1 – SITUATION : PATTON FREINE !
– Patton ne poursuit qu’un seul objectif : franchir le Rhin et porter le fer en Allemagne. Mais pour cela, il faut que sa Third US Army franchisse la Moselle et la Seille, tout en dégageant la place de Metz, puissamment fortifiée par la 1. Armee allemande (Kurt von der Chevallerie). Mais, comme l’a montré Nicolas Aubin, les plans établis par l’état-major de la Third US Army (Koch et Gaffey) sont particulièrement brouillons et s’appuient sur des renseignements lacunaires. Ainsi, Harris W. Walker, commandant du XX Corps (5th et 90th Infantry Divisions ; 7th Armored Division), n’a qu’une connaissance parcellaire de la disposition des forts français qui ceinturent Metz. Mais Patton ordonne à Walker de prendre Metz, en espérant que la défense allemande ne sera que très faible. Mais les généraux américains déchantent très vite. Alors que le temps est exécrable – la boue cassant la mobilité du XX Corps – 2 divisions de Walker (la 5th d’Irwin et la 7th Armored de Silvester) établissent bien une tête de pont à Arnaville aux prix d’engagements coûteux. Mais les 2 divisions s’engoncent dans des combats d’attrition qui ne débouchent pas sur la percée escomptée au sud de Metz. Avec sa pince nord sérieusement émoussée, Patton ne peut espérer dégager Metz avant octobre. Comme le signale d’ailleurs Nicolas Aubin, l’allongement des lignes du « Red ball express » a certes été préjudiciable à Patton mais ce dernier disposait clairement des forces nécessaires pour prendre Metz. Mais il n’a pas su les utiliser, ni planifier une bonne attaque.
– Sur un plan plus opérationnel, il y a plus grave pour Patton. Premièrement, il lui manque le VIII Corps de Troy H. Middleton (3 divisions) qui est retenu en Bretagne pour faire tomber la Festung « Brest », Eisenhower souhaitant voir tomber le port breton pour l’automne*. D’autre part, 6th Armored Division (R.W. Grow), accourue de l’ouest de Bretagne, est encore sur les routes. Si Patton peut bien compter sur 3 Corps d’armées (XX, XII et XV) – lesquels adoptent une formation « triangulaire » à 2 DI et 1 DB – il lui manque une unité de réserve dont les forces pourront être intégrées dans le second échelon offensif. Or, ça n’est pas le cas. Le XX Corps de Walker est déjà englué devant Metz (et n’a d’autre issue que de prendre la place). Le XII Corps de Manton S. Eddy, l’un des meilleurs subordonnés de Patton (avec les 35th ID, 80th US ID et 4th Armored Div.) s’en sort mieux. Après une
planification soigneuse et en ayant intégré des unités de pontonniers dans ses unités d’assaut, Eddy a réussi à contourner Nancy par le sud (la ville est libérée le 15 septembre) et franchi la Moselle. Mais Eddy pertinemment sait que son fer de lance, la 4th Armored Division (J. « Tiger » Wood) ne pourra combattre indéfiniment et que son propre Corps ne pourra s’enfoncer vers les Vosges en restant isolé du XX. Eddy a beau avertir Patton et Gaffey, les ordres du patron sont clairs : pousser les Allemands vers le Rhin. Enfin, sur le flanc sud, le XV Corps de Wade H. Haislip (79th ID et 2e DB française) est dans le même cas qu’Eddy. Pour le moment, la 2e DB (P. Leclerc), flanquée de la 79th US Division (I.T. Wyche), progresse bien au nord du Canal Rhin – Marne et approche de Vittel et de Baccarat. Le 13 septembre, forte de l’appui tactique de P-47 « Thunderbolt », la 2e DB corrige la 112. Panzer-Brigade à Dompaire, ce qui lui permet d’approcher de Vittel et de Baccarat. D’autre part, l’aviation d’appui tactique (avec le très bon XIX US Tactical Air Command d’Elwood R. Quesada) ne pourra intervenir que partiellement en raison de la mauvaise météo, d’une part. Mais aussi parce qu’elle ne dispose pas d’assez d’aérodromes capables de concentrer les appareils. Les plus proches se trouvent dans la région de Reims.
Hasso Eccard von Manteuffel
2 – PLAN ALLEMAND POUR UNE CONTRE-ATTAQUE
– Après l’engagement presque désastreux de la 112. Panzer-Brigade contre la 2e DB française à Dompaire, la planification de la contre-offensive, contre le XII Corps US (Third US Army), voulue par Hitler et von Rundstedt – mais reportée par Blaskowitz – s’en trouve sérieusement affectée. Finalement, l’OKW choisit de la monter dans le secteur Saint-Dié – Rambervillers – Epinal, en coordination avec l’arrivée de la 113. Panzer-Brigade (von Seckendorf) depuis Sarrebourg. Sur proposition de Johannes Blaskowitz, la manœuvre doit consister en une attaque initiale pour sécuriser Lunéville comme base départ pour une avance sur Château-Salins.
– Au QG de l’OB West, Gerd von Rundstedt refuse de prendre la responsabilité d’un changement radical – même nécessaire – ans la conduite des plans d’Hitler. Le Feldmaréchal renvoie la requête de Blaskowitz au siège de l’OKW à Berlin. Vingt-quatre heures plus tard cependant, l’OKW accepte la demande du commandant du Heeres-Gruppe « G ». Par conséquent, la 19. Armee de Kurt von der Chevallerie – aux effectifs très réduits – est autorisée à raccourcir ses lignes par un repli de son flanc droit sur la ligne Epinal – Remiremont, afin de libérer totalement le XLVII. Panzer-Korps pour l’attaque dans le dispositif américain. La 11. PzD de von Wietersheim (qui a échappé à la Seventh US Army et aux FFI à Montélimar), qui se reconstitue et se renforce près de Belfort, est attribuée au XLVII. PzK par Hasso von Manteuffel pour donner du poids à l’offensive. En outre, les chars des 107. PzBr. (von Maltzahn) et 108. PzBr (Musculus) commencent à se placer en ligne. C’est Hitler qui a imposé à ses généraux cette unité d’un nouveau type, tirée de son imagination. Théoriquement, les Panzer-Brigaden sont une version réduite des Panzer-Divisionen jugées trop lourdes. Elles sont composées de 2 bataillons de Panzer (1 de PzKw IV et 1 de PzKw V « Panther ») et d’une unité antichar, avec des canons automoteurs StuG. Mais comme le signale Nicolas Aubin, elles ont été créées trop vite, avec des soldats sans expérience. Cela s’est révélé néfaste à Dompaire.

– D’autre part, Hasso Eccard von Manteuffel ne peut compter sur l’artillerie puisque la 19. Armee n’aligne plus que 165 canons contre 1 481 le 15 août. Von Rundstedt assure à von Manteuffel que le manque criant de bouches à feu sera compensée par un fort appui de la Luftwaffe mais cette promesse n’eut aucune suite. Moins reluisant, la 21. PzD (E. Feuchtinger) va devoir partir au combat avec ses régiments et bataillons de Panzergrenadier en sous-effectifs et avec un faible complètement de chars. De son côté, la 111. PzBr. arrivée à Rambervillers, a déjà perdu 11 Panther en raison d’attaques aériennes et de pannes mécaniques. Le 15 septembre, les deux Bataillons de chars sont bien arrivés mais il manque à la Panzer-Brigade sa compagnie de canons antichars. Le 16 septembre, l’OB West donne à Blaskowitz et à von Manteuffel de nouveaux détails sur la contre-offensive. Après délibérations, l’assaut ne doit pas avoir lieu APRES LE 18 SEPTEMBRE, soit un délai bien trop court pour attendre l’arrivée de la 11. Panzer-Division.
– Le premier objectif de von Manteuffel est de chasser les Américains de Lunéville. Cette ville reprise, la 5. Panzer-Armee pourra anéantir la tête de pont de Pont-à-Mousson et restaurer la ligne sur la Moselle. Sauf que pour suivre les directives de Berlin, von Manteuffel doit concentrer des forces affaiblies face à un ennemi puissant. Il envisage alors de lancer une attaque concentrique contre la 4th US Armored Division sur son flanc droit, le long de la rive nord du canal Rhin – Marne, pendant que son aile gauche doit s’emparer de Lunéville, sur le canal et donner un violent coup de poing dans le flanc de Patton. Le second objectif est attribué au LVIII. Panzer-Korps du General der Panzertruppe Walter Krüger, auquel est attribuée la 113. PzBr., ainsi que des éléments de la 15. PzGr-Div. La 113. PzBr. doit frapper dans les positions tenues par le Combat Command A de la 4th Armored Division en progressant dans un excellent terrain pour chars, compris entre le Canal Rhin-Marne et la Seille et doté de routes qui mènent à l’axe Nancy – Château-Salins. Mais le terrain le plus difficile se situe au centre de la 5. PzA avec des ponts détruits sur le Canal Rhin-Marne et des forêts. De son côté, la 15. PzGr.Div doit maintenir le contact avec le XLVII. PzK, sur la route Chanteheux – Lunéville. Avec les 111. et 112. PzBrn. ainsi que les restes de la 21. PzD, le XLVII. PzK doit tenir le flanc gauche de la 5. PzA avec un minimum de forces entre Rambervillers et Lunéville, tandis que son principal poing mécanisé (flanc droit) doit accompagner l’attaque du LVIII. PzK de Krüger.
– Cependant, au regard des effectifs qui lui sont attribués, Hasso von Manteuffel proteste et met en avant la faiblesse offensive de sa Grande Unité qui n’est pas capable d’attaquer de manière échelonnée. Il est en cela soutenu par ses deux chefs de Korps qui se montrent tout aussi dubitatifs quant aux chances de succès. Sans cesse accroché à son téléphone, Heinrich von Lüttwitz reçoit les rapports de ses divisions et brigades et fait remarquer à von Manteuffel et Blaskowitz que si l’offensive se déroule comme prévu, tout son flanc droit sur Moselle deviendra une « porte grande ouverte » pour Patton. Et Walter Krüger fait remarquer que ses forces d’assaut sont trop dispersées. La 15. PzGr.Div. (Eb. Rodt) –dont le Bataillon de Reconnaissance combat déjà à Lunéville – se rassemble à l’arrière du dispositif de la 5. Panzer-Armee. Enfin, si elle a pu rassembler tous ses PzKw IV, la 113. PzBr. n’a toujours pas regroupé son bataillon de Panther. En dépit des avertissements et récriminations de von Manteuffel, la 5. PzA reçoit néanmoins l’ordre de Blaskowitz et de von Rundstedt de se mettre en marche.
– Du côté américain, les unités mécanisées légère d’Eddy tentent de s’emparer de Lunéville. Le 15 septembre, les équipages de M8 « Greyhound » du 2nd Cavalry Group (Col. C.H. Reed tentent d’entrer dans Lunéville pour s’y faire chasser par le Panzer-Aufklärungs-Abteilung 115 (unité de reconnaissance blindée de la 15. PzGren.Div). Le 16, le 42nd Cavalry Squadron (J.H. Pitman) repart à l’assaut de l’ancienne cité du Roi Stanislas avec le Combat Command R de la 4th Armored Division (Col. W. Blanchard) tourne par le nord-ouest, forçant les Allemands à l’évacuer pour se réfugier dans la Forêt de Parroy, au nord-est. A ce moment, l’effet de surprise ne jouera pas en faveur des Allemands puisque le Colonel Reed apprend par la bouche de prisonniers que des Panzer se concentrent dans la région de Saint-Dié. Reed transmet aussitôt l’information à Eddy qui envoie des canons antichars à Lunéville.
2 – L’ASSAUT SUR LUNEVILLE (18 SEPTEMBRE)
– A l’aube du 18 septembre, par un temps brumeux qui muselle l’aviation alliée, Walter Krüger lance les quelques chars de la 113. Panzer-Brigade sur la route de Blâmont. A la fin de la journée, les quelques blindés de la Brigade tournent vers le canal. De son côté, après ses prédictions pessimistes, Heinrich von Lüttwitz se lance vers le nord le long de la Meuse avec 17 chars et les Panzergrenadiere de la 111. Panzer-Brigade. Pendant ce temps, les maigres effectifs de la 21. PzD reste en garde avancée de la Meurthe sur la Mortagne. Vers 07h00, la 111. PzBr. vient frapper les éléments avancés du 42nd Cavalry Squadron. Les Américains déploient rapidement 6 canons de 75 mm mais les obus ricochent sur les carapaces des Panther qui répliquent en allumant 3 pièces. Les Cavaliers américains combattent alors à pied et par petit groupe en s’en prenant efficacement aux Panzergrenadiere. Le combat dure alors quatre heures, accumulant le retard pris par les Allemands. Le Major Pitman est tué et le Col. Reed blessé. La défense est alors assurée efficacement par le Captain W.E. Potts, dont l’action permet au 2nd Cavalry Group de se retirer dans Lunéville et de prévenir le CC R.
– Durant l’après-midi, Blaskowitz intervient auprès de von Manteuffel pour lui stipuler de presser l’attaque pour prendre Lunéville. Le patron de la 5. Panzer-Armee décide alors de monter rapidement un assaut combiné avec la 111. PzBr. et les détachements de la 15. Panzer-Grenadier. Les unites mécanisées allemandes réussissent alors à repousser le CCR et le 2nd Cavalry Group dans la partie nord de Lunéville. En réponse à cette menace, Wood envoient le Combat Command A de la 4th US Armored Division (Col. Br. C. Clarke) derrière le canal Rhin-Marne, pendant qu’Eddy détache le CC B de la 6th Armored Division (Col. H. E. Dager) de se porter sur Lunéville. On peut également souligner qu’au niveau blindés, les Américains ne sont pas désavantagés, pas tant sur leurs matériels (le M4 Sherman étant toujours vulnérables face aux Panzer) mais sur la meilleure qualité des équipages et des cadres. Rodée par sa contribution à la percée d’Avranches, la division de « Tiger » Wood, maîtrise bien mieux le combat interarmes et les actions coordonnées, à base de Task Forces ou de Combat Commands. Les équipages américains maîtrisent aussi bien le tir à défilement de tourelle, notamment dans l’emploi des Tank Destroyers. Ils savent également tirer parti du brouillard pour mieux manœuvrer contre les flancs ennemis. Ce qui montre que les tankistes de Patton peuvent opérer sans une couverture aérienne tactique systématique, au contraire (N. Aubin).
– Revenons-en au champ de bataille. A 16h00, les premiers renforts arrivent avec le 603rd Tank Destroyer Battalion équipé de M 18 GMC « Hellcat », un chasseur de chars peu blindé mais qui pointe jusqu’à 88 km/h sur route. Cette unité est alors engagée avec efficacité dans des combats rapprochés dans Lunéville. Eddy déploie aussi le 183rd Field Artillery Group en couverture (4 bataillons d’artillerie avec pièces de 105 et 155 mm). Les bouches à feu américaines délivrent alors un feu destructeur qui force les Allemands à se replier au sud de Lunéville. A la tombée de la nuit, von Manteuffel ordonne à la 111. PzBr. de se replier sur Parroy.
Entre-temps, von Rundstedt expédie des orders supplémentaires à la von Manteuffel. Ainsi, l’attaque principale doit être déportée vers le nord-est, non plus vers Nancy mais sur Château-Salins. Mais l’exécution de ce plan est très vite contrecarrée par l’avance du XV US Corps d’Haislip sur la Moselle, ce qui vient confirmer les craintes d’Heinrich von Lüttwitz quant à la sécurité de son flanc gauche. Manteuffel reçoit alors le renfort de la 15. PzGren.Div pour assurer la défense du Canal Rhin-Marne à Einville. En retour, le LVIII. PzK reçoit la 111. PzBr. pour venir renforcer la 113. PzBr. dans sa marche sur Nancy. A Minuit, Manteuffel appellee Walter Krüger et lui ordonne avec sévérité et menaces d’attaquer en direction de Nancy quoiqu’il en coûte. A 06h00, la 113. PzBrig réussit à franchir le Canal pour prendre position à Bourdonnay, un peu plus de 7 km à l’est d’Arracourt, avant de pousser environ 15 km vers l’ouest (Champenoux) pour rejoindre les fantassins de la 553. VGD. Ensuite, Krüger doit attaquer sans attendre la 111. PzBr. pour franchir le canal et de se rabattre sur son flanc gauche. Mais cette offensive, que l’on peut voir davantage comme le fruit d’une pression de Berlin, fait fi du peu d’informations disponibles quant à la couverture aérienne américaine et à l’état réel des forces de la 4th Armored Division de Wood qui se tient entre Nancy et Krüger.
3 – LE COMBAT BLINDE D’ARRACOURT
– Le 18 septembre, peu avant minuit, les soldats surveillant les avant-postes du CC A près Lezey entendent le bruit de véhicules arrivant face à leurs lignes. Ils demandent alors un tir d’artillerie et les bruits de moteurs cessent. Le 19 à 07h30, un officier de liaison du CC A qui descend la route près de Bezange-la-Petite tombe sur une colonne blindée allemande mais réussit à s’échapper. Immédiatement, l’officier réussit à s’enfuir grâce à la brume matinale. L’officier en question informe alors immédiatement son supérieur, le Lieutenant.Colonel Creighton W. Abrams, commandant du 37th Tank Battalion qui se trouve à Lezey. Le même jour, un peloton de Sherman connaît un accrochage avec quelques Panzer dans les environs de Moncourt. A 00h30, Wood ordonne à ses officiers de reprendre l’avance. Le CC B de Dager doit avancer vers Saarbrück ; le CC A de Clarke doit quitter le secteur d’Arracourt pour le long de l’axe central du XII Corps (Morhange, Puttelange) et par les routes secondaires vers Sarreguemines. Les nouvelles des attaques contre Lunvéille ne contrecarrent que partiellement les plans d’Eddy et de Patton. Quant au CC R de Blanchard, il reçoit l’ordre de rester dans le secteur de Lunéville. Le Colonel Clarke rassemble alors le gros de son CC A autour d’Arracourt, environ 10 km au sud-ouest de Lunéville jusqu’à Chambrey (au sud de Château-Salins). A ce moment, les Américains n’envisagent pas que le LVIII. PzK fait route vers leurs positions depuis Sarrebourg, même si une trentaine de chars a été signalée par des observateurs à l’est de Lunéville.

– La 113. PzBrig, avec 42 Panther et le tout nouveau Panzergrenadier-Regiment 2113 placé en avant. Partie de Bourdonnay, l’avant-garde de ce groupement mécanisé arrive près de Ley après une marche nocturne réussie. Panzer et Panzergrenadiere poursuivent alors leur chemin sous le couvert du brouillard vers Bezange-la-Petite. L’engagement entre chars ne tarde pas. Si les équipages allemands n’ont rien à craindre des appareils américains restés à terre, en revanche, leurs audacieux adversaires n’hésitent pas à s’approcher au maximum pour réduire la distance de tir de leurs canons de 75 et 76 mm. L’attaque de la 113. PzBr se développe en une série de frappes consécutives effectuées avec des compagnies de Panzer, chacune appuyée par une section de fantassins. Mais en raison de l’inexpérience des soldats et des cadres, les attaques tournent en une suite d’engagements locaux, confus et mal coordonnés. Si les avant-postes du CC A sont facilement enfoncés, les groupes allemands se retrouvent ensuite pris sous les tirs des Tank Destroyers qui manœuvrent de flanc. La supériorité des Américains en matière de mobilité donne aux défenseurs un véritable avantage sur leurs adversaires. Pour exemple, un parti de Panther échoue à s’emparer de Lezey et se fait courser sur environ 2 km par 4 Sherman dirigés par le Captain Lamison. Résultat, quatre « fauves » allemands sont mis hors de combat. En fin de matinée, les Allemands tentent de contourner les positions américains en direction de Réchicourt-la-Petite. Mais ils sont encore accueillis comme il se doit par les bouches à feu et les chasseurs de chars américains qui leur infligent des pertes sensibles. Ainsi, le 704th TDB (W. A. Bailey) – avec des M 18 Hellcat – met 8 Panther hors d’état de nuire, forçant l’ennemi à rebrousser chemin. D’autre part, avec l’arrivée d’une compagnie supplémentaire de Sherman à Lunéville, le CC A peut lancer sa contre-attaque. 2 Compagnies blindées (Troops) du 37th Tank Battalion, emmenées par le Major William L. Hunter, s’avance au sud dans le secteur de Réchicourt-la-Petite et prennent une colonne blindée allemande de flanc. Résultat, 9 Panther supplémentaires sont détruits pour la perte de 3 Sherman seulement.
– A la fin de la journée le 37th TB d’Abrams réussit à repousser les Panzergrenadier à l’ouest de Moncourt et finit par se rassembler à Lezey, guidés par les carcasses de Panther qui achèvent de brûler. Ayant été informé de l’attaque de chars dans le secteur d’Arracourt, Patton se rend au PC de Jack S. Wood à Etain et après entretien, donne son accord pour que le CC A de Clarke avance vers Sarreguemines, appuyé par le CC R (L J. Storck) qui vient d’arriver à Lunéville pendant la journée. Pour les Américains, il n’y a pas raison de s’inquiéter davantage. Le CC A n’a-t-il pas perdu 19 hommes, 5 Sherman et 3 TD contre la destruction de 43 Panther flambant-neufs, selon les rapports ? Quoiqu’il en soit, la 5. Panzer-Armee de von Manteuffel n’a pas plus de succès en cette journée du 19 septembre. Attendue au nord du canal durant la matinée, la 111. PzBr. est volontairement mal dirigée sur sa route par un civil français et ne peut prendre contact avec la 113. PzBr. à Bures, ni renforcer les forces de Krüger ; d’autant plus qu’une partie de son parc blindé se trouve encore au dépôt. Pire encore, sa colonne de marche a subi des pertes matérielles et pris un sérieux retard à cause d’attaques aériennes américaines.
– Plus au sud-ouest, la situation est pire ou la ligne de sécurité formée par les restes des 21. PzD et 112. PzBr. sont malmenés par le XV US Corps. En plus au nord, la 15. PzGr.Div tente désespérément de verrouiller sa position comprise entre la Meurthe et Einville sur le canal Rhin-Marne. Ayant engagé la plus grande partie de ses forces, von Lüttwitz appelle von Manteuffel pour lui signifier qu’il n’a plus rien à envoyer sur son aile nord. De son côté, Johannes Blaskowitz se montre mécontent de la tournure des évènements et le signifie à von Manteuffel auquel il donne l’ordre de maintenir l’engagement du LVIII. PzK sans considération pour les pertes que l’unité a déjà subies. Walter Krüger consent à envoyer un patrouille blindée à l’est mais le gros de ses forces reste cantonné entre Ley et Bures, pendant que von Manteuffel s’efforce de persuader Blaskowitz de faire cesser l’attaque. L’officier expérimenté n’a pour toute réponse qu’une réprimande de son supérieur qui l’accuse de contrevenir à « l’esprit offensif » et lui ordonne de poursuivre l’attaque sur Nancy. Pendant la matinée du 20 septembre, le CC A démarre son attaque en direction du nord-ouest, laissant une compagnie du 37th TB près d’Arracourt afin de couvrir la concentration d’une force combinée comprenant le 320th Infantry Regiment, le CC R et le 602nd TDB (Lt.Col. Thomas J. Conlin) ; avec des M 18). Plus au nord, le CC B de Dager doit combattre dans le brouillard fin de nettoyer la route de Château-Salins, puis tente de progresser par de mauvais chemins lattéraux. A 11h30, la colonne de tête du CC A de Clarke atteint Hampont, avant qu’une seconde n’arrive devant Dieuze. Puis, « Tiger Jack » Wood apprend par radio que des chars ennemis sont rapartis à l’attaque contre Arracourt. Wood craint de devoir renvoyer une Task Force dans ce secteur mais il se rassure en apprenant que ce sont seulement 8 engins qui y sont impliqués. Le tir de barrage donné par les 155 mm du 191st Field Artillery Battalion et l’arrivée de chasseurs de chars vient conjurer définitivement la menace. Mais le Colonel Clarke décide de faire demi-tour son CC pour anéantir « une fois pour toutes » les éléments allemands restant dans ce secteur. Du coup, le Colonel Abrams rassemble près de Lezey 3 Troops de son 37th TB et 2 compagnies du 10th Armored Infantry Battalion, pendant que l’artillerie règle son tir. Après un bref mais intense combat, les Américains chassent la petite force commandée par l’Hauptmann Junghannis (Panzer IV et canons FlaK de 88 mm) qui se tient entre Ley et Ommeray mais éprouve plus de mal à nettoyer la Cote de Mennecourt et la Cote 241. Il n’empêche qu’à la fin de la journée, Abrams a réussi à sécuriser tout le secteur de Ley. Enfin, sur le flanc droit (sud) du CC A, le Major Kimsey et une petite force motorisée progressent le long du canal Rhin-Marne, détruisant 5 Panther à l’ouest de Bures, avant d’être repoussée par d’autres chars tirant à couvert. Cependant, à la fin de la journée Abrams réussit à s’emparer de Moncourt.

– Pour von Manteuffel, la prise d’Arracourt est le signe que les Américains ont dépassé Ommeray, ce qui signifie que les lignes de sa 5. PzA sont encore faiblement défendues. De son côté, reflétant l’opinion teintée d’irréalisme de Blaskowitz, le rapport du HG « G » critique l’attitude de la 5. PzA pour avoir fait preuve d’un comportement défensif. Manteuffel réplique en réclamant sa « liberté d’opération » pour contre-attaquer contre les colonnes motorisées américaines au lieu de lancer une plus vaste contre-attaque avec des effectifs réduits. Mais après la chute d’Ommeray, il est contraint de demander l’autorisation de repli pour le LVIII. PzK en Gulécourt et Lagarde, tout en consolidant son flanc sud en retirant le XLVII. PzK de von Lüttwitz en le positionnant entre la Forêt de Parroy et la Forêt de Mondon, ce qui permettra de raccourcir ses lignes.
– Hitler ordonne cependant de lancer une contre-attaque. Von Manteuffel doit s’exécuter mais en faisant preuve d’une coordination hasardeuse. Ainsi, la 559. Volksgrenadier-Division (K. von Mühlen), fraîchement rameutée du secteur de Thionville, doit attaquer sur Arracourt avec un Kampfgruppe de la 11. PzD. La contre-attaque démarre cahin-caha contre les éléments de la 4th Armored Division qui ont consolidé leurs gains. Le résultat ne se fait pas attendre ; les hommes de Dager et d’Abrams taillent les Allemands en pièce. Ceux-ci n’ont d’autre choix que de se replier sur Morhange.
– Un débat houleux éclate alors entre Johannes Blaskowitz et Hasso von Manteuffel ; le premier ordonnant de lancer une nouvelle contre-attaque, tandis que le second plaide pour un retrait général afin de verrouiller la jonction entre la 1. Armee et la 5. PzA. Mais alors que le CC B de la 4th Armored Division approche de Château-Salins et que le CC A progressent sur l’axe Morhange-Dieuze, Gerd von Rundstedt ordonne à la 1. Armee de rassembler ses réserves en vue de lancer une nouvelle contre-attaques depuis Delme. La 5. PzA, renforcée par la 11. PzD de von Wietersheim (dont les éléments avancés sont juste en train d’arriver depuis Sarrebourg), doit renforcer l’aile gauche de l’attaque vers le nord pour rejoindre la 1. Armee près de Moyenvic. Mais Blaskowitz n’aura pas le temps de monter ce nouveau plan. En effet, ulcéré que la « brillante victoire » tant attendue fut loin de s’être produite, Hitler en profite pour se débarrasser de Blaskowitz qu’il juge politiquement suspect. Le 21 septembre, le Führer nomme le Generaloberst Hermann Balck – en qui il a davantage confiance – à la tête du Heeres-Gruppe G, pendant que l’Oberst Friedrich von Mellenthin remplace le Generalleutnant Heinz von Gyldenfeldt à la tête de l’Etat-Major.
Du côté américain, la bataille d’Arracourt est une incontestable tactique. Les unités blindées américaines prouvent qu’elles savent faire aussi bien, voire mieux que les unités de Panzer. En revanche, cette victoire du tandem Eddy – Wood ne peut masquer un échec opérationnel : celui de Patton. En effet, si les XII et XV Corps ont avancé et corrigé les Allemands, le XX Corps n’a toujours pas dégagé Metz. En dépit de durs revers, les Allemands – aidés par la pluie et la boue – ont réussi à freiner Patton pour plusieurs semaines.

* La prise de Brest n’aura pas vraiment d’utilité. La mauvaise saison empêchant alors les convois partis d’Angleterre de franchir la Manche au large de la Bretagne.
Sources :
– AUBIN N. : « La course au Rhin (25 juillet – 15 décembre 1944). Pourquoi la Guerre ne s’est pas arrêtée à Noël », Economica, Paris, 2018
– McCOLE Col. H.M. : « The Lorraine Campaign », Center of Military History, Washington, 1993