De la Moselle à la Sarre : l’insuccès de Patton sur le West-Waal (Nov-Déc 1944)

Durant toute la première moitié de décembre, forte de la chute de Metz, la Third US Army de Patton va s’efforcer de franchir la Sarre, dont le franchissement assurerait aux forces alliées le contrôle d’un bassin industriel et minier du Troisième Reich. Patton pense, à tort, que les Allemands sont tout près de l’effondrement et qu’ils seront incapables de résister. Grisé par son succès et obnubilé par une sorte de mirage, il imagine toujours pouvoir obtenir un succès stratégique qui précipiterait la fin de la guerre avant Noël. Mais le manque de moyens de son armée, le mauvais temps et la défense de la Heer, plus robuste qu’imagine, vont mener à un échec opérationnel net. Échec masqué par la prise de Metz mais qui est à replacer dans un contexte plus stratégique.

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1 – OPTIONS

Suite à la chute de Metz, Patton est alors optimiste. Après 13 jours de combat, les avant-gardes du XX US Corps signalent peu de résistance au nord entre Sarrebourg et Sarrelouis. Patton décide d’en profiter. Il assigne à Walker l’objectif de Merzig, ville située entre les deux villes mentionnées. Hélas, Bradley refuse de lui céder la 83rd US ID (R.C. Macon). C’est donc seulement avec 2 divisions (10th Armored et 90th US ID), dont une sérieusement entamée, que Walker commence la manœuvre en attendant les renforts de Metz. Dans le même temps, Patton décide de relancer l’attaque du XII US Corps en direction de Sarrebrück, espérant qu’en engageant son armée sur un large front, les lignes allemandes craquent d’un moment à l’autre. Le 27 novembre, pensant que Patton tient un succès opérationnel, qui pourrait être couplé avec un autre venu du 6th US Army Group (Seventh US Army et Ire Armée française) en Alsace, Eisenhower ordonne que la Third US Army investisse le Bassin de la Sarre, ce qui priverai l’Allemagne nazie de mines et d’industries. « Ike » assigne alors à Patton l’objectif de Sarre-Union. A ce stade de la campagne, le front de l’armée de Patton s’étend de Béning-lès-Saint-Avold (aile gauche du XX Corpsjusqu’à Mackwiller, à la soudure avec l’aile gauche de la Seventh US Army d’Alexander M. Patch (XV US Corps). Le 1er décembre, Patton publie une directive opérationnelle confiant une nouvelle offensive aux 35th US ID, 80th US ID et 6th Armored Division, soit la gauche du XII US Corps, pour le 4. L’objectif d’Eddy est de percer la partie de la Ligne Maginot qui surveille la Sarre au nord-est de Farbersviller. La 6th Armored doit avancer sur Sarreguemines, tandis que son flanc gauche – en jonction avec la 80th US ID –  doit s’emparer du plateau de Cadenbronn qui domine la Sarre. Heureusement, les troupes allemandes qui gardent le secteur sont 

pauvres en effectifs et en moyens. Seule la 36. VGD (XIII. SS-Korps) reste la meilleure unité du secteur, en dépit d’une maigre dotation en moyens et en effectifs. En revanche, la 17. SS « GvB » n’a plus que 1 700 Panzegrenadier, même après avoir reçu le renfort de Volksdeutsche à la combativité et à la motivation médiocres. Enfin, la 11. PzD, fortement réduite, est positionnée au sud de Puttelange, face à la 35th US ID, gardant encore une partie du cours du Maderbach.

Or, la défense allemande initiée par Hermann Balck est beaucoup plus coriace que prévu. Comme l’explique l’historien Nicolas Aubin, le commandant du HG « G » ne cherche pas à reprendre le terrain conquis par une série de contre-attaques tactiques qu’il sait vouées à l’échec. A la place, il décide de mener une défense qui vise à épargner du temps en cédant du terrain. L’objectif de Balck étant d’épuiser les Américains avant leur arrivée sur la Sarre et le West-Waal (la fameuse ligne « Siegfried »). Pour cela, il ordonne à la 1. Armee d’opérer une défense quelque peu calquée sur la « défense élastique » chère à Erich Ludendorff en 1918 (N. Aubin). Elle se caractérise comme suit : des avant-postes servent de « sonnettes » d’alarme, puis vient la ligne principale qui est formée de groupements de Grenadier, de casseurs de chars et d’artilleurs (FlaK et PaK). Des Panzer et des StuG des unités blindées sont ensuite ventilés au sein des divisions/régiments pour délivrer une puissance de feu mobile. Balck reprend le schéma défensif utilisé en Normandie où plusieurs divisions de Panzer avaient vu leur force blindée « ventilée » sur plusieurs points du front pour soutenir l’Infanterie (avec la constitution de Kampfgruppen) dans des combats défensifs, fixes ou mobiles. Les Allemands ont alors privilégié les contre-attaques locales (Gegenangreiffen) mais qui n’ont pas empêché l’épuisement de leurs forces. Mais sur le front de Moselle et de la Sarre, les forces placées en défense ont encore moins de moyens. Balck compte donc d’abord sur elles pour « noyer » les forces américaines dans d’un combat d’attrition, d’autant que les conditions météorologiques sont à l’avantage des défenseurs. Le mauvais temps retient l’aviation tactique (le « Jabos ») au sol, tandis que la boue handicape sérieusement la mobilité et la logistique de l’US Army, largement dépendante de la force motrice.

Les groupements interarmes allemands ont donc pour mission d’interdire les carrefours routiers et ferroviaires. Si les Américains réussissent à pousser au-delà de la frontière franco-allemande, Balck pourra toujours arc-bouter sa défense sur la rive nord de la Sarre, laquelle dispose de bons points d’observations, ainsi que des fortifications du West-Waal (ligne « Siegfried »). Les Allemands pourront bénéficier de tout un réseau fortifié mais qui souffre de deux handicaps majeurs : le manque d’hommes pour garnir les ouvrages et le manque de canons. Les Allemands vont devoir privilégier l’utilisation des mitrailleuses (MG 42 et MG 34), ainsi que celle des mortiers. L’artillerie des forts est pauvre en pièces (souvent de capture) et manque de munitions, comme celle de campagne. Ce qui contraint donc les chefs de batteries et de groupe à privilégier l’économie de munitions et à n’effectuer des tirs de barrages contre les secteurs sérieusement menacés. D’autre part, la Ligne « Siegfried » n’a pas été utilisée pendant plus de quatre ans. Conçu comme un ouvrage de « diversion » face à la Ligne Maginot, elle n’a pas fait l’objet de travaux d’entretien jusqu’à l’automne 1944. Il a fallu alors faire appel à des prisonniers et des travailleurs étrangers pour remettre les installations en état, notamment les unités téléphoniques et de soin. Mais tout manque.  Les Allemands bénéficient également des forts de la Ligne Maginot, à partir desquels ils auraient pu arc-bouter leur défense. Mais là encore, il manque des hommes et des moyens. Les ouvrages utilisés retiendront des bataillons et des régiments ennemis en l’espace d’une journée, sans constituer un véritable coup d’arrêt.

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2 – WALKER PIÉTINE DEVANT ORSCHOLZ ET SUR LA SARRE

A peine ses divisions ont-elles achevé l’encerclement de Metz qu’Harris W. Walker doit redéployer l’ensemble de son dispositif pour attaquer dans le triangle formé par la Sarre et la Moselle. Cela prend du temps, car il doit réaligner 4 divisions (3 d’infanterie et 1 blindé) en un temps record. D’autant que les effectifs – notamment ceux de la 90th US ID – se sont réduits en raison des durs combats. Seul le 3rd Cavalry Group (ou TF Polk) s’est approchée de la ligne Siegfried dans le secteur d’Orscholz, soit l’extrême ouest du réseau de fortification, rival de la Ligne Maginot. Hermann Balck et Otto von Knobbelsdorf n’ont pas traîné non plus. En effet, bien que talonnée par les Américains, la 416. ID (Pflieger) s’est rétablie à hauteur d’Orscholz, tandis que la 19. VGD se déployé sur Merzig, couvrant ainsi l’accès à la Sarre. Les Américains n’ont pas eu le temps de prendre assez de renseignement sur les fortifications du secteur. Le 3rd Cavalry Group rapporte juste avoir rencontré de puissants ouvrages sur la ligne Nennig – Tettingen – Oberleuken.
Mais Patton est bien décidé à casser la noix. Au départ, il souhaitait confier l’assaut à la 83rd US ID de Robert C. Macon, placée sous le contrôle opérationnel de la Third US Army. Mais Bradley, interdit à Patton d’employer la division de Macon pour toute tentative de traversée de la Moselle. Le 19 novembre, des unités de reconnaissance américaine avaient établi des positions d’observation sur Besch, Wochern, Borg, Hellendorf, Mittel et Unter Tünsdorf, observant ainsi les positions d’Orscholz et les rives de la Sarre. Walker, qui ne veut pas perdre de temps, ordonne à Morris (10th Armored) de faire avancer ses CC A et B sur Orscholz et Merzig, comme de dégager la Forêt de Sarrebourg. Chaque CC est scindé en 2 Task Forces autonomes. Les TF doivent couvrir 1,2 km mais les Allemands les accueillent à coup de canons et de mortiers depuis des positions solides. Merzig est particulièrement bien défendue et l’artillerie allemande donne efficacement de la joie. Balck lance même des contre-attaques avec un Kampfgruppe de la 25. PzGrDiv. Les 20 et 22 novembre, aucun progrès notable n’est enregistré. Tankistes et infanterie monté s’emparent un temps de Nenning mais doivent l’abandonner. A grand peine, la TF Chamberlain réussit à s’accrocher dans une petite tête de pont dans la forêt d’Orscholz. Mais les chars américains sont incapables de franchir les obstacles en « dents de dragon », qui plus est sans l’appui du Génie. Seul succès, l’arrêt de contre-attaques allemandes grâce à l’intervention des obusiers du 420th Field Artillery Battalion. Le 22 novembre, force est de constater que l’attaque de la 10th Armored est au point mort. Les divisions blindées n’étant pas taillées pour des opérations de franchissement. Lesquelles vont vite s’apparenter à de la poliorcétique. Morris décide alors d’attendre l’infanterie – notamment celle de Van Fleet – pour relancer son offensive pour le 24 novembre. A la date prévue, le CC A (Althaus) relance son effort en direction d’Orscholz et de Sarrebourg, avec le 358th Infantry (Col. C.H. Clarke) déjà fortement réduit (60 % de son effectif initial de combat). Le 24, l’attaque a lieu avec l’appui des pièces de 105 mm du 344th FAB. Mais les Américains buttent sur un ensemble de nids de mitrailleuses qui couvrent Oberleuken. Les fantassins de Clarke réussissent tout de même à neutraliser 16 nids de mitrailleuse autour de Butzdorf et de Tettingen. Mais les pertes sont particulièrement lourdes et les allemands répliquent par des contre-attaques menées par Grenadiers et quelques chars. La situation est néanmoins stabilisée par l’intervention de chasseurs-bombardiers du XIX TAC qui lâchent des bombes et du napalm sur les arrières allemands à Sinz et Münzingen, contraignant la 416. ID à rester sur ses positions. Les Américains réussissent aussi à capturer la Cote 388 mais c’est bien tout. Au soir du 25, Clarke fait savoir à Van Fleet et Morris que son régiment n’est absolument plus en état de se battre. Le nombre de malades s’accroît sensiblement, Clarke devant même être hospitalisé pour une pneumonie. Constatant également l’impossibilité d’avancer davantage, Walker arrête les frais le temps de réorganiser son dispositif offensif. De son côté, James A. Van Fleet arrête sa division devant la Sarre, face à Falck et Dalem, derrière la frontière franco-allemande. La situation est alors la suivante : les troupes de Walker ont réussi à mettre le pied en Allemagne – à la grande joie de Patton – mais sont incapables de percer les défenses allemandes.

Le 27 novembre, Walker décide de faire basculer son axe principal vers l’est, grâce au déploiement rapide de la 95th US ID d’Harry Twaddle, ainsi que d’éléments de la 5th US ID (Irwin). Walker ordonne alors de faire sauter la ligne sur les hauteurs de la Sarre. La nouvelle attaque est déclenchée le 29 novembre. Mais le 377th Infantry (Col. George), mis en ligne pour la tâche, est sévèrement contre-attaqué par des éléments de la 21. PzD et le Kampfgruppe « Mühlen », positionné sur Kerprich et Hemmersdorf. Et le 378th Infantry ne fait pas mieux face à Falck et Merten. Les Allemands renforcent alors leurs positions avec l’arrivée d’éléments des 347. ID (W. Trierenberg) et 130. PzD « Panzer-Lehr » (Fritz Bayerlein). Walker décide alors de liquider les forces allemandes situées à la confluence de la Sarre et de la Nied, dans le secteur de Merten, Sankta-Barbara et Felsberg. Le 30 novembre, la 95th US ID relance ses attaques. Mais les Allemands résistent encore bien, profitant des points d’observations qu’ils tiennent sur la Sarre. Mais des éléments de la 10th Armored cognent dans un secteur moins défendu non loin de Merzig. Walker forme alors une Task Force sous le commandement du Colonel Robert P. Bell, patron du 378th Infantry et lui adjoint des éléments de la 5th US ID (1 régiment d’infanterie, artillerie et reconnaissance)*. Mais Walker ordonne que la TF Bell ne soit utilisée que pour exploiter un potentiel de traversée de la Sarre. Celle-ci doit être opérée par la 5th US ID et la TF Fickett (rassemblée sur ordre de Patton à Saint-Avold), laquelle compte le 5th Rangers Bn et le 6th Cavalry Group.

Toutefois, comme l’explique le Colonel Hugh M. Cole, en dépit des succès défensifs allemands, l’arrivée des forces américaines sur la Sarre n’est pas sans inquiéter Hitler et l’OKH qui estiment possible une percée américaine entre Wissembourg et le Palatinat. Hitler considère aussi que le danger principal vient de l’offensive du XX US Corps sur le West-Waal entre Merzig et Saarlautern. Le Führer craitn que malgré les fortifications construites Avant-Guerre, la 1. Armee ne puisse protéger le bassin minier et industriel de la Sarre. Hitler pense alors à lancer une contre-offensive pour reprendre l’Alsace et la Lorraine, sans pour autant abandonner l’offensive dans les Ardennes. Hitler pense confier cette mission au Heeres-Gruppe « G », avec le soutien nécessaire de l’Ober-Befehlshaber « West » (Gerd von Rundstedt). Mais Hermann Balck estime, à juste titre, qu’un tel projet nécessitera le regroupement d’importants moyens, comme la constitution d’une importante réserve blindée et mécanisée. Un luxe pour l’Allemagne à ce stade de la guerre. Comme à son habitude, Balck louvoie, ménageant la chèvre et le chou. Il ordonne ainsi à Otto von Knobelsdorff de ne plus faire reculer sa 1. Armee, quelque-soit le prétexte (Hugh M. Cole). Il ordonne ensuite à von Knobelsdorff et à Walter Hörnlein de faire reculer le LXXXII. Armee-Korps sur la Sarre. Von Rundstedt réprimande alors von Knobelsdorf pour cette décision mais Balck rattrape le coup en précisant que le commandant de la 1. Armee « ne doit pas laisser détruire la 19. VGD à l’ouest de la Sarre ».

Mais les Allemands ne lanceront jamais de contre-attaque, tout simplement parce que le 1er décembre, Walker remet le couvert, avec l’objectif de percer sur Rehlingen. Cette fois, il met les 95th et 90th US ID à la peine, avec le soutien actif des bombardiers de la IX Bombardment Division et des appareils d’appui-tactique du XIX TAC. Mais le bombardement préparatoire n’obtient que des résultats mitigés en raison du temps bouché et des disfonctionnements du matériel de Pathfinders embarqué sur B-26. Autre souci, la 95th US ID – chargée de l’assaut principal – a reçu le renfort de 35 % de « bleus » mal entraînés. Toutefois, la division d’Harry L.L. Twaddle peut compter sur l’appui de l’artillerie du III US Corps et sur celui du 4th Tank Destroyers Group. Une puissance de feu collective appréciable. L’assaut est lancé le 1er décembre mais là encore, les Allemands contre-attaquent avec l’appui de Panzer, de StuG et d’artillerie. Les Américains réussissent à prendre Berus mais tombent ensuite dans un terrain barré par des ruisseaux et des champs inondés. En revanche, la prise de Berus fait craindre à von Knobelsdorff et Balck la possible création d’une brèche entre le LXXXII. AK d’Hörnlein et le XIII. SS-Korps de Max Simon. Von Knobelsdorf souhaite reprendre Berus mais un criant manque d’obus (dû à une attaque aérienne américaine) l’empêche de monter une contre-attaque. Du coup, malgré une nouvelle remontrance de von Rundstedt mais avec l’accord implicite de Balck, Otto von Knobelsdorff décide d’ancrer sa défense sur la Sarre, en évacuant Dillingen et Sankta-Barbara, tout en priorisant Rehlingen et Saarlautern. Dans la nuit du 1er au 2 décembre, Walter Hörnlein fait évacuer la rive ouest de la Sarre. Seuls quelques éléments de la 21. PzD restent dans le secteur de Sankta-Barbara pour un mener un combat retardateur. Mais pour l’heure, en raccourcissant les lignes de ses deux Korps, Otto von Knobelsdorff

Le 2 décembre, la 95th US ID relance son attaque et s’empare de Sankta-Barbara, mollement défendu. Mais partout ailleurs, les combats sont plus durs et les pertes américaines grimpent en flèche. Selon le Colonel Cole, elles atteignent 55 % des effectifs initiaux au sein des 377th et 378th Infantry. Et le G-3 de la division**, Dorsey E. McCrory, fait état d’un état de fatigue alarmant au sein des unités de combat de la division. Si Pikard est pris, Saarlautern est toujours bien défendu par les Allemands. Mais durant la fin d’après-midi, un observateur d’artillerie révèle l’existence d’un pont encore intact qui relie Saarlautern à Saarlautern-Roden. Par conséquent, après interrogatoire de prisonniers puis accord pris avec Twaddle, le Colonel Robet L. Bacon, commandant du 379th US Infantry décide lancer une action pour saisir l’ouvrage sur la Sarre le lendemain. Le 3 décembre, couverts par l’artillerie divisionnaire qui matraque Saalautern, les hommes du 379th Infantry et du 320th Combat Engineer Bn traversent la Sarre sans difficult. Les Allemands ayant négligé ce secteurs, les soldats de Bacon ne rencontrent qu’un seul char léger, vite mis hors d’état de nuire. Très vite, les GI’s s’emparent du pont et Bacon expédie rapidement le 607th TDB pour les appuyer. Ce succès surprend complètement les Allemands. Furieux, von Rundstedt ordonne de contre-attaquer et anéantir la tête de pont à tout prix. Quelques renforts arrivent. La 21. PzD « accroit » son parc blindé de 17 Panzer PzKw IV et la 719. VGD (Paul Schwalbe) arrive dans le secteur de Saarlautern. Mais il n’y a pas assez d’hommes pour garnir les fortifications établies en profondeur (et dont l’entretien n’a été que partiellement accompli malgré un renforcement accéléré dès l’automne 1944). Le HG « G » obtient quelques recrues – trop âgées ou trop jeunes – du Volkssturm, ainsi que des canons de DCA, notamment des pièces de 8.8 cm. Embossés ou retranchées sous fortifications, ces pièces peuvent néanmoins causer du dégât. Seule consolation pour les généraux allemands, beaucoup de soldats savent qu’ils tiennent le « dernier rempart » du Heimat et s’apprêtent à combattre vigoureusement.

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Au nord-ouest, Walker peut au moins se targuer d’un succès mais qui paraît bien amer au regard de la situation de l’ensemble de son Corps. Ainsi, il décide d’effectuer une poussée à partir de Saint-Avold avec la 5th US ID d’Irwin. Cette dernière doit dégager Creutzwald, Lauterbach et la Forêt de la Houve. Les fantassins américains reçoivent l’appui des M10 Wolverine du 818th TD Bn et le renfort du 5th Ranger Bn (R. Sullivan). L’attaque de la division d’Irwin démarre le 3 décembre mais les débuts sont peu prometteurs. Les Allemands lancent plusieurs contre-attaques sur Lauterbach. Mais le 4, les Américains culbutent leurs ennemis grâce au Tank Destroyers et le 5, Lauterbach tombe, offrant à Walker l’exploitation d’un nœud routier.
Côté américain, Walker espère bien exploiter la prise du pont de Saarlautern. Mais les Allemands ne lui en laissent pas le temps. Une petite force had hoc de la 21. PzD, avec 5 Panzer, lance une violente contre-attaque contre le 379th Infantry. Ils ne parviennent pas à déloger l’unité mais réussissent à rétrécir la tête de pont. Les Américains font donner leur artillerie mais celle-ci voit son efficacité réduite en raison de l’usure des tubes, de la mauvaise qualité des routes et des emplacements, ainsi que du mauvais temps qui empêchent les avions de relever les coordonnées des cibles. Et s’ils crachent 15 000 obus par jour, les obusiers américains n’entament que partiellement la défense allemande. Face aux bouches à feu de Walker, les Allemands utilisent une nouvelle technique assez efficace : ils créent des écrans de fumée qui « aveuglent » l’observation visuelle (« range spotting »), ce qui ne permet pas aux artilleurs américains de repérer les pièces allemandes à contre-battre***. Quant au XIX TAC, il est aussi handicapé par le mauvais temps.  Du coup, le XX US Corps se retrouve  vite contraint à mener d’épuisants combats d’attrition pour élargir laborieusement sa tête de pont. Les Allemands réussissent à mettre à mal les actions américaines grâce à leur défense en profondeur, mêlant fusiliers, « casseurs de chars » et mitrailleurs. Et chaque fois que les Américains s’emparent d’une localité, ils sont systématiquement contre-attaqués et doivent céder du terrain. Avec un rythme offensif autant « cassé », Walker voit s’éloigner ses chances d’exploiter le premier succès de la 95th US ID à Saarlautern. Lisdorf et Saarlautern-Roden sont laborieusement investies mais Fraulautern et Ensdorf restent alors aux mains des Allemands.

Les 8-9 décembre, après redéploiement, la 95th US ID réussit à investir Frautautern et Ensdorf et doit mener de violents combats urbains. Elle réussit également à s’emparer du principal pont de Saarlautern, ce qui permet à Twaddle d’y expédier les 607th TD Bn et 778th T Bn. Les Allemands lancent encore plusieurs contre-attaques mais le 10, la résistance craque. En revanche, les progrès sont plus lents à Saarlautern-Roden, tandis qu’à Fraulautern, les Américains doivent méthodiquement nettoyer les abris bétonnés. Les combats se poursuivent jusqu’au 13 décembre mais les capacités de combat de la 95th US ID sont réduites à 61 %. Et il manque encore 2 000 remplaçants. Le 17 décembre, la division de Twaddle est relevée par la 5th US ID. Entretemps, Walker ordonne à James A. Van Fleet de faire traverser la Sarre à Rehlingen (au nord-ouest de Merzig) à sa 90th US ID, à peine remise des combats de Metz. L’absence d’informations fiables et les bonnes positions d’observation de l’ennemi inquiètent vite Van Fleet. Pire, la 90th US ID devra prendre Dillingen, fortement défendue. Van Fleet adjoint tout de même 1 bataillon du génie à chacun de ses régiments pour mieux faciliter le franchissement de la Sarre. Il aligne également toute l’artillerie divisionnaire et 6 autres pour soutenir ses soldats. Le 5 décembre, la traversée commence, précédé d’un puissant tir d’artillerie. D’abord gênés par des mitrailleuses et des mortiers, les GI’s de la 90th US ID réussissent à prendre pied devant Pachten et Dilligen, tout en avançant vers la Prims. Mais très vite, les Allemands réagissent en lançant de violentes contre-attaques, toutes repoussées. Le génie américain réussit à jeter un pont de bateau pour faire passer le 1/357th sur l’autre rive. Mais sur la rive sud, la boue empêche tout mouvement. Quelques AMTRAC « Alligator » sont déployés mais ils s’avèrent incapables de rouler dans la boue aussitôt sur la rive nord. Il faut deux jours au 357th Infantry pour dégager Pachten. Mais les Allemands lancent une nouvelle contre-attaque avec 1 100 hommes depuis Beckingen. Les combats sont furieux et les Américains sont encore obligés de céder du terrain. Mais les pertes allemandes sont aussi sérieuses et cette tentative sera la plus importante durant cette période. Des deux côtés on souffre de la pluie, du froid et des « pieds de tranchée ». Les GI’s doivent dormir dans des trous inondés, sans pouvoir recevoir l’aide du Génie. Seule bonne nouvelle, le Génie américain a réussi à acheminer des bateaux pour faire traverser la Sarre. En effet, il devenait impossible d’ériger des ponts en raison de la boue et de la pluie battante.  Mais le 8 décembre, les Allemands prennent l’initiative. Ils harassent les régiments de Van Fleet par leurs attaques incessantes. Si les Américains réussissent à s’emparer de la gare de Dillingen mais la 719. VGD entre dans la danse et réussit à reprendre du terrain. Le 9 décembre, la tentative d’élargir la tête de pont de Dilligen s’achève par un sanglant match nul.

Mais le 9 décembre, toujours, le 359th Infantry réussit à passer la Sarre. Chaque bataillon traversant l’un après l’autre dans des canots. Le régiment traverse alors le Haien Bach sis le Hüttenwald et s’approche du sud de Pachten, puissamment par des nids de mitrailleuse se couvrant mutuellement, ainsi que par deux forts. Mais l’artillerie américaine couvre les fantassins grâce aux tirs tendus des obusiers de 240 mm. Cependant, les combats dans Dilligen sont toujours aussi violents et les Allemands lancent plusieurs contre-attaques pour interdire la route Beckingen – Pachten.  Mais le 9, les ponts sont jetés sur la Sarre, permettant le passage de Jeeps de ravitaillement et de canons légers. Des P-47 lâchent du ravitaillement mais le bateau reste le meilleur moyen de faire passer des vivres et des munitions. Sauf que le même jour, Hermann Balck ordonne à Paul Schwalbe de réduire la tête de pont américaine. La contre-attaque démarre par des actions sporadiques des 19. et 719. VGD, couplées à des tirs d’artillerie. Les Allemands ayant réussi à rassembler 110 pièces. Après avoir rassemblé ses unités de combats dans les bois à l’est de Saarwellingen, Schwalbe les jette contre les Américains. Ceux-ci reçoivent d’abord un violent bombardement d’artillerie. Les combats sont particulièrement durs et Van Fleet craint un moment que les Allemands ne réussissent à le contourner par sa droite avant de lancer une contre-attaque en traversant la Sarre. Informé, Walker met en alerte la 10th Armored afin de parer à cette éventualité. Heureusement, grâce à l’aide des pièces lourdes de 8-inch et de 240 mm, les Américains réussissent à stabiliser la situation. Mais la situation est alarmante pour la division de Van Fleet dont la capacité de combat est réduite à 43 %. Et ce, après l’arrivée des remplaçants suite aux pertes consenties à Metz ! Seulement, il lui faut capturer Dilligen et s’assurer du contrôle de la Prims afin de sécuriser sa tête de pont (à défaut de l’élargir). Ces deux impératifs deviennent l’impératif numéro 1 du commandant de la 90th US ID. Le 15 décembre, bénéficiant d’un écran de fumée créé par les mortiers, ainsi que de l’appui rapproché des Sherman et des M 10, le 358th Infantry (Lt.Col. F.H. Loomis) réussit à investir les ruines de Dillingen. La ville est ancrée sur une forte portion du West-Waal. Les Allemands ne peuvent coordonner leur défense sur l’ensemble du secteur. Ce sont donc des petits groupes de soldats qui font résister le mieux, donnant du fil à retordre aux Américains. Ceux-ci doivent nettoyer les bâtiments, encercler et neutraliser les ouvrages fortifiés, de même que neutraliser les sections antichar ennemies. Mais le 16, Dilligen est sous contrôle. Seulement, avec les pertes consenties par deux divisions, le XX US Corps est incapable d’élargir ses conquêtes. Le 18 décembre, Walker décide d’évacuer la 90th US ID de la tête de pont, avec 1 298 prisonniers allemands. Mais remplacer 9 bataillons qui tiennent un secteur réduit est une opération délicate. Elle est menée à bien durant 4 jours.

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2 – L’ASSAUT DU XII US CORPS

Fin novembre, Manton S. Eddy s’est assuré du contrôle de la rive nord du Maderbach, le Canal des Houillères et la Sarre restent encore aux mains de l’ennemi. Au sud de la Sarre, la 4th Armored de Wood fait donc face à Sarre-Union, petite ville industrielle mais important nœud de communications. Eddy ordonne alors à Wood d’enfoncer le périmètre défensif de Sarre-Union le 1er décembre. Le plan de John S. Wood consiste à faire contourner Sarre-Union par l’est à ses blindés, tandis que l’infanterie mécanisée (avec des éléments de la 26th US ID) devra pousser vers le nord et s’emparer de la ville. Sauf que le secteur de Sarre-Union est tenu par l’aile ouest (gauche) du LXXXIX. Armee-Korps de Gustav Höhne ; la défense de la ville étant assurée par la 25. PzGrDiv (P. Schürmann), 1 Kampfgruppe de la Panzer-Lehr (réserve tactique rapprochée et par des éléments de la 11. PzD. S’ils n’ont pas renforcé Sarre-Union même, les Allemands privilégient la défense des collines au nord et à l’est de la ville, autant pour surveiller les mouvements ennemis que pour interdire la progression sur la route de Mackwiller. Mais comme le

L’attaque commence le 1er décembre comme prévu. L’infanterie du 101st Infantry (Col. Walter. T. Scott 26th US ID) et le Combat Command B (8th TB et 51st AIB) ouvrent le bal, avec les compagnies qui avancent en colonnes. Mais les Américains se rendent vite compte que les Allemands n’ont pas l’intention de décamper. La résistance est particulièrement dure autour des Cotes 318 et 254.  Deux compagnies réussissent à entrer dans Sarre-Union mais se font vite chasser. Le 2 décembre, les Américains combattent dans Sarre-Union. Willard S. Paul expédie son 104th Infantry (Col. Ralph A. Palladino) soutenir l’action du CC B et du 101st Infantry. Les pertes américaines sont sérieuses. Plusieurs commandants de bataillon sont blessés. Les Américains atteignent bien la Cote 254 mais ils sont vite arrêtés par un tir nourri de mitrailleuses et de mortiers. Les 2 Compagnies qui ont réussi à entrer dans Sarre-Union en ressortent avec 50 % de leurs effectifs hors de combat.
La situation s’améliore le 2 décembre. L’engagement du 104th Infantry permet à la 4th Armored de contourner Sarre-Union par l’est, de prendre la Cote 332 sur la rouge menant à Völlerdingen. Mais la Panzer-Lehr réagit rapidement en expédiant des petits groupes de Panzergrenadiers appuyés par des chars. Et les Américains ne disposent pas des « Jabos » pour enrayer les actions allemandes. Le 3 décembre, une contre-attaque allemande dans Sarre-Union menace d’anéantissement une compagnie d’infanterie. Laquelle ne doit son salut qu’à son appel au soutien d’artillerie. Les pièces de 105 mm pilonnant le secteur de la compagnie en lâchant 380 coups. Enfin, toujours le 2 décembre, le 101st Infantry, appuyé par quelques chars du 37th Tank Battalion finissent par faire tomber Sarre-Union. Entretemps, John S. « Tiger » Wood, victime d’une fatigue aggravée, est envoyé en repos et remplacé par Hugh J. Gaffey, chef de l’état-major de la Third US Army. A son tour, Gaffey est remplacé par le Brigadier General Hobart R. Gay. Au-delà du départ de Wood, c’est toute la 4th US Armored qui a besoin de réorganisation. La division est éreintée par des combats continus dans des conditions difficiles dignes de la Grande Guerre, ce que ses manuels n’avaient pas prévu.

Le 4 décembre, la 35th US ID lance son offensive. Paul W. Baade a eu l’idée d’annuler sa préparation d’artillerie afin de conserver l’effet de surprise. Et cela marche. Le 134th Infantry (Col. Miltoberger) franchit le Maderbach et encercle Puttelange. Les éléments de la 17. SS préférant déguerpir. Le 320th Infantry (Col. Byrne) fait de même à Rémering-lès-Puttelange. Au regard de ce succès, Eddy ordonne à Baade de poursuivre son avance vers la Sarre en soutien de la 26th US ID. Sur la gauche, l’assaut des 80th US ID et 6th Armored démarre par un tir de préparation de 01h08. Le 318th Infantry (Col. …), épaulé par le 702nd TB et 1 compagnie du 610th TDB s’empare de Fabersviller. Ensuite, malgré la perte de 8 chars due à des tirs de canons FlaK de  8.8 cm, le CCA de la 6th Armored (Col. Hines) et le 318th Infantry s’emparent du Mont de Cadenbronn. Le 5 décembre, les 6th Armored et 35th US ID sont sur la Sarre., tandis que des patrouilles s’approchent de Sarreguemines et de la Roselle. Une patrouille du 2nd Cavalry Group met le pied en Allemagne, près de Sankt-Nicolas. Enfin, la Rosselle est aussi franchie près du village de Rosbrück. Le même jour, RAF et USAAF profitent du beau temps pour frapper Sarreguemines, cité industrielle. Le 6 décembre, une Task Force (Lt.Col. Ward) du CC A est envoyée dans Sarreguemines qui est investie avec l’aide du 134th Infantry en cours de journée. Très vite, les deux divisions se mettent en position défensive. Mais la rive ouest de la Sarre est alos sous contrôle entre Grosbliederstroff et Wittring.

De son côté, la 4th Armored reçoit l’ordre de nettoyer la région boisée entre la Sarre et l’Eichel. Mais le 3 décembre, les éléments des 25. PzGrDiv et 11. PzD effectuent un repli vers le nord à travers l’Eichel. Hugh J. Gaffey ordonne alors la poursuite. Une petite force commandée par le Major A.F. Irzyk s’empare du pont Völlerdingen, intact. Ensuite, le CC A s’empare de Domfessel mais l’artillerie allemande donne de la voix, détruisant plusieurs chars américains. Ils en profitent d’autant plus que leurs batteries tractées et leurs StuG sont alors hors de portée de l’artillerie ennemie. Gaffey ordonne alors à son CC A d’avancer sur Bitche, Rimling et Rohrbach-lès-Bitche. Creighton G. Abrams et son 37th TB, avec des éléments du 53rd Armored Infantry Bn, foncent vers Bining et Singling. Mais le second village est protégé par plusieurs ouvrages de la Ligne Maginot et des batteries allemandes. Abrams donne alors dans le piège et doit vite se replier après avoir laissé 14 chars sur le carreau. Abrams demande alors à Gaffey l’autorisation de neutraliser Singling avant de reprendre son avance vers le nord. Abrams rameute alors de l’infanterie mécanisée (le 51st AIB), de l’artillerie mobile divisionnaire et ses 2 compagnies restantes de Sherman. Abrams combine infanterie et chars pour l’assaut. Mais le Panzergrenadier-Regiment 111, bien retranché dans les collines alentours se défend bien. C’est seulement avec l’intervention des chars léger et d’un bataillon du 328th Infantry que Singling tombe entre les mains américaines. En revanche, les combats de début décembre ont été particulièrement coûteux pour la division blindée américaine. Le 7 décembre, Eddy regroupe et réorganise son Corps d’Armées en vue de poussée finale vers le nord-est. Son objectif n’est ni plus ni moins que de percer la portion du West-Waal située entre Saarbrück et Zweibrück. L’action est confiée à la 6th Armored, appuyée par des pièces lourdes de 240 mm et de 4,5-inch. Mais Robert W. Grow ne pourra pas compter sur les deux autres divisions d’infanterie, déjà bien engagées. Seule bonne nouvelle, la 12th Armored Division (Roderick R. Allen) vient d’arriver sur le front depuis Marseille. Ce port étant utilisé pour le débarquement de renforts et de ravitaillement des forces américaines combattant dans l’Est de la France. Mais les convois qui remontent la vallée du Rhône et la Bourgogne doivent fournir également Devers, Patch et de Lattre,  ce qui contribue à faire diminuer les capacités de la force de frappe de Patton (N. Aubin).

Si le dispositif offensif américain s’émousse sérieusement, la 1. Armee allemande mène la guerre du pauvre. Elle n’a été capable de tirer que 7 000 obus durant plusieurs jours, ne dispose plus que 12 blindés et n’a reçu que 5 700 remplaçants à l’instruction sommaire. Comprenant que von Knobelsdorff ne pourra mener de contre-offensives sérieuses, Gerd von Rundstedt – pressé par les impératifs de l’offensive des Ardennes et la chute d’Aix-la-Chapelle – décide de remplacer les « Panzer-Lehr » et 11. PzD par les 401. et 404. Volks-Artillerie-Korps. Un mot sur les VAK. Comme le signale Nicolas Aubin, il s’agit d’une innovation allemande, calquée sur les Soviétiques, pour centraliser et concentrer une puissance de feu en artillerie lourde au sein d’une Armee. Mais l’expérience va s’avérer un échec, puisque leurs effectifs ne dépasseront pas 2 régiments.  Hermann Balck compte alors ses forces, d’autant que sa défense souple est affaiblie par le manque d’hommes et de moyens, d’autant que les pertes s’accumulent. La 11. PzD est complètement fragmentée et affaiblie et il se voit privé du renfort de la 719. VGD qui s’était aguerrie dans les combats d’Arnhem. Balck s’inquiète d’une possible « pénétration stratégique » le long de l’axe Saarebrück – Kaiserslautern, via lequel l’ennemi pourrait atteindre Francfort et le Rhin. Balck craint également une percée du XV US Corps (Seventh US Army), lequel pourrait traverser le Rhin et marcher sur le Palatinat.  Evidemment, Balck n’a d’autre choix que de parer au plus pressé. Premièrement, il créé l’Armees-Gruppe « Höhne », commandé par Gustav Höhne, le patron du LXXXIX. AK, reconnu pour son expérience sur le Front de l’Est. L’AG « Höhne » est déployé en diagonale de l’est de Bitche jusqu’à Haguenau, afin de protéger le Rhin. Cette nouvelle grande formation a aussi pour but d’assurer la cohésion du front entre les 1. et 19. Armeen. Balck demande également des renforts à August Winter, l’adjoint d’Alfred Jodl à l’état-major de l’OKH. Il demande 40 à 50 Sturm-Geschützte, 30 à 40 Panzer, un nombre équivalent de chars léger, 6 bataillons de remplacement et la 103. Panzer-Brigade. Winter lui répond que Jodl a conscience des difficultés mais qu’il « ne peut rien lui promettre », comme le soulève le Colonel Cole.

Mais sur le terrain, l’offensive américaine se poursuit. Tôt le matin du 8 décembre, les 35th et 26th US ID attaquent sur la Sarre et la Ligne Maginot. Après avoir traversé la Sarre, le 320th Infantry (Col. B.A. Byrne) surprend complètement les défenseurs allemands dans les postes avancés mais est bloqué près de Zetting par des mitrailleuses et de l’artillerie ennemies. Heureusement, grâce à un puissant soutien de l’artillerie divisionnaire – qui bénéficie d’une portée suffisante et de bons points d’observation – le 134th Infantry (Col. B.B. Miltonberger) traverse lui aussi la Sarre et s’empare de Neunkirch. Selon les rapports américains, ce succès a quasiment achevé de détruire le Panzergrenadier-Regiment 110De son côté, la 26th US ID attaque sur la Ligne Maginot, avec le soutien des avions du XIX TAC qui attaquent en « rase-motte » causant de lourdes pertes aux Allemands. La difficulté principale reste la neutralisation des forts qui ceinturent plusieurs villages. Les Allemands ont toutefois opté pour un repli tactique vers le nord en laissant des petits groupes de défenseurs, avec assez de mitrailleuses, pour opérer des combats retardateurs. Au final, les soldats du Major General Willard S. Paul réussissent à s’emparer des Forts Wittring et Grand Bois, ainsi que du village d’Achen, grâce à l’appui de Sherman et de Tank Destroyers. Seul le 328th Infantry (Col. B.R. Jacobs ) éprouve quelques difficultés à faire sauter les tourelles et les portes à la grenade. Et si les blindés peuvent engager sans problème les canons de 20 mm, ils ne peuvent pas grand-chose contre les pièces de 155 mm. La question sera résolue avec des charges plastic et des torpilles Bengalore. Toutefois, le retard de ce régiment n’empêche pas la 26th US ID de franchir la Ligne Maginot et d’avancer vers Gros-Réderching qui tombe le 10 décembre. Ce jour-là, Willard S. Paul apprend que sa division va relever par la 87th US ID (Curtis G. Culin), tout juste arrivée dans le secteur de Metz. Cela n’empêce pas le 328th Infantry de traverser symboliquement la frontière. Pour une division de « bleus », la 26th US ID s’est plutôt bien comportée. Et son succès assure la sécurisation du flanc droit de la 35th US ID. Heureusement, car celle-ci se retrouve à défendre sa tête de pont de Zetting avec seulement ses fantassins et quelques canons antichar de 57 mm. Mais si les Allemands délivrent un feu nourri d’artillerie, ils ne tentent pas de lancer de contre-attaque. Baade décide de traverser la Sarre à l’est de Sarreguemines. Pour l’opération, Baade aligne la 81st Chemical Company, le 60th Engineer Combat Battalion, ainsi que le 1135th Engineer Combat Group. L’Infanterie traversera pour établir une tête de pont, tandis que le Génie jettera des ponts sur la Sarre. Déclenchée dans la nuit des 9 – 10 décembre, l’attaque réussit et le 137th Infantry (Col. Robert Sears) investit Sarreguemines. S’ensuit un combat urbain, maison par maison, avec l’appui de l’aviation tactique. Les nids de résistance allemands sont neutralisés à coups de BAR et à la grenade. A la fin de la journée, le 137th Infantry atteint Frauenberg, sécurisant ainsi le flanc gauche de la division et bloquant la retraite ennemie. Mais le régiment de Sears se fait harceler par des tirs de la 17. SS qui se retranche derrière la Blies. Paul W. Baade ordonne alors une attaque contre la Blies pour le 12. Mais les Allemands s’apprêtent à résister beaucoup plus fermement. Le SS-Panzergrenadier-Regiment 38 (17. SS) et des fusiliers de la 11. PzD s’ancrent sur des positions défensives à l’ouest d’Obergailbach. Les Allemands bénéficient également de très bons points d’observation, notamment à Bliegersviller. Baade ne pourra pas compter sur un écran de fumée, en raison d’un vent fort. S’il veut mener son attaque à bien, il devra mener une attaque frontale sur Habkirchen, Wolferhseim, Bliesransbach et Nieder-Gailbach. Si Baade optient une percée, Patton lui a promis d’engager les « bleus » de la 87th US ID. L’attaque démarre le 12 décembre mais dans des conditions particulièrement mauvaises. Les ruisseaux et rivières, gonflés par les pluies pré-hivernales, débordent. L’attaque est également ralentie par l’artillerie allemande. Sa rivale réplique en ciblant systématiquement chaque secteur susceptible de concentrer des forces. Bliesbrück tombe et Habkirchen est atteint. Sauf que les Allemands y livre un violent combat défensif. L’artillerie allemande se déchaîne, faisant pleuvoir 600 coups sur le 1/134th Infantry. Il faut trois jours au même bataillon pour chasser les Allemands d’Habkirchen, avec l’aide de Tank Destroyers du 610th TD Bn. Ce succès coûteux permet aux pontonniers d’y établir un pont Bailey sur la Blies. De son côté, le 137th Infantry « tâte » les défenses de Breiterwald pour vite se rendre compte que les Allemands comptent bien tenir la ville. Il faut l’engagement du 347th Infantry (Col. S.R. Tupper) de la 87th US ID pour en chasser les quelques soldats du Grenadier-Regiment 110. En revanche, Nieder-Gailbach ne tombera que le 18 décembre. Peu avant,  le 9 décembre, Eddy décide d’engager la 12th Armored de Roderick R. Allen qui a remplacé la 4th Armored. Cette unité fraîche à effectifs pleins va effectuer son baptême du feu. Elle a pour objectif de dégager le nord de Bitche. Elle enregistre un premier succès en s’emparant de Rohrbach-lès-Bitche le 10, puis son CC A fait tomber Bettviller, malgré la perte de son commandant, Riley F. Ennis.

En revanche, pour les 35th et 87th US ID, la suite de l’opération se mue en une série de combats d’attrition qui « casse » le rythme offensif de l’aile gauche d’Eddy. L’artillerie à longue portée allemande donne aussi du fil à retordre au XII US Corps. Et les Allemands prouvent à leurs ennemis qu’ils sont de très bons combattants en milieu boisé En outre, au-delà de la démonstration de son expérience et dson professionnalisme, la 35th US ID est fatiguée par 162 jours en ligne. Et les pertes consenties depuis la mi-novembre ont ruiné son potentiel offensif. En revanche, les Allemands sont dans un état encore pire. A tel point que le General der Infanterie Hermann Förtsch, commandant du XC. Armee-Korps informe ses supérieurs qu’une nouvelle offensive américaine percera sans difficulté son mince rideau défensif. Patton souhaite alors en profiter. Il ordonne alors à la 6th Armored d’engager une attaque contre le secteur de Forbach. Mais cette attaque n’aura pas lieu en raison du déclenchement de l’offensive dans les Ardennes. Le 20 décembre, le XV US Corps d’Haislip prend la relève du XII US Corps sur le front de l’est de la Moselle. La campagne de la Sarre s’arrête ici.

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BILAN

Pour Patton, le constat est bien amer. Metz est tombée, ce qui permet au bouillant général de claironner auprès de Bradley et des correspondants de guerre. Mais, avec le recul, la prise de Metz ne peut masquer un échec que la « légende » populaire de Patton a longtemps occulté : la Third US Army n’a pas réussi à percer la Ligne « Siegfried », donnant un répit aux Allemands et ce qui permettra à Hitler de lancer son offensive dans les Ardennes (ce qui s’avérera une erreur majeure). Certes, les Américains ont laminé le Heeres-Gruppe « G » qui laisser 75 000 hommes dans l’affaire, soit quasiment la moitié de ses effectifs de départ. Mais les forces de Patton ont également souffert avec 55 000 homes pertes, dont 6 657 tués. Dans le détail, les pertes ont été les plus fortes dans les régiments d’infanterie, réduits à 60 – 40 % de leurs capacités de combat. Le cas de la 90th US ID est flagrant. A peine remise de ses pertes lors de la Bataille de Metz, cette valeureuse division a de nouveau payé le prix du sang sur la Sarre pour des gains limités. A côté des tués et blessés au combat, les pertes sont dues aux maladies dues au froid, aux maladies (dans ce cas elles ne sont pas systématiquement définitives, d’autant que le système de santé de l’US Army est bien meilleur que celui des Allemands) et aux « pieds de tranchées ». On peut aussi mettre sur le compte de l’échec américain le mauvais temps, la boue, les problèmes logistiques  et la défense allemande plus efficace (ce qui traduit un mauvais travail du renseignement). Enfin, comme l’explique Nicolas Aubin, l’échec de Patton s’inscrit dans un échec plus général, celui de Bradley. En effet, après un mois de bataille, c’est tout le 12th US Army Group est partout mis en échec. Il n’a atteint aucun des objectifs qu’il s’était fixés. Au nord des Ardennes, la progression est médiocre, voire mauvaise. Et le taux de pertes atteint la limite du supportable. Incapable de voir que la victoire alliée ne se jouerait en une seule bataille gagnée, Bradley a gaspillé des forces dans le Forêt de Hürtgen et en Lorraine. A la mi-décembre, beaucoup de divisions américaines sont fatiguées, voire à bout pour des régiments et des bataillons. Seule la Seventh US Army de Patch s’en tirera le mieux, grâce à une très bonne campagne des Vosges et d’Alsace. Mais là encore, Patch n’avait pas assez de forces pour constituer une tête de pont derrière le Rhin, assez forte pour gêner les plans d’Hitler. Eisenhower doit se l’avouer lui-même, il n’offrira pas la capitulation de l’Allemagne en cadeau de Noël aux Américains. Au lieu de cela, il devra faire face au dernier grand coup de dés d’Hitler sur le West-Front.

Sources :
– AUBIN N. : « La course au Rhin (31 juillet – 15 décembre). Pourquoi la Guerre ne s’est pas terminée à Noël », Economica, Paris, 2019
– COLE Col. H.M. : « The Lorraine Campaign », Center of Military United States Army, Washington DC, 1993

 

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