Division avaient bien conquis quelques parties de la seconde position le 1er juillet, ils n’ont pu les tenir faute de renforts et de réserves. Maxse sait qu’il devra procéder plus méthodiquement. En outre, si ses deux brigades se sont très bien comportées, elles ont perdu 1 456 hommes en tout (13). Le 27, Maxse fait renforcer les brigades de Shoubridge et Higginson par les Battalions de la 55th Brigade.
L’attaque pour la redoute de Schwaben reprend le 28 septembre. 9 Battalions (7th Queen’s, 8th Suffolk, 8th East Surrey, 8th Norfolk, 7th Bedfords, 5th West Yorkshire, 6th Berkshire et 7th The Buffs) suent sang et eau jusqu’au 8 octobre pour dégager la redoute. Comme pour la première phase de l’attaque, les affrontements sont faits d’engagements aussi décousus que violents. Britanniques et Allemands se battent à la grenade et au corps-à-corps. Le Point 65 tenu par des fusiliers et des mitrailleurs allemands et qui cloue tout les 8th Suffolk et 7th Queen’s sur place est conquis à la grenade grâce à l’action du Captain Longbourne, d’un sergent et d’un soldat. Le Point 45 est beaucoup est lui aussi conquis de haute lutte par le 7th Queen’s. Mais il est beaucoup plus difficile à tenir car l’artillerie allemande pilonne le 8th East Surrey qui vient assurer la consolidation. Les Würtembergeois 26. Reserve-Division (Franz von Soden), soit l’Infanterie-Regiment Nr. 180 et l’IR Nr. 77, contre-attaquent avec succès et repoussent le britanniques d’un peu moins de 200 mètres. Jusqu’au 2 octobre, le Point 65 est pris et repris. Mais Maxse arrête les frais le 2 octobre, sa division ne peut aller plus loin. Et il a perdu 2 000 hommes de plus.

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– BILAN

– Pour Robin Prior et Trevor Wilson, l’échec de Gough à percer est notamment dû au manque d’appui efficace pour l’Infanterie et à l’inefficacité du barrage roulant contre des défenses allemandes bien aménagées. Elle présente aussi un aspect particulier, celui qui veut que pour la conquête des positions, le feu de l’artillerie cède la place à des petits groupes d’hommes et à l’effort individuel. Mais sur ce point, il faut rendre justice aux Tommys et aux Canadiens. En effet, quand les conditions le permettaient, ils se sont montrés capables de déloger les Allemands de leurs positions et de s’y cramponner. (14)
Néanmoins, ce grignotage stérile du point de vue stratégique a coûté 12 500 hommes à Gough. Les 11th et 18th Division, pourtant vaillantes, ont perdu respectivement 4 000 et 4 500 hommes en moins de deux semaines, soit un ratio de 550-650 hommes par jour. Le Canadian Corps a perdu quant à eux 4 000 soldats.

* Du nom du Commandant Fabeck, officier d’un See-Bataillon (Infanterie de Marine) et neveu du Maréchal Hindenburg qui tint la Ferme du Mouquet durant l’été, en profitant de la contre-pente, face à plusieurs assauts Canadiens


(1) DENIZOT A. : « La Bataille de la Somme », Perrin, 2000
(2) PRIOR R. & WILSON Tr. : « The Somme », Yale University Press, 2005, Londres
(3) BOUTET M. & NIVET Ph. : « La Bataille de la Somme. L’hécatombe oubliée », Tallandier, 2016
(4) PRIOR R. & WILSON Tr., Op.Cit.
(5) Ibid.
(6) Ibid.
(7) Ibid.
(8) DENIZOT A., Op.Cit.
(9) PRIOR R. & WILSON Tr., Op.Cit.
(10) Ibid.
(11) Ibid.
(12) Ibid.
(13) Ibid.
(14) Ibid.

 

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