La victoire du Mont de Saint-Quentin et la libération de Péronne (31 août – 1er sept. 1918)

– Considérée comme l’aboutissement tactique et technique des troupes australiennes, la victoire du Mont de Saint-Quentin s’inscrit d’abord dans une phase opérationnelle qui suit la victorieuse offensive du 8 août. Tout d’abord, dès le 11 août, Ferdinand Foch demande à Haig de poursuivre son offensive en direction de Péronne et Chaulnes afin de franchir le bras supérieur de la Somme, en vue de bondir par la suite sur la « Ligne Hindenburg » (« Siegfried Stellung » pour les Allemands). Pendant ce temps, les forces françaises attaqueront depuis le cours de l’Oise en direction de Laon et Saint-Quentin (Offensive du 17-20 août).
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– Malgré la prime colère de Henry Rawlinson (commandant de la Fourth Army) qui estime que « Foch n’est pas censé commander à l’Armée britannique » (1), Douglas Haig se montre coopératif et accepte de lancer une série d’offensive pour dégager directement le Pas de Calais et la Picardie. A la Fourth Army, il ordonne d’atteindre le bras supérieur de la Somme qui forme le dernier obstacle naturel avant le Canal du Nord. Simultanément, la Third Army de Sir Julian Byng attaquera à l’est d’Arras en direction de Bapaume et de La Bassée.

– John Monash, le talentueux et efficace commandant del’Australian Corps, reçoit l’ordre de traverser la Somme à hauteur du Mont de Saint-Quentin, une éminence de 100 m d’altitude qui permet aux Allemands d’observer la région de Péronne et donc, de régler leurs tirs d’artillerie. De plus, le mont est couvert à l’ouest par une région marécageuse, difficile à franchir. Ce secteur facilement défendable doit cependant tomber afin de maintenir la pression offensive sur les Allemands. Cependant, les troupes australiennes commencent à accuser une certaine fatigue après avoir battu et poursuivi les Allemands dans la Santerre durant près de trois semaines et ramassé  plus de 13 500 prisonniers (2). Pour aller vite, John Monash confie l’assaut  à la 2nd Australian Division de Charles Rosenthal qui doit simplement attaquer de front, sous le couvert d’un puissant appui en artillerie, notamment de batteries de campagne (Field Artillery). L’assaut des troupes de Rosenthal sera appuyé par la 3rd Australian Division (John Gellibrand) qui progressera au nord sur Allaines, puis par la 5th Australian Division (John Talbot-Hobbs) qui attaquera Sainte-Radegonde au sud. Les trois divisions se regroupent alors à Halles et Cléry-s/-Somme (3).

– En face, les Allemands se particulièrement bien retranchés dans un réseau défensif savamment élaboré, avec tout un réseau de tranchées et d’abris. Mais les unités du LI. Armee-Korps d’Eberhard von Hofacker (II. Armee) – soit les 5. Königlich-Bayerische-Division, 21. Infanterie-Division, 1. Reserve-Division et 119. Infanterie-Division – qui l’occupent sont sérieusement amenuisées et ont vu leur moral bien ébranlé. D’autre part, si les Allemands ne manquent pas de mitrailleuses, ils commencent à manquer sérieusement de fantassins. Le secteur du Mont de Saint-Quentin est placé sous l’autorité du tout nouveau Grupppe « von Böhn » (Max von Böhn) qui regroupe les II. Armee (G. von der Marwitz), XVIII. Armee (O. von Hutier) et IX. Armee (A. von Carlowitz) et qui est censé défendre l’accès à la « Ligne Hindenburg ». Mais là encore, avec des moyens fort limtiés.

– La première attaque frontale contre le Mont de Saint-Quentin a lieu le 30 septembre. Les unités de la 2nd Australian Division doivent alors traverser la zone de marécages qui barre l’accès au mont mais ils sont très vite pris sous le feu des mitrailleuses allemandes de la 21. ID (K. von Wahlen-Jürgass). Comportant déjà un sérieux risque dans sa planification, l’attaque échoue. Mais John Monash fait encore montre d’une réelle souplesse et d’une capacité d’adaptation aux circonstances. Après avoir récolté des renseignements, il remarquer qu’il y a une zone moins bien défendue au nord-ouest du Mont, dans le secteur de Feuillancourt. Il ordonne alors à Rosenthal d’expédier plusieurs bataillons par ce chemin avant de relancer l’attaque au petit matin du 31 août. Simultanément, les deux autres divisions maintiendront leur pression. Autre marque notable de la capacité d’adaptation des troupes australiennes, l’Infanterie – qui compte déjà des fusils lance-grenades en bon nombre – sera appuyée par des équipes de servants de mortiers Stokes et de mortiers de tranchées. Monash a ordonné à ce que les soldats qui partiront au combat reçoivent une rasade de rhum avant l’assaut et non pas après comme il était de rigueur.
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– Dans la nuit du 30-31 septembre, les unités désignées par Rosenthal, soit les 21st et 23rd Australian Battalions de la 5th Australian Brigade (centre), appuyés par des mitrailleurs d 2nd Machine Gun Battalion (1 340 hommes en tout) s’approchent sans bruit des pentes occidentales du Mont. Pendant ce temps, les bataillons placés à droite font un maximum de tapage pour distraire les Allemands. Le 31 septembre à 05h00, l’assaut est déclenché avec une coordination minutieuse un puissant appui d’artillerie (5 Field-Artillery Brigades et 4 Heavy Artillerie Brigades*). Progressant derrière le barrage roulant, les Australiens qui progressent en sections qui interagissent entre elles, contournent chaque abri allemand qui est neutralisé à l’aide des fusils lance-grenades et les mortiers Stokes. Suivant un ordre de Monash, les Aussies poussent des cris de Bushrangers**. Les Allemands sont complètement surpris et à 07h00 du matin, les Australiens contrôlent le sommet du Mont et capturent 700 soldats allemands appartenant à la 21. ID et au Grenadier-Regiment Nr. 2 « Kaiser Wilhelm ». Toutefois, en l’absence de soutien direct, les « Aussies » ne peuvent aller plus loin. Pendant ce temps, le Génie australien s’active pour remettre un pont sur la Somme en étant pour envoyer des renforts. Toutefois, les généraux allemands ordonnent de reprendre le Mont de Saint-Quentin par une contre-attaque en cours de journée. Von Hofacker lance plusieurs assauts avec ce qui lui reste de valide. Les Australiens perdent temporairement le sommet du Mont mais le reconquièrent très rapidement. Finalement, les Allemands échouent dans leur tentative de reconquête.

– Le 1er septembre, après avoir regroupé ses forces, John Monash ordonne à Charles Rosenthal de regrouper ses forces et de marcher sur Péronne. Aussitôt dit, la 2nd Australian Division investit la ville, tandis que ces deux « consoeurs » libèrent Sainte-Radegonde et Allaines après de violents engagements. Péronne est libérée le jour-même. 3 000 Australiens ont été tués ou blessés en deux jours de combats mais les Allemands y laissent beaucoup d’hommes dont 2 500 prisonniers. Le lendemain, John Monash adresse un vif message de félicitations à Rosenthal pour la manière dont il mena l’attaque. Modestie quand on sait qu’il y est pour quelque-chose (4).

* Brigades d’Artillerie lourde : ces formations puissantes regroupaient des batteries de 2 à 3 pièces dont les calibres étaient de 60-pdr, 6-inch ou encore 9.2-inch.
** Littéralement les « coureurs du Bush »


(1) NOTIN J-Ch. : « Foch », Perrin, Paris, 2009
(2) « Mont St Quentin and Péronne : Australian Victories » in Australian War Memorial (Site web)
(3) FOUQUET V. : « Le Mont Saint-Quentin, un haut lieu historique » in Le Courrier Picard, édition du 7 août 2018
(4) « Mont St Quentin and Péronne : Australian Victories » in Australian War Memorial (Site web)

 

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