Après Stalingrad, la Normandie et les Ardennes, Anthony Beevor s’est lancé dans la rédaction d’un récit détaillé de l’Opération « Market Garden », tragédie de l’histoire militaire britannique de la Seconde Guerre mondiale.
Appliquant sa traditionnelle méthode d’imbriquer destins personnels, anecdotes (Histoire par le bas) et sujets plus opérationnels, techniques et stratégiques (Histoire par le haut), Antony Beevor réussit à nous plonger dans les combats de Hollande pour le contrôle du Rhin. On regrette cependant qu’il ne nous détaille pas les raisons de l’abandon de l’Opération « Linnet » (abandon dû à la désobéissance de Bradley qui a voulu mener SA propre opération à Mons), lequel a incité Montgomery à lancer « Market Garden ». En revanche, A. Beevor explique très bien en quoi la nouvelle place acquise par les troupes aéroportées alliées s’est avérée être plus un handicap qu’un avantage opérationnel. L’auteur livre des lignes très intéressantes sur la planification précipitée par Montgomery (pas assez de parachutages sur les deux rives, manque d’avions et contrainte d’opérer plusieurs largages), lequel reste délibérément sourd aux avertissements des Hollandais et suscite, également, un net scepticisme dans ses rangs et chez les parachutistes américains. Mais « Monty » n’est pas le seul responsable. « Boy » Browning, Brian Horrocks, Lewis Brereton et d’autres officiers tiennent aussi les premiers rangs dans la tragédie. Et les généraux britanniques trouveront avantageux de gonfler la responsabilité des Polonais de Stanislaw Sosabowski dans l’échec du dégagement de la 1st Airborne Division à Arnhem.
A côté des ratées de la planification, Anthony Beevor montre très bien comment « Market » a vite tourné court en raison de la météorologie mais aussi, à cause d’une réaction allemande, bien menée par Model, Harmel et Harzer notamment. Réaction opérée avec des moyens limitées pour une armée que les Alliées jugeaient au bord de l’effondrement. La destruction de la division d’Urquhart fut ainsi une douche froide. Anthony Beevor n’oublie pas également de détailler chaque engagement, mettant en avant les forces et faiblesses de chacun, ainsi que l’admirable tenue du peuple hollandais. Lequel paiera très cher l’aide apportée aux alliés à l’hiver 1944-45. Comme à l’instar du film de Richard Attenborough « Un pont trop loin », le lecteur s’attache presque à certains personnages réels tels que John Frost, Joseph Vandeleur, James Gavin, Julian Cook, Kate Ter Horst, « Shan » Hackett et bien d’autres anonymes, soldats alliées et néerlandais.
« Arnhem » est donc construit comme un journal historique. Très bien écrit, il conviendra amplement à tous ceux et celles qui veulent en savoir davantage sur le dernier sanglant coup de frein infligé aux Anglo-Américains par la Wehrmacht.
Jean-Philippe Renault