A Jules Aoustin, Louis Blanchard et Louis Renault, trois poilus de la Grande Guerre dont je n’ai pu entendre les souvenirs.
En ce mois de juillet 1918, le rapport de force sur le Front de l’Ouest a basculé en faveur des Alliés. Même s’ils se sont faits peur en mars, avril et mai, Français et Britanniques ont cédé du terrain mais ont réussi à empêcher les armées de Guillaume II de remporter un succès stratégique. Mais cela, Erich Ludendorff ne semble pas le voir. Comme l’a bien expliqué Sylvain Ferreira, se bornant à une approche purement tactique de la Guerre, l’homme fort du (déclinant) Second Reich pense être sur le point de pouvoir emporter un succès définitif pour août. En effet, il pense encore pouvoir fixer les Français sur le front de la Marne pour percuter de nouveau les Britanniques dans les Flandres et, ainsi, obtenir la décision. Mais Ludendorff s’illusionne car la Kaisersheer est littéralement à bout. Les divisions d’assaut ont tout donné depuis mars et commencent à n’être plus que l’ombre d’elles-mêmes. Cela ne l’empêche pas de décider l’exécution d’une nouvelle offensive dans la région de Reims. Du côté allié, Foch – peut-être sans le savoir lui-même – inaugure une nouvelle approche plus « proto-opérationnelle », c’est-à-dire, lancer une série d’offensives sur l’ensemble du front afin de pousser les Allemands à la rupture. Mais avant de lancer son grand projet, Foch a impérativement besoin que le front de la Marne soit sécurisé. Cela implique donc une phase défensive qui, suivant son succès, sera suivie d’une puissante contre-attaque entre l’Aisne et la Marne. Cet suite d’articles propose donc de revenir en détail sur l’Offensive « Friendensturm » et sur la Seconde Bataille de la Marne. Car ce qui a longtemps été oublié, c’est que la contre-attaque française découle de l’Offensive allemande plus connue sous le nom de « Quatrième Bataille de Champagne ».
– PARTIE 1 : « FRIEDENSTURM » : L’ULTIME COUP DE DES DE LUDENDORFF
1 – OBJECTIFS ET PLAN
– Erich Ludendorff y croit dur comme fer : en août, les Français auront tant engagé leurs dernières réserves qu’ils seront épuisés et ne pourront venir en aide aux Anglais. Et à partir de ça, il pourra déclencher le nouveau plan « Hagen »* qui vise à déclencher une nouvelle offensive sur le Front des Flandres (entre Hazebrouck et Ypres) afin de rejeter les Anglais dans la mer du Nord. Pourtant au QG d’Avesnes-s/-Help, on commence à s’inquiéter d’entendre le même refrain avec des couplets différents. Déjà quatre offensives ont été lancées (« Michael », « Georgette », « Blücher – Yorck » et « Gneisenau ») mais la percée décisive n’a pas été obtenue en dépit des gains de terrains qui se chiffrent en plusieurs centaines de kilomètres carrés (1). Les quelques esprits encore lucides constatent amèrement que, non seulement les Britanniques (en comptant les troupes du Commonwealth) et les Français se battent avec résolution et ténacité mais qu’aussi, leur alliance ne s’est pas rompue et qu’ils disposent d’un commandement unifié. Et sur le terrain, les soldats allemands, temporairement vainqueurs, ont pu constater que leurs ennemis mangent à leur faim, qu’ils ont des camions en grand nombre et qu’ils peuvent engager constamment des chars. Et que valent des gains de terrain si les troupes valables en sortent épuisées et amenuisées numériquement ? Mais cela, Erich Ludendorff ne le voit pas encore.
– Conscient cependant que ses forces ont donné le maximum, il pense (encore) que les Français et les Britanniques sont à bout et que deux dernières offensives viendront à bout de leur volonté. Après l’échec de la percée sur la Marne de part et d’autre de Château-Thierry, Erich Ludendorff décide de déplacer son axe d’attaque principal en lançant une double attaque à l’ouest et à l’est de Reims (3). La I. Armee de Fritz von Below devra frapper à l’ouest, dans la Montagne de Reims (Ve Armée française), franchir la Marne et marcher jusqu’à Epernay. A l’est, la III. Armee de Karl von Einem devra attaquer entre Reims et Suippes-Mourmelon dans des secteurs qui ont surtout fait parler d’eux en 1915 : Prunay, Perthes-les-Hurlu et Sommepy (IVe Armée française). Et les deux Armeen allemandes sont coordonnées par le Heeres-Gruppe « Kronprinz » que commande Guillaume de Prusse, le fils de l’Empereur. Le but pour Ludendorff est clairement d’inciter les Français à abandonner Reims (ville lourde de symbole historique) ou à engager des réserves pour défendre ce secteur. Les dernières réserves françaises engagées et consumées, Erich Ludendorff pourra déclencher le plan « Hagen ».
– Mais comme l’a montré l’historien militaire américain David T. Zabecki, la prise de Reims est également importante pour les Allemands d’un point de vue stratégique. En effet, Ludendorff espère mettre la main sur le nœud ferroviaire à double voie de la ville et ses infrastructures afin d’améliorer sa logistique et son ravitaillement, cruellement déficient. En outre, depuis Reims, les Allemands pourront desservir Laon et Soisson, à condition de débloquer le verrou formé par Vauxaillon (4). N’oublions pas qu’en raison du manque flagrant de matériels motorisés, la Kaisersheer dépend encore énormément du transport par voie ferrée. d’où la nécessité de s’emparer des chemins de fer de Reims. Comme le reconnaît Paul von Hindenburg : « une véritable amélioration de notre système de ravitaillement, aussi bien que de notre situation tactique, dépendait exclusivement de la prise de Reims. Pendant les batailles de mai et juin nous n’avions pas réussi à nous assurer le contrôle de cette ville. La capture de Reims devait faire l’objet d’une opération spéciale mais cette opération devait s’intégrer dans la structure principale de nos plans » (5). Le nouveau plan de Ludendorff est baptisé « Marnschütz-Reims » (« Garde sur la Marne-Reims ») mais il est passé à la postérité historique sous le nom de « Friedensturm » (« Assaut pour la paix »). Le nom choisi étant en somme toute programmatique, tant sa dimension décisionnelle est palpable.
– Le plan commence à prendre forme au courant du mois de juin. Mais au début du mois de juillet, Ludendorff reçoit une information plus alarmante ; douze déserteurs français informent la VII. Armee qu’une puissante offensive aura lieu entre Villers-Bretonneux et Château-Thierry le 11 juillet. Cela incite vite le Quartier-Maître Général à accélérer ses préparatifs et à ordonner au HG « Kronprinz » de déclencher « Friedensturm » ou « Marneschützt » pour le 15 juillet. Mais plusieurs commandants de divisions qui lancent des patrouilles dans le dispositif de Mangin ne viennent pas corroborer la version des déserteurs. Et si c’était un leurre ? En tout cas, une chose est sûre, Ludendorff va frapper des deux côtés de Reims alors que le GAR de Fayolle s’apprête à donner un violent coup contre la VII. Armee. Mais les Allemands ne voient rien, ce qui marque, comme nous le verrons, un net savoir faire français dans l’art de la dissimulation.
2 – UNE ATTAQUE BIEN MOINS PUISSANTE
– « Marneschütz-Reims » doit se développer sur 50 km entre Jaulgonne et Massiges. Son objectif est de percer sur la Marne en plusieurs points, tout en enveloppant la Cité des Sacres par l’est, afin d’atteindre Epernay et Châlons-s/-Marne. En voici le détail :
1 – A l’Ouest (droite), la VII. Armee de Max von Böhn doit attaquer avec les Gruppen « Schöler » (VIII. Armee-Korps), « von Kathen » (XXIII. Reserve-Korps), « von Wichura » (VIII. RK) et « von Watter » (XII. AK) entre Gland (sur la Marne) et Vincelles. Son objectif est de percer vers Épernay et accrocher la route Epernay-Châlons.
2 – Au centre, la I. Armee du General der Infanterie Bruno von Mudra doit attaquer entre l’est de Reims et le nord d’Aubérive afin de percer sur Mourmelon, et Prosnes. Von Mudra peut compter sur les XV. AK (Emil Ilse), ainsi que sur les Gruppen « Wellmann » (VII. RK) et « Läger » (XXIV. RK).
3 – Enfin, tout à gauche, la III. Armee du General der Kavallerie Karl von Einem (jusque-là peu mobilisée) doit attaquer sur la ligne entre le nord d’Aubérive et Massige avec pour mission de percer sur Sommepy, Tahure et la Ferme de Navarin, lieux qui avaient fait l’objet de violents combats en 1915. Von Eiem mènera l’assaut avec les XII. AK (Hans Krug von Nidra) et XVI. AK (Adolf Wild von Hohenbrun).
– Les forces déployées par le HG « Kronprinz » pour « Marneschütz-Reims » regroupent ainsi 2 000 batteries d’artillerie et 1 300 Minenwerfen, soit 6 353 bouches-à-feu. Sauf que cette-fois, les batteries commencent à manquer d’obus et beaucoup d’artilleurs n’appliquent pas vraiment les prescriptions de Georg Bruchmüller. Et qui plus est, la concentration d’éléments de la 1re Division aérienne alliée informe très vite les Français de la disposition des batteries allemandes. Pour l’Infanterie, les Allemands engagent 47 divisions. 15 sont en première ligne sur 40 km entre l’Ardre et Massiges. Enfin, les fantassins doivent être appuyés par 6 Panzer-Abteilungen composés de quelques A7V mais surtout, de Mark IV britanniques de capture.

– Comme le montre bien Sylvain Ferreira dans son analyse sur la défaite allemande, l’échec de « Friedensturm » est quasiment annoncé dès sa planification. En effet, si le HG « Kronprinz » peut aligner le nombre impressionnant de 65 divisions, la Kaisersherr a déjà consumé bon nombre de ses cartouches et des obus sur le Front de l’Ouest. Ainsi, la préparation d’artillerie devra se passer d’un tiers d’obus, comme le signale Jean-Claude Laparra. D’autre part, en raison des lourdes pertes consenties lors des offensives du printemps (plus de 600 000 hommes tués et blessés), l’Infanterie allemande est considérablement affaiblie. Si des Sturm-Bataillonen sont encore de bonne tenue, l’Infanterie d’élite manque sensiblement, si bien que la densité d’hommes pour l’attaque est nettement réduite. En outre, l’instruction hâtive des recrues ne suffit nullement à rehausser la qualité des unités d’assaut. Pire encore, Ludendorff a dû décréter la mobilisation obligatoire de la Classe 1919 durant le mois de mai, soit de tous les jeunes allemands de dix-huit-dix-neuf ans dont l’instruction militaire est imparfaite ou inachevée. Pis encore, victimes des privatisations dues au blocus, ces jeunes sont mal nourris et auraient de quoi envier les Français de leur âge. Quant au moral, il n’est pas des meilleurs, loin de là. En effet, souvenons-nous que la découverte de dépôts alimentaires français et britanniques par les troupes d’assaut a ébranlé la confiance dans les chefs que l’on accuse d’avoir sciemment menti quant à l’état prétendument affamé des troupes ennemies. D’autre part, beaucoup de soldats et d’officiers subalternes commencent à exprimer une nette lassitude à entendre les mêmes refrains de la part des QG sur une prochaine victoire. Victoire qui se fait attendre. De plus, les soldats ont de plus en plus faim. Et l’emploi de soldats allemands (notamment des divisions de second échelon et d’unités de réserves peu aptes au combats) à effectuer des travaux agricoles dans les zones occupées ne suffit pas à nourrir l’armée. Tous ces éléments nourrissent un sentiment contestataire alimenté par un net ras-le-bol des conditions difficiles. Et bien sûr, les désertions et les refus de monter au front vont croissantes.

II – FRANÇAIS ET ALLIES
1– LE PLAN DE DÉPART DE FOCH : DÉCOCHER LES CROCHETS
– Ludendorff s’est trouvé une Nemesis particulièrement tenace : Ferdinand Foch. Sauf que cette fois-ci, le général des offensives sanglantes des années passées conçoit un plan défensif-offensif bien plus adapté à la nouvelle conduite de la guerre. Comme l’a bien montré Sylvain Ferreira, le plan de Foch ne se concentrer pas sur une portion du front pour emporter la décision mais consiste à lancer une série d’offensives sur l’ENSEMBLE DU FRONT. Offensives bien sûr, couplées avec des phases défensives comme ça sera le cas le 15 juillet 1918. Du coup, si Ludendorff ne sait pas dépasser la « vision d’un simple colonel de régiment » (S. Ferreira), Ferdinand Foch voit les choses en plus grand (dans différents sens du terme) car son plan coordonne des actions en Picardie et en Champagne, voire plus, puisqu’il insiste auprès d’Armando Diaz (chef d’état-major de l’Armée italienne) de lancer une grande offensive au nord de la Piave pour faire reculer l’Armée austro-hongroise vers les Alpes, d’autant que l’Armée des Habsbourg a subi un coup fatal sur la Piave à la mi-juin. Si l’on doit comparer les deux généraux à deux boxers, on peut représenter Erich Ludendorff dans le rôle de celui qui attaque sans cesse en coups directs afin de mettre son adversaire K.O en un temps réduit. Et Foch peut davantage être assimiler à celui qui encaisse, recule mais économise ses forces pour frapper durement par une succession de crochets et d’uppercuts.
– Mais si Pétain joue le rôle du prudent, Foch tient le rôle du matamore pour qui cherche à implacablement attaquer l’ennemi. Ceci-dit, comme le dit bien Michel Goya, les deux généraux sont bien plus complémentaires qu’opposés. Si Pétain sait préserver les forces françaises, Foch lui, mène une coalition et réussit à convaincre les Britanniques de lancer une offensive (6). Celle-ci sera déclenchée le 8 août avec le succès que l’on sait.
– Ferdinand Foch envisage alors de reprendre vite l’offensive sans tarder. En attendant que les Britanniques soient prêts pour déclencher l’offensive de dégagement d’Amiens (précédée le 4 juillet par un succès local foudroyant au Hamel obtenu par l’Australian Corps de Monash), Foch insiste auprès de Paul Maistre pour que le Groupe d’Armée du Centre frappe le premier. Et quasi simultanément à l’attaque du GAC, le GAR de Fayolle devra puissamment frapper entre l’Aisne et Château-Thierry, avec les Xe et VIe Armées afin de dégager le cours de la Marne et le Tardenois, avant de bondir en direction de Soissons et Fère-en-Tardenois. Ainsi, alors que Ludendorff et le Kronprinz s’apprêtent à déclencher « Friedensturm », les Français (avec les Britanniques et les Américains) se préparent à cogner durement dans le flanc droit de la VII. Armee.
– Mais Foch va trop vite en besogne et c’est ce que lui fait remarquer Paul Maistre. Ce dernier a beau lui démontrer que le II° Corpo di Armata d’Albricci est affaibli après les combats pour le secteur de Bligny et que la Ve Armée doit renforcer ses positions avant de dégager la Montagne de Reims, « Capitaine Fracasse » n’en démord pas (7). Edmond Buat fait à juste titre remarquer que sa Ve Armée est, au mieux, juste apte à lancer une attaque localisée sur Romigny (8).
– Toutefois, Foch change son fusil d’épaule juste au moment du déclenchement de « Marneschütz-Reims » pour opter pour une posture défensive entre Jaulgone et Massiges tout en préparant une attaque dans le Tardenois, entre la Ferté-Million et Château-Thierry. Il faut dire qu’à la IVe Armée où l’on flairait le sale coup, on découvre le pot-au-rose une journée avant l’attaque allemande. En effet, un groupe franc (ou de grenadiers) du 366e RI (132e DI) mené par le Lieutenant Villet lance un raid dans la nuit du 13-14 juillet contre les Tranchées « d’Andrinople » et de « Tirnova » non loin de Mourmelon. Un jeune sergent nommé Joseph Darnand s’y distingue particulièrement en capturant l’abri du « Cubitus » et en ramenant 24 prisonniers avec ses hommes. Après avoir fait sauter plusieurs abris, les Français découvrent tout un réseau de câbles téléphoniques installés en première ligne. Et ça n’est pas tout puisque le Groupe franc découvre également que les soldats allemands sont munis de musettes remplies de vivres, ainsi que de masques à gaz. Et, un prisonnier informer les officiers français qu’un bombardement comportant des obus toxiques sera déclenché le matin du 15 juillet (9. Et les Français connaissent trop bien leurs ennemis pour ignorer que ce type de bombardement fait partie d’un ensemble tactique.
– Henri Gouraud, qui n’est pas Duchêne, est immédiatement averti et ordonne d’appliquer précisément les prescriptions défensives de Pétain. Ainsi, chaque régiment placé en première ligne abandonne cette position, n’y laissant qu’une poignée de soldats mener des combats retardateurs. Gouraud et ses chefs de corps et ses divisionnaires concentrent alors le fort de leur défense sur la seconde en ligne en laissant des réserves sur la troisième (12). Enfin, la seconde ligne est fortement garnie de mitrailleuses, de mortiers de tranchées et de FM Chauchat. L’offensive allemande qui va s’ensuivre va inciter Foch à infléchir son plan d’origine mais ce qui s’avérera être une bonne décision.
2 – LE DISPOSITIF FRANÇAIS
– Depuis la mise en échec de l’Offensive « Blücher-Yorck », le Front français est coordonné en deux groupes d’Armées : le Groupe d’Armées de Réserve (G.A.R) d’Emile Fayolle tient le front compris entre l’Aisne et la Marne (Dormans) en protégeant le saillant de Vaux-Bouresches-Belleau. Il compte la Xe Armée (Charles Mangin) qui couvre la ligne partant de la rive sud de l’Aisne jusqu’à Neuilly-Saint-Front et la VIe Armée (Jean-Marie Degoutte) qui tient la ligne Neuilly-Saint-Front – Belleau – sud de Château-Thierry. Le front de la VIe Armée a été raccourci afin d’intercaler, entre le sud de Château-Thierry let la Montagne de Reims, la IXe Armée (nouvellement reformée) d’Antoine de Mitry.** Le Groupe d’Armées du Centre (G.A.C) de Paul Maistre – « excellent homme qui a tendance à s’attarder un peu trop sur les détails » selon Buat – est en charger de tenir le front partant de l’ouest de la Montagne de Reims (Dormans) à l’Argonne (Mourmelon). Maistre commande ainsi à la Ve Armée (Edmond Buat, puis Henry Berthelot) qui tient le secteur compris entre la lisière ouest de la Montagne de Reims (Dormans/Châtillon-s/-Marne) et l’est de la Cité des Sacres. Enfin, la IVe Armée (Henri Gouraud) tient le secteur compris entre la lisière est de Reims et Mourmelon qui comprend les Monts de Champagne, Sommepy-Tahure, la Ferme de Navarin et Suippes.
– Le secteur où vont frapper von Below et von Einem est tenu par le Groupe d’Armées du Centre (GAC) commandé par le Général Paul Maistre. On observe un déséquilibre entre le front de la Ve Armée française et celui de la IVe Armée. Mais cela tient particulièrement aux engagements précédents. Engagées pour protéger Reims par sa Montagne, la Ve Armée a mené de durs combats depuis le 27 mai. Le Général Joseph Micheler, pourtant compétent, a été évincé sans ménagement par Clémenceau qui lui reproche sa proximité avec le Président du Sénat Antonin Dubost et (sûrement) une trop grande liberté de parole (10). Mais selon Gouraud, Micheler a été écarté « parce qu’il croyait tout perdu » (11). Il est donc remplacé par le 12 juin par le très compétent Edmond Buat** qui exerçait jusque-là ses fonctions à la tête du XVIIe Corps sur le front de la Meuse. Mais Buat ne reste que moins d’un mois sur le front de Champagne, puisque le 3 juillet, il apprend par lettre que Pétain le nomme comme Aide-Major Général des Armées françaises en remplacement de François Anthoine. Pendant son commandement en Champagne, Edmond Buat s’est surtout dépensé en tournée des popotes et en inspections afin de rétablir les lignes défensives de son secteur défensif. Il passa ainsi du temps à vérifier les lignes de défense, les emplacements et le camouflage de l’Artillerie, ainsi que l’état des forces. Le 5 juillet, Buat quitte son PC de Sézanne pour repartir à Paris et laisse son commandement à Henri Berthelot, un général énergique mais plus « vieille » école qui n’a pas le jugement de son prédécesseur ou que ses collègues Pétain, Fayolle, Maistre, Degoutte et Gouraud. En juin et juillet, la Ve Armée tient un front compris entre Dormans (sur la Marne) et Reims. Elle est composée du Ve Corps d’Armée de Maurice Pellé***, du Ier Corps d’Armée Colonial du Général Emile Mazillier ,du IX Corps britannique de Sir Alexander Hamilton-Gordon placé en repos après les combats sur l’Aisne, le II° Corpo di Armata du Général Albricci et le Ier Corps de Cavalerie du Général Féraud (voir ordre de bataille ci-dessous).
– Enfin, les Français bénéficient également du renfort de 7 divisions américaines dont 5 pleinement opérationnelles au déclenchement de l’Offensive (1st, 2nd, 3rd, 4th et 26th), tandis que 2 autres sont en phase d’acheminement (28th et 42nd). Pershing a d’ailleurs obtenu la formation d’un nouveau III US Corps placé sous le commandement de Robert J. Bullard. Enfin, Douglas Haig donne son plein accord pour mettre le XXII Corps d’Alexander Godley (4 divisions) qui sera bientôt engagé.
[Suite]
* Du nom du nain qui, dans « La Légende des Niebelungen » assassine le héros Siegfried avant de mourir noyé dans le Rhin, victime de sa cupidité.
** Est-il nécessaire de rappeler qu’Edmond Buat est le créateur et l’organisateur de la Réserve Générale d’Artillerie lourde (RGAL), pièce maîtresse de la supériorité française en matière de puissance de feu.
*** Maurice Pellé a été l’un des principaux artisans de l’endiguement de l’Offensive « Michael » en bloquant, au prix d’efforts et de sang, les troupes de von Hutier dans la région de La Fère, Tergnier et Noyon.
(1) LAPARRA Gén. J-Cl. : « 1918. L’année décisive », tome 1, « Les ultimes offensives allemandes », SOTECA, Paris, 2018-07-09
(2) FERREIRA S. : « L’inévitable défaire allemande. Mars-juillet 1918 », Editions Lemme, Chamalières, 2018-07-09
(3) LAPARRA Gén. J-Cl., Op. Cit.
(4) ZABECKI Col. D.T. : « The German 1918 Offensive : A case study in the operational level of War », Routledge Publishing, Londres, 2009
(5) ZABECKI Col. D.T., Op. Cit.
(6) LOPEZ J., HENNINGER L., GOYA Col. M. & BIHAN B. (Dir.) : « 1918. France 3 – Allemagne 0 », Guerres & Histoire n°2, décembre-janvier 2012
(7) BUAT Gén. Ed. : « Journal de Guerre 1914-1923 », SOUTOU G-H. & GUELTON Col. Fr. (prés.), Perrin, Ministère de la Défense, Paris, 2015
(8) BUAT Gén. Ed., Op. Cit.
(9) Historique du 366e RI
(10) GUELTON Col. Fr. (note) in BUAT Gén. Ed., Op. Cit.
(11) Cité par BUAT Gén. Ed., Op. Cit.
(12) FERREIRA S., Op. Cit.