Passchendaele (Troisième bataille d’Ypres) : l’impasse de boue – 3

– Si Douglas Haig et ses généraux restent dans une logique offensive, leurs divisions vont devoir frapper dans du dur. Et ça n’est pas peu dire, puisque les Flandres sont l’un des secteurs – occupés depuis fin 1914 – que les Allemands ont eu tout loisir de renforcer ; d’autant que, hormis l’épisode de la Seconde Bataille d’Ypres (1915), cette partie du front est restée relativement calme. Ce qui a permis aux troupes du Kaiser de constituer un solide réseau défensif, toutefois remodelé grâce aux analyses de l’Oberst Fritz von Lossberg.

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3 – LA DÉFENSE ALLEMANDE : RENFORCEMENT ET REMODELAGE DU DISPOSITIF

1 – Renforcer le front le Flandres :

– Tout d’abord, il convient d’effectuer un bref retour en arrière et replacer le contexte stratégique de l’Empire Allemand en 1917. En  1916, l’Allemagne a besoin d’acier pour alimenter son industrie de guerre, notamment pour la fabrication de canons, d’obusiers, de mortiers, de mitrailleuses et de munitions. Or, les batailles de cette même année ont montré que les grandes formations ont ne besoin croissant de munitions. Ainsi, sur le Front de l’Ouest, entre février et décembre 1916, les bouches à feu de la Kaisersheer ont craché 11,2 millions d’obus environ. Et il a été montré que la V. Armee à Verdun avait besoin de 34 trains de munitions par jour. Enfin, l’emploi des tirs de barrage défensifs (Sperrfeuer) durant la bataille de la Somme ont aussi accru le besoin d’obus et donc, réduit la réserve disponible. Du coup, dès la fin 1916, avec le « Programme Hindenburg », Erich Ludendorff et Paul von Hindenburg impose d’augmenter la proportion de carburant/combustible pour faire fonctionner les machines de l’industrie de guerre en misant sur 12 000 tonnes par mois. D’autant que grâce à l’utilisation du Continuer à lire … « Passchendaele (Troisième bataille d’Ypres) : l’impasse de boue – 3 »

La Vickers .303 : la réponse anglaise à la Maxim

– Si en 1914, l’Armée de Sa Majesté est petite, son infanterie est plus robuste qu’on ne le pense. En effet, à l’instar des Allemands et à la différence de l’allié français, l’Armée Britannique a bien intégré l’emploi des mitrailleuses dans ses rangs, notamment durant les guerres coloniales en Afrique. Ayant fait l’acquisition d’exemplaires Maxim aux Etats-Unis, les Britanniques en déploient – montées sur affûts à roues – à Omdourman et en Afrique du Sud durant la Guerre des Boers. Sauf que face à une guérilla, l’affût sur roues se révèle peu mobile sur un terrain accidenté et peu discret, problème résolu par l’adoption d’un trépied.

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1 – UNE MAXIM PERFECTIONNÉE 

– La situation en Europe laisse présager l’éventualité d’un conflit d’importance. Et  En 1912 apparaît une version considérablement améliorée de la Maxim. Difficile en de telles circonstances de ne pas « muscler » davantage la petite armée de métier avec des armes collectives équivalent à 40 fusiliers bien entraînés au tir de mousqueterie*. Les modèles antérieurs ont été progressivement allégés par l’utilisation de meilleurs métaux mais celui adopté en novembre 1912, est pourvu d’une modification de la culasse mobile, ce qui augmente notablement les propriétés mécaniques de l’arme. Malheureusement, personne au sein du Gouvernement anglais ne veut Continuer à lire … « La Vickers .303 : la réponse anglaise à la Maxim »

La première Ligne Siegfried (1917-1918)

Pour la Kaisersheer, la fin de l’année 1916 à l’Ouest s’achève par un bilan mitigé. L’offensive de von Falkenhayn à Verdun s’est soldée par une atroce bataille d’attrition qui n’a pas entamé le moral des Français qui y ont laissé du sang, mais ne sont pas prêts de capituler. Sur la Somme, les divisions allemandes se sont épuisées dans un combat défensif mais ont empêché Haig de percer. En revanche, le cumul de près de dix mois de batailles sur deux fronts ont coûté environ 900 000 hommes aux troupes de Guillaume II. Et le temps joue contre les Allemands.

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– Au début de l’année 1917, les troupes allemandes en France et en Belgique représentent 2,5 millions d’hommes (134 divisions), établis dans des positions défensives entre la Mer du Nord et la frontière Suisse. La Kaisersheer fait donc face à une masse de 4 millions de Français, Belges, Anglais, Canadiens, Australiens et Néo-Zélandais (175-180 divisions).  De plus, Berlin doit aussi maintenir un corset suffisamment solide en Russie après avoir empêché l’allié austro-hongrois de s’effondrer lors de l’Offensive Broussilov et corrigé la Roumanie. Par conséquent, Erich Ludendorff et Paul von Hindenburg (les véritables patrons de l’Allemagne – le premier en particulier) décident d’ériger une ligne Continuer à lire … « La première Ligne Siegfried (1917-1918) »

La Réserve Générale d’Artillerie lourde française (R.G.A.L)

– Contrairement à une idée reçue, l’Artillerie française n’avait pas que le Glorieux 75 dans ses parcs. Avant le déclenchement de la Guerre, le Ministère de la Guerre n’ignore pas le besoin de disposer de canons lourds. Plusieurs projets de fabrication de bouches à feu sont lancées avant 1914. Mais ils viennent assez tard pour équiper l’Artillerie française lors de l’entrée en Guerre. Jusqu’en 1917, l’Armée de Terre puise dans ses stocks de pièces datant des années 1880, tout en bénéficiant du concours de la Marine qui peut fournir des canons lourds qui ne seront pas installés sur des navires. Et ce, en attendant que les pièces plus modernes (les types Schneider ou Filloux notamment) . Le Commandement et l’Inspection de l’Artillerie réussissent – avec le concours de l’Industrie – à doter les armées du front de canons lourds, notamment de quelques pièces montées sur rail. Lors de la bataille de la Somme notamment, l’Artillerie française n’affiche plus le même visage qu’en 1914, avec un net accroissement de la proportion de pièces à feu lourdes, aux dépens des canons de 75. En dépit de ces efforts notables, l’emploi de l’Artillerie lourde n’est pas encore nettement centralisé, bien que l’état-major ait ordonné de créer un Etat-Major de l’Artillerie pour en perfectionner l’emploi. Jusqu’à fin 1916, les pièces lourdes sont disséminées au sein des Groupes d’Armées ou des Armées, selon les besoins opérationnels, ce qui n’est pas sans créer quelques remous chez certains généraux peu désireux de céder leurs pièces lourdes le moment.

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Pièce GPF Filloux 155 M 1917 sur affût biflèche

– A la fin de l’année 1916, l’état-major français décide de rationaliser l’emploi de l’artillerie lourde française. Ce n’est pas nouveau puisque le GQG avait déjà tenté d’y mettre de l’ordre fin 1915 lors de son développement. L’Artillerie lourde est alors scindée entre l’Artillerie lourde à grande puissance et l’Artillerie lourde sur voie ferrée (ALVF). Les régiments sont confiés à chaque Groupe d’Armée mais cette répartition ne donne pas la satisfaction attendue. Toujours fin 1916, le GQG décide donc de créer une Réserve Générale d’Artillerie (RGA) dont le but sera de coordonner l’emploi des canons et obusiers lourds sur l’ensemble du front. Le 1er janvier 1917, le nouveau Généralissime français Georges Nivelle confie la direction de la RGAL au Général Edmond Buat, polytechnicien de formation et alors commandant de la 121e Division qui devait prendre la tête du IInd Corps d’Armée en remplacement de sa bête noire, Denis Duchêne (1). Le 11 janvier, après avoir laissé le commandement de division au Continuer à lire … « La Réserve Générale d’Artillerie lourde française (R.G.A.L) »

Combattre en montagne durant la Grande Guerre

– Quand on parle des combats de la Grande Guerre, on pense immédiatement aux tranchées et à la boue de Picardie, de Champagne et de la Meuse. Pourtant, la Grande Guerre fut l’une des toutes premières ou les belligérants combattaient en altitude, souvent à plus de 2 000 mètres. Concentrée sur la Marne, les bois déchiquetés de Verdun et le Chemin des Dames, notre mémoire nationale a quelque peu oublié les engelures aux pieds dont furent victimes les Métropolitains et Coloniaux de l’Armée d’Orient, dans les montagnes de la frontière gréco-macédonienne. Et pour qui n’a pas lu « L’Adieu aux armes » d’Ernest Hemingway, les souffrances du Bersaglieri ou de l’Alpini dans les Dolomites ne parlent guère (un front sur lequel s’est tout de même distingué un certain Erwin Rommel). Et qui a véritablement entendu parler des combats acharnés entre troupes du Sultan et soldats du Tsar sur les pentes abruptes du Caucase ? Pourtant, les combats en montagne ont pu susciter l’admiration de certains témoins. Ainsi, quand il parle des combattants italiens, le correspondant de guerre américain E. Alexander Powell écrit pour le « New York World » : « Ce ne fut ni dans les plaines de Mésopotamie brûlées par le soleil, ni dans les marais glacés de Mazurie, ni dans la boue des Flandres mais sur le toit du Monde que le combattant put connaître l’existence la plus difficile ».

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Gebirgsjäger autrichiens posant dans les Alpes

1 – LES TROUPES DE MONTAGNE ET LEURS ENGAGEMENTS

A- L’ENTENTE

– En 1914, l’espace montagnard n’est pas inconnu de plusieurs belligérants. En effet, l’Armée austro-hongroise dispose de ses bataillons de Chasseurs Tyroliens (Tyrolischer-Jäger) ou de Montagne (Gebirgsjäger) et l’Armée française de Bataillons de Chasseurs Alpins (ou Troupes de Montagne), soit le pendant montagnard des Chasseurs à Pied. Ça n’est guère un hasard puisque ces deux pays possèdent les deux plus importantes portions territoriales montagnardes d’Europe, excepté la Grèce et l’Italie qui ne sont pas encore entrées dans le conflit. Il est donc normal que l’Empire multi-centenaire et la République eussent développé des troupes adaptés au combat en montagne, notamment pour surveiller les frontières tracées dans les Alpes. Et dans ce type de combat, les Français ont Continuer à lire … « Combattre en montagne durant la Grande Guerre »

Ernest Swinton et l’arrivée des chenilles dans la guerre

– L’histoire militaire britannique de la Première Guerre mondiale compte certes de personnalités caricaturées et incarnant le conservatisme de la coterie de la Cavalerie, tels French, Haig ou encore Allenby. Mais elle compte également des esprits ingénieux, imaginatifs et intellectuellement moins sclérosés, qui ont intégré plus vite la dimension industrielle du nouveau conflit. Parmi eux, Ernest Swinton, le « père » des chars britanniques, qui peut être comparé à son pendant français, le Général Jean Estienne. Cependant, il faut toute proportion garder quand on emploie le terme « père ».  Swinton n’a pas conçu les célèbres Tanks Mk engagés dans la Somme en 1916. Le mérite en revient à Walter Gordon Wilson, qui s’est lui même inspiré de travaux d’une entreprise privée de Lincoln. Mais Swinton a permis à ces engins d’un type nouveau de s’imposer – avec des primes difficultés – sur les champs de bataille d’Europe de l’Ouest. Avec le centenaire de l’apparition des Tanks lors des combats de Flers durant la Bataille de la Somme, l’occasion se prête à revenir sur cet officier qui, bien que n’ayant jamais exercé de commandement sur le terrain, contribua au basculement du premier conflit mondial dans sa dimension industrielle.

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– Fils d’un fonctionnaire de l’administration des Indes, Ernest Dunlop Swinton voit le jour à Bangalore le 21 octobre 1868. Il effectue sa scolarité en Grande-Bretagne (Londres, Rugby et Cheltenham), avant d’entrer en 1888 à la Royal Military Academy de Woolwich qui forme les officiers du Génie et de l’Artillerie, en somme les armes Continuer à lire … « Ernest Swinton et l’arrivée des chenilles dans la guerre »

L’emploi de l’Infanterie britannique 1914-1916 (seconde partie)

2 – Les tentatives d’adaptations tactiques pour la « New Kitchener’s Army » (1915-1916)

– Les très lourdes pertes de la fin de l’été et de l’automne 1914 privent le British Expeditionnary Force d’un grand nombre de soldats professionnels qualifiés au maniement du fusil. L’état-major impérial n’a d’autre choix que d’envoyer en renfort les recrues volontaires de la New Kitchener’s Army et les réservistes de la Territorial Army. Rappelons que c’est la première fois dans son histoire militaire que la Grande-Bretagne opère une telle levée de soldats. En comparaison, les deux pays de conscription que sont la France et l’Allemagne ont pu lever rapidement plus de 1 million d’hommes chacune.

– Conséquence pour l’Armée britannique, l’instruction des soldats qui partiront combattre dans les Flandres et dans le Nord de la France doit être accélérée, ce qui abaisse la qualité de l’enseignement réglementaire au maniement du fusil, contrevenant ainsi à l’idée qu’une victoire tactique peut être remportée grâce à la discipline de feu des armes individuelles. Pour remédier à ce modèle, l’état-major fait distribuer davantage de nouvelles mitrailleuses Lewis à chargeur tambour incurvé, bien plus facilement déplaçables pour des fantassins que les robustes Vickers (1).


– Par conséquent, dès le début de l’année 1915, le BEF décide de revoir plusieurs de ses principaux schémas tactiques, sans renier ses « principes classiques » qu’ils réadapte au regard de la situation (P. Griffith). Toutefois, le BEF fait traduire en urgence des essais d’officiers français qui représentent pour eux des idées modernes. Sauf que les productions littéraires sélectionnées fondent leur réflexion sur l’expérience de la Guerre de Sécession. En dépit de cette référence historique, la réflexion en faveur du combat voit naître une prolifération d’ouvrages fondée sur des expériences personnelles et l’analyse des tactiques ennemies. Mais contrairement à leurs homologues français qui centralisent le débat au sein de l’École de Guerre, les officiers supérieurs britanniques tentent de trouver des solutions de manières individuelles, engendrant une Continuer à lire … « L’emploi de l’Infanterie britannique 1914-1916 (seconde partie) »

Quand des soldats de la Grande Guerre redeviennent arbalétriers et piétons

– Lorsque éclate la Guerre de mouvement à la fin de l’été 1914, les belligérants des deux camps usent de procédés tactiques et techniques fondés sur l’offensive, avec mouvements et puissance de feu. Seulement, avec l’apparition des tranchées et l’installation de la « guerre de positions », les adversaires sont contraints de « créer du neuf avec du vieux » en puisant du côté de l’Époque médiévale. On va donc assister à une forme de réappropriation des armes blanches, des cuirasses et des armes de jets mais davantage pour des coups de mains et des opérations qu’avec anachronisme assumé, nous pourrions qualifier de « commandos ». Français et Allemands s’y sont investis mais comme nous le verrons, les plus « novateurs » dans le domaine seront les Italiens et les Austro-Hongrois. Si l’adoption de ces nouvelles techniques peut paraître anecdotique, elle est intéressante pour être soulignée. Mais pour terminer cette introduction, laissons parler l’historienne Béatrice Heuser : « De nombreuses formes de technologies anciennes ont survécu jusqu’à l’ère nucléaire. La technologie n’a guère évolué depuis la Guerre de Trente Ans jusqu’au milieu du XIXe siècle » (1).

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Landser posant avec leurs Stirnpanzer

1 – Le retour des armes de jet

– Avec l’apparition des Minenwerfer allemands à la fin de 1914, les Français se retrouvent dépourvus de réplique adéquate. Du coup, en attendant l’arrivée du célèbre « crapouillot » et des lance-bombe, des esprits ingénieux mettent à profit leur savoir-faire pour « bricoler » des lance-grenades avec les quelques moyens dont ils disposent. Reprenant les systèmes des arbalètes, ils mettent donc au point des armes de jets sophistiquées. Les plus célèbres d’entre elles étant la Continuer à lire … « Quand des soldats de la Grande Guerre redeviennent arbalétriers et piétons »

Inventions et innovations de combats – Les gaz

Incontestablement, les gaz toxiques forment presque un « mythe » de la Grande Guerre. N-a-t-on jamais lu ou relu dans nos manuels scolaires que l’emploi des gaz était l’un des aspects représentatifs de la guerre totale. L’article suivant vous propose un point sur cette innovation chimique qui aura autant marqué les esprits que des milliers de soldats dans leur corps.

John Singer Sargent ; « Gassed » Source : http://huntingtonblogs.org
John Singer Sargent ;
« Gassed »
Source : http://huntingtonblogs.org

1 – L’innovation vient d’abord de la France

– Ce que l’on sait moins c’est que l’emploi des gaz toxiques en temps de guerre a été prohibé avant la Grande Guerre (Conférences de La Haye et de Genève). Or, lorsque le front ouest se fige à la fin de l’année 1914, l’Oberste-Heeres-Leitung (OHL) envisage d’employer les gaz toxiques afin de briser la résistance française et britannique sur plusieurs points du front. Mais comme le Continuer à lire … « Inventions et innovations de combats – Les gaz »