Durant la dernière phase des combats de 1918 que l’on dénomme « Bataille de la Sambre », la Division Néo-Zélandaise se retrouve devant un obstacle d’un nouveau type pour elle : la Forteresse du Quesnoy bâtie durant le règne de Louis XIV sous la direction du Marquis de Vauban. Or, la prise de la ville par la Third Army britannique est nécessaire pour déboucher en direction de la Sambre. La résistance allemande s’annonçant plus vigoureuse, les Néo-Zélandais d’Andrew Russell vont faire preuve d’une remarquable adaptation, couplée à une bonne vitesse d’exécution.
– Peuplé de 5 000 habitants avant le déclenchement de la Guerre, Le Quesnoy reste occupée par les Allemands. Située en zone de repos pour les troupes allemandes, la ville voit son importance s’accroître sur le plan des opérations en 1918, puisqu’elle couvre Maubeuge par l’ouest, ainsi que les cours de l’Ecaillon et de la Rhonelle. De plus, la ville est située sur la voie ferrée Valenciennes – Maubeuge. Par conséquent, prendre Le Quesnoy devient un impératif tactique.
– Mais la défense de la ville est facilitée par la citadelle érigée par Vauban, située en plein centre à l’emplacement d’une ancienne motte médiévale et qui enserre une partie des habitations. La citadelle se présente avec un plan en étoile, comprenant des bastions indépendants. Et les fortifications sont protégées par des douves mais celles-ci sont généralement asséchées. Mais le danger réside dans configuration architecturale de l’édifice qui permet d’effectuer d’efficaces tirs croisés. Enfin, les murailles de briques sont hautes de 15 m environ et coiffées par des petites buttes de pelouse. Et outre les mitrailleuses, les Allemands disposent également de Minenwerfen (1). La puissance de l’Artillerie britannique pourrait largement venir à bout de la défense allemande mais un puissant tir de préparation risquerait de tuer et blesser des civils, ce que les Britanniques veulent éviter. Par conséquent, la prise du Quesnoy ne peut relever que de l’Infanterie, appuyée par de l’artillerie de campagne, des mortiers et des mitrailleuses.
– Le 4 novembre, la New-Zealand Division arrive devant Le Quesnoy. Rappelons que cette division est considérée comme l’une des meilleures du BEF. Son commandant, le Major-General Andrew Russell confie la prise du Quesnoy et de la citadelle à la 3rd New-Zealand (Rifle) Brigade du Brigadier Herbert Hart. Le témoignage de ce dernier rapporte comment les Néo-Zélandais s’y prirent pour investir Le Quesnoy: « l’ennemi se tient sur de fortes positions devant la ville et ancrées sur la ligne de chemin de fer qui traverse l’ensemble du front. Il fallut donc emporter la première ligne de défense avant d’atteindre la ville. Ce premier effort nous permit de capturer 700 prisonniers. Chaque bataillon procédé ensuite à l’investissement de la ville qui fut entièrement encerclée à 08h00 et nos hommes manoeuvrèrent de position en position, en se servant des rangées d’arbres et des bâtiments comme écrans. L’avance de nos soldats était également couverte par le feu de notre artillerie de campagne qui effectuait un tir tous les 29 mètres ; tir couplé à celui de 12 mortiers moyens de 6in et de 16 mortiers légers de tranchée, avec l’utilisation d’obus fumigènes contre les remparts. » Herbert Hart ajoute également qu’une première tentative « d’escalader la muraille en utilisant un arbre abattu se solda par un échec. Un message demandant aux défenseurs de se rendre fut également lâché par avion mais sans incidence sur la décision des défenseurs » (2).
– Du coup, comme l’explique l’historien britannique Peter Hart, les Néo-Zélandais sont contraints de revenir à des techniques d’attaque héritées de la vieille guerre de siège. Ainsi, Herbert Hart fait concentrer une importante puissance de feu en armes légères pour saturer les murailles de feu. L’idée se révèle heureuse puisque le tir des Allemands faiblit. Cela donne alors l’occasion au Second Lieutenant Leslie Averill, Intelligence Officer (officier du renseignement) de la 3rd NZ (Rifle) Brigade de trouver un chemin pour s’attaquer aux remparts. Averill trouve un endroit (au niveau du pont de pierre) pour placer une échelle (fournie par les NZ Engineers) de 9 de haut environ afin d’escalader les remparts. Averill revient alors faire son rapport, pour repartir ensuite vers la forteresse, avec la section du Second Lieutenant H.W. Kerr. Couvert par le feu d’une Lewis Gun qui arrose le parapet, Kerr réussit à placer l’échelle à l’endroit repéré par Averill. Celui-ci gravit les remparts le premier et atteint le sommet recouvert d’herbe. Suivi par Kerr et la section, Averill, Kerr et l’ensemble de la section investissent alors la forteresse et tombent sur un parti d’Allemand qui se rend compte que la défense est percée. Du coup, toute la garnison, soit 1 000 hommes, se rend. 1 600 civils français, principalement des femmes, des enfants et des personns âgées, accueillent leurs libérateurs Néo-Zélandais dans une joie non contenue, comme le rapporte le Brigadier Hart.
– Durant la journée, la New Zealand Division remporte aussi un autre succès en dégageant la Forêt de Mormal. Ces deux succès cumulés permettent aux Néo-Zélandais de capturer 2 450 prisonniers et de mettre la main sur 60 pièces d’artillerie. Mais la victoire est endeuillée par la mort du Major Hugh McKinnon, commandant du 2nd Wellington Regiment adoré de ses soldats. Il aurait été tué d’un éclat d’obus mais quand les Néo-Zélandais ont découvert son cadavre, ils découvrirent qu’il a été dépouillé de ses effets personnels. McKinnon avait connu tous les combats de son régiment, depuis Gallipoli à la victoire de l’automne 1918, en passant par la Somme, Messines et Passchendaele. Après avoir survécu à la mort plusieurs fois, McKinnon fut tué une semaine avant la fin de la guerre, comme un mauvais coup du sort.
(1) HART P. : « The last Battle. Victory, defeat and the end of World War I », Oxford University Press, 2018
(2) HART P., Op. Cit.