Armées, stratégies et tactiques dans « Star Wars » – Partie 2

SECONDE PARTIE : CONDUITE DE LA GUERRE ET COMMANDEMENT

– A première vue, le schéma de commandement dans l’univers « Star Wars » semble être simplement classique : autorité supérieure (Empereur, Chef rebelle – Généraux – Officiers – Soldats et pilotes). Mais à y regarder de plus près, aussi manichéen soit-il, le schéma des civilisations de l’univers créé par George Lucas est plus complexe qu’il y paraît.

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– Tout d’abord, basées sur un schéma binaire « Bien contre Mal », les histoires de la Saga voient des armées démocratiques ou insurgées combattre ce qui s’emble s’apparenter à des régimes totalitaires (Empire) ou « sécessionnistes tyranniques ». Cependant, chacun de ses systèmes n’est absolument pas parfait. La République galactiques que nous connaissons par les films est moribonde, minée par la corruption et par la défiance (« La menace fantôme » ; « L’attaque des Clones ») et glisse vers un pouvoir despotique (« La revanche des Sith »). De son côté, bien que totalitaire, l’Empire de Palpatine conserve une structure de commandement verticale apparemment bien ordonnée mais qui ne se départit pas d’une composante « féodale » et clientéliste, avec Dark Vador qui tient le rôle d’ « officier politique supérieur » s’immisçant dans les coursives des vaisseaux impériaux et usant sans aucune scrupule de l’étranglement punisseur. Chez les défenseurs de la Liberté, la Rébellion que conduit Mon Mothma – transposition de la démocratie républicaine en taille réduite – doit tenir compte des avis de chaque représentant qui compose son Conseil. Et les divergences ne manquent pas comme le montrent très bien « Rogue One » comme les romans de Timothy Zahn et Mickael Stackpole, bien que ces derniers se déroulent après « Le Retour du Jedi ».

– Je vous propose de voir, dans cet article, les différentes structures de commandement sur l’appui de schémas. J’informe les lecteurs. Chacun des schémas est issus d’une synthèse et d’une analyse strictement personnelle de ce qui apparaît dans les films et les livres.

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1 – LA CSI : « UNION DE CLANS » ET DOOKU PRESQUE TOUT PUISSANT

– Avec la CSI, une chose est simple : Dark Sidious tire les ficelles et décide. Grâce à sa maîtrise du côté obscur, il est en mesure d’imposer sa vision aux représentants de la CSI qui n’osent pas remettre en cause ses décisions. Pour asseoir son pouvoir, Palpatine sait également jouer des potentiels divergences de vue et désaccords qu’il peut exister entre les différents membres de la Confédération des Systèmes indépendants. Tout en sachant que chaque « clans » a besoin de l’autre. Ainsi, les Muuns du Clan Bancaire ont besoin de l’industrie du Technosyndicat mais lui fournit l’argent nécessaire à la construction de Droïdes (1). Ensuite, Dark Sidious confie la direction de la stratégie et de la guerre au Comte Dooku (hommage à Christopher Lee) qui ne répond que devant son maître. Et Sidious – qui ne doit pas trop s’exposer au vu de sa double identité – a besoin de ce guerrier retors, rusé, cynique et cruel qu’est Dooku. Ce dernier joue bien entendu le relais de son maître auprès des représentants de la CSI et de l’Armée, tel un officier de liaison aux pouvoirs étendus. Enfin, Dooku transmets les ordres (émanant des décisions de Sidious) aux Généraux de la CSI (tels Grievous et Trench), bien que Sidious peut aussi leur donner directement des ordres.

– Au niveau des opérations de conquête ou de défense des systèmes, Grievous conduit les flottes et armées au combat. Mais comme nous sommes dans des armées de droïdes dont l’autonomie est limitée, Grievous – comme le Harch Trench visible dans « Clone Wars » – doivent coordonner les opérations tactiques (spatiales et terrestres) à partir des vaisseaux et suivant les données implantées dans les droïdes et les machines de guerre lourdes. Et les opérations tactiques sont souvent confiées à des droïdes de commandement dont la tâche est préalablement formatée.

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2 – L’ARMEE RÉPUBLICAINE : LES JEDI COMME MOTEURS

– Comme il a été montré dans l’article précédent, quand le Sénateur Palpatine accède au Poste de Chancelier, l’Armée des Clones a été créée. Mais seulement, si les clones disposent déjà d’une hiérarchie militaire (officiers subalternes – sous-officiers – soldats/pilotes), il manque des stratèges. Du coup, fort de son expérience de manœuvrier politique, Palpatine s’empresse de nommer des officiers de la sécurité et du renseignement républicains à des postes clés. C’est le cas du Commandant Wulff Yularen (développé dans « Clone Wars » et présent dans « Un nouvel espoir ») qui doit sa carrière au Chancelier. Issu du renseignement, Yunarel est bombardé commandant d’escadre mais vite épaulé par Anakin Skywalker dont il devient proche. L’exemple du futur Grand Moff Wilhuff Tarkin est aussi éloquent, brillant officier à ses début mais aussi rejeton d’un Sénateur influent de la planète Eriadu. Ce sont les deux exemples que l’on connaît. Mais l’Armée Républicaine manque de cadre, en dépit de l’apport d’officiers de plusieurs planètes mais en grande partie des humains venant notamment de Chandrilla, Eriadu ou Corellia (généralement des mondes du noyau). Pour diriger l’Armée Républicaine et les opérations, Palpatine n’a d’autres recours que de faire confiance à l’Ordre Jedi fort de son expérience en matière d’interventions de pacification. Les Jedi sont des « policiers » de la Galaxie doublés de diplomates qui doivent se transformer rapidement en généraux et stratèges. Cela explique pourquoi, des Maîtres Jedi comme Yoda, Mace Windu, Obi-wan Kenobi, Oppo Rancisis, Saesee Tin, Plo-koon, Eeth Koth etc. se voient confier le commandement d’armées ou la planification-coordination d’opérations majeures. La Force aidant bien sûr à flairer les dangers ou les opportunités. Du coup, pendant « La Guerre des Clones », les Jedi seront autant des stratèges et tacticiens que des diplomates. Les officiers républicains pouvant difficilement se passer de leurs conseils. Cependant, comme le dit bien le VLOG « Parlons Star Wars », en matière d’opérations et de tactique, les Jedi n’ont pas encore l’expérience pour mener au combat une armée de masse, ce qui expliquera – comme nous le verrons – la victoire inachevée de la première bataille de Geonosis. Mais quand Palpatine éliminera l’Ordre Jedi, l’Armée Républicaine aura gagné en expérience et disposera déjà d’un corps d’Amiraux et de Généraux aguerris.

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3 – L’ARMEE IMPÉRIALE : UNE HIÉRARCHIE ET UNE ORGANISATION PERTURBÉES PAR DARK VADOR ET L’ENTRETIEN DES RIVALITÉS

– Allez, osons une comparaison provocatrice, quitte à être traité d’iconoclaste, philofasciste, procomuniste et que sais-je encore…. La direction de l’Armée impériale de « Star Wars » ressemble en plusieurs point à celui de la Werhmacht nationale-socialiste et en plusieurs points à celui de l’Armée Rouge de Staline.

– Premièrement, à première vue, l’Armée impériale est un système bien hiérarchisé et bien organisé. L’Empereur – chef suprême de ses armées – décide de la stratégie dont il charge l’exécution au Grand Moff Tarkin (hommage au très bon acteur qu’était Peter Cushing). Celui-ci dirige ensuite les travaux du Conseil des Moffs, soit un grand état-major qui centralise et coordonne l’ensemble des opérations contre les rebelles. Une sorte de pendant galactique à l’OKW mâtiné de STAVKA. Apparemment puissant, le Conseil des Moffs a la haute main sur les questions des opérations de répression comme des opérations contre les Rebelles. Ce qui inclut le Renseignement et le gouvernement « civil » des systèmes et planètes de la Galaxie. De nature militariste et en guerre perpétuelle, l’Empire galactique subordonne l’administration à l’Armée. Du point de vue des Opérations, Tarkin – suivant les travaux de planification du Conseil – confie les opérations aux Amiraux. Apparemment, ce système fonctionne assez bien quand on regarde « Un nouvel espoir ».

– Cependant, vous serez d’accord pour dire que l’Armée de Palpatine est l’instrument militaire d’un système totalitaire. Or, dans tout système totalitaire, l’Empereur fait en sorte qu’aucun de ses grands officiers ou commis ne vienne lorgner de trop près sur son impérial siège. Pour cela, il joue parfaitement sur les rivalités et les frustrations qui rythment la vie des cercles des officiers supérieurs. Chaque grand Moff, Tarkin en premier, doit son ascension à Palpatine et se garde bien de provoquer la toute puissance de l’Empereur. Plus que dans l’épisode IV, on le voit bien dans « Rogue One » où Tarkin prend un malin plaisir à humilier Orson Krennic et à lui confisquer la direction de l’Etoile Noire. Et ce, alors que Krennic fut le principal artisan de la naissance du monstre orbital. Ensuite, à l’instar de sa protégée Dalla, Tarkin s’emploie à placer ses hommes-liges à des postes clés, afin de mieux se couvrir face à ses rivaux. D’autre part,à l’instar de leur Maître, les Moffs n’ont aucun scrupule à entretenir un réseau de clientèles planétaires sur lesquelles ils peuvent s’appuyer au cas échéant. A côté d’une structure rigide et en apparence bien organisée, la hiérarchie militaire impériale fonctionne selon un comportement quasi-féodal, avec l’Empereur comme suzerain suprême dont il faut s’attirer les faveurs ou, au pire, ne pas s’attirer le courroux.

– Enfin, comme le montre la Trilogie consacrée à Yan Solo, ce système de commandement hiérarchique ne peut empêcher les menées personnelles et la quête de profit. Ainsi, profitant de l’éloignement géographique que lui donne le commandement du secteur de Nar Shaddaa, le Moff Sarn Child se verrait bien tailler des croupières à Palpatine en se constituant une sorte de proto-état dont il serait le chef, après avoir mis fin aux activités des contrebandiers et imposer un chantage économique aux deux principaux clans Hutt (Besadji et Desilijic). Mais peu dupe, Palpatine trouvera un stratagème retors pour neutraliser son rival. Pouvant influencer la pensée à distance (on peut y voir une forme de guerre psychologique) l’Empereur insuffle à Sarn Child une frénésie belliciste que son entourage ne lui connaît pas. L’Empereur pousse ainsi Child à aller le plus loin possible dans son raisonnement précipitant son offensive contre les contrebandiers. Résultat, le Moff perd tout au change et est contraint au suicide pour sauver ce qui lui reste d’honneur.

– Les menées politiques de certains Moff et Amiraux sont parfois couplées ou recoupées avec la corruption. Ainsi, toujours dans l’un des livres d’Ann C. Crispin consacrés à l’histoire d’Yan Solo, l’Amiral Greenlanx accepte des présents de la cheffe Hutt Jiliac (la tante de Jabba) pour faire échouer sa propre offensive (décidée par Sarn Child !) contre les contrebandiers. L’appât facile du gain pousse Greenlanx à accepter (contre la volonté de son propre supérieur !) et l’offensive échoue, comme voulu. Mais l’Empereur l’apprend et envoie Dark Vador sermoner Greenlanx. L’entrevue se termine comme il se doit, par un étranglement. Yan Solo étant dissimulé dans un placard à ce moment là…

– La mort de Tarkin lors de la Bataille de Yavin IV entraîne un profond changement dans le « leadership » de l’Armée impérial. Jusque-là (et l’épisode IV le montrait bien), Tarkin avait une autorité sur Dark Vador, lequel se gardait bien de vouloir se débarrasser du Grand Moff, intouchable aux yeux de l’Empereur. Tarkin disparu, Dark Vador prend de l’importance comme le montre « L’Empire contre-attaque ».  Or, sans détailler les faits d’armes du méchant iconique (les films le montrent très bien), Vador devient une sorte de « super homme de main » de l’Empereur. Déjà, c’est lui que Palpatine envoyait « réprimander » (traduction « éliminer ») les officiers corrompus et ceux jugés incapables (3). Or, dans « L’Empire contre-attaque », Dark Vador se prive encore moins de le faire, marque d’une véritable omnipotence, seulement limitée par l’Empereur. Or, dans les films ou l’Univers étendu, le rôle de Dark Vador se démultiplie, jusqu’à confondre les charges d’homme de main, stratège, tacticien, expert en répression etc.

– Or, la chape de plomb que fait peser Vador sur le Corps des officiers impériaux crée une véritable sclérose dans les rangs des gradés. De peur de terminer sa carrière dans un étranglement, les Amiraux et Généraux préfèrent ne plus prendre d’initiatives qui déplairaient. Dans « Le retour du Jedi », par exemple, l’Amiral Piett ne semble vouloir répondre qu’aux ordres du Seigneur noir. Le risque minimum.

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4 – L’ALLIANCE REBELLE : COMMENT MENER UNE GUERRE « DÉMOCRATIQUE »

– Mise au point s’impose tout d’abord. L’image iconique la Princesse Leia (pensée pour Carrie Fisher) en a quelque peu fait la dirigeante de la Rébellion. Mais celle qui est l’artisane de la construction de l’Alliance rebelle et sa cheffe légitime n’est autre que Mon Mothma, épaulée par Bail Organa. Elle apparaît dans « Le retour du Jedi » mais les lecteurs des romans de Timothy Zahn la connaissent bien. Enfin, elle a un rôle beaucoup plus étoffé dans la série « Clone Wars » mais surtout dans « Rogue One », où la dimension solennelle et l’intégrité du personnage.

– Mon Mothma dirige une alliance politique et militaire. On pourrait dire une coalition. Or, dans une guerre, il n’y a pas plus difficile à diriger qu’une coalition étant donné que les intérêts des peuples alliés peuvent différer. Certains seront clairement bellicistes et d’autres plus prudents. Dans « Rogue One », on voit bien les dissensions existantes entre les représentants pour savoir s’il faut poursuivre le combat après la découverte de l’Etoile Noire. Pour ne pas détruire une alliance imparfaite, sinon fragile et ne pas perdre sa légitimité, Mon Mothma doit renoncer à attaquer Scariff. Mais dans une mission suicide, Cassian Endor, Jyn Erso et une petite équipe de rebelle décident d’aller arracher les plans de la station orbitale dans le centre d’archives impériales. Mis devant le fait accompli, Mon Mothma laissera l’Amiral Raddus et le Général Merrick envoyer une flotte pour aider le groupe de commando. Et le prix sera cher payé comme on peut le constater à la fin de « Rogue One ». Mais dans les ouvrages de Mickael Stackpole consacré à l’Escadron Rogue, on voit clairement les dissensions qui existent entre Mon Mothma (appuyée par l’Amira Ackbar) et le Sénateur bothan Borsk Feyl’ya. Ce dernier, estimant que son peuple a payé un lourd tribut en œuvrant pour le Renseignement rebelle, s’emploie à contrecarrer toutes les décisions de Mon Mothma par des intrigues et des coups bas (4).

– On le voit, chez les Rebelles, toute décision stratégie et opérationnelle est examinée, puis approuvée ou rejetée par le Conseil de l’Alliance par un vote majoritaire. Mon Mothma ne veut pas ainsi être accusée de despotisme par ses alliés en prenant des décisions unilatérales. La Sénatrice de Chandrilla, acceptant la limitation de son pouvoir, tient à maintenir une respiration démocratique au sein de l’Alliance rebelle. Cependant, elle a le droit de donner des instructions directes pour la coordination entre les réseaux de résistance, comme c’est écrit dans un épisode de la « Trilogie d’Yan Solo » (5). Enfin, si l’Alliance approuve ses projets opérationnels (établis en consultation avec l’Armée), elle passe les ordres à l’Amiral Ackbar (Flotte) ou au Général Crix Madine (Opérations spéciales). A ces deux personnages ensuite de diriger les Opérations.
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– Dans ce cas précis, Ackbar et Madine disposent d’une réelle autonomie dans la limite de leurs attributions. En aucun cas, les généraux de l’Alliance ne peuvent prendre une décision sans l’ordre de Mon Mothma et donc, sans l’aval du Conseil. En revanche, la nature même de la Rébellion ou chaque réseau/flotte/unité a été poussée à agir isolément, semble avoir renforcé la capacité d’action autonome. Que ce soir dans « Rogue One » ou « Le Retour du Jedi », Raddus et Ackbar montrent des qualités de chefs savant improviser sans en référer à l’autorité politique. Ce qui n’est pas le cas des officiers impériaux, corsetés par l’ombre de Dark Vador.

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1) LUCENO J. : « Dark Plagueis », Pocket, 2016
(2) « Parlons Star Wars », « L’Armée de la République »
(3) Crispin A.C. : « Le gambit du Hutt » in « La trilogie d’Yan Solo », Fleuve Noir, 2001
(4) Lire STACKPOLE M. : « L’Escadron Rogue » (trilogie) et ZAHN Th. : « La croisade noire du Jedi fou », Fleuve Noir
(5) CRISPIN A.C. : « L’aube de la Rébellion » in « La trilogie d’Yann Solo », Fleuve Noir, 2001

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