Paul von Hindenburg

– Parmi les généraux de Guillaume II, Paul von Hindenburg présente sûrement les états de service les plus remarquables. Il faut dire que la propagande du Kaiser s’est efforcée de le présenter aux Allemands comme le sauveur de la Prusse face aux Russes et comme une sorte de père protecteur du pays durant la Première Guerre mondiale, d’où une grand popularité pendant et après le conflit. Mais aujourd’hui, plusieurs de ses choix stratégiques – décidés en commun avec son « double » Ludendorff en 1917 et 1918 – ont contribué à accélérer la défaite allemande. Figure paternelle et rassurante, il fit consensus comme Président durant les dernières années de la République de Weimar mais contribua lourdement à l’arrivée au pouvoir d’un « vulgaire caporal de Bohème » qu’il méprisait pourtant.

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– CARRIÈRE DE 1864 A 1911

– Fils aîné de Robert von Beneckendorff und von Hindenburg, aristocrate prussien et de Luise Schwickart fille d’un médecin, Paul Ludwing Hans Anton von Beneckendorff und von Hindenburg voit le jour à Posen (aujourd’hui Poznan en Pologne) le 2 octobre 1847. Si par son père, il peut s’enorgueillir de descendre en ligne illégitime de Heinrich VI de Waldeck dit « le Comte de Fer » et même de Martin Luther, Paul von Hindenburg restera longtemps complexé de l’ascendance plus « modeste » de sa mère, même si être fille de médecin au XIXe siècle reste une situation confortable.
Suivant la tradition familiale, comme il le dira plus tard, Paul von Hindenburg entame la carrière des armes, il entre chez les cadets de Wahlstatt en 1864 et en sort deux ans plus tard avec le grade de Leutnant. Le jeune officier se montre courageux et se distingue au feu contre les Autrichiens à Rosberitz, Königrätz et Sadowa (1866) et contre les Français de Napoléon III. Décoré deux fois, récipiendaire du Roten Adlerorder (Ordre de l’Aigle rouge), il a l’honneur de compter parmiles officiers sélectionné au regard de la conduite au feu, qui représentent leur régiment lors de la proclamation du Second Reich dans la Galerie des Glaces de Versailles. Et ce, en présence du nouvel Empereur Guillaume Ier et de son redoutable Chancelier Otto von Bismarck.

– Paul von Hindenburg suit ensuite le cursus d’un officier Junker classique. Il commande plusieurs unités et sert dans différents états-majors. En 1888, il fait partie de la garde d’honneur qui escorte la dépouille de l’Empereur Guillaume. Mais il s’intéresse beaucoup à l’évolution de la guerre, à la stratégie et à la mobilité des troupes. Sérieux, travailleur et officier au mode de vie simple et sans tapage, il gagne une bonne réputation auprès de ses supérieurs. Helmut von Moltke l’Ancien et Alfred von Schlieffen, notamment, le remarquent. Von Moltke note toutefois la confiance colossale de von Hindenburg en ses propres projets, tout en précisant que tout ce qu’il accomplit « passe très bien ». En 1888, il entre au Kriegsministerium (Ministère de la Guerre) pour devenir chef du Kriegsdepartement. Après avoir été promu Oberst (Colonel), il prend la tête d’un régiment à Oldenburg jusqu’en 1895. Il y gagne un grand intérêt pour le service et le commandement. Service, obéissance, discipline mais aussi enseignement sont ses maîtres mots. Promu Général de Brigade en 1896, il entre au Grand Etat-major, puis à la direction de la VIII. Armee commandée par Wilhelm von Baden qui devient son ami. Commandant de la 28. Division à Karlsruhe, il prend le commandement du IV. Armee-Korps à Magdebourg en 1903. Il s’agit là d’une reconnaissance, puisque cette grande unité est l’une des plus importantes de la Kaisersheer. En 1909, Hindeburg refuse le poste de Ministre de la Guerre que Guillaume II car il ne veut pas être soumis au jeu de la politique. En 1911, il demande au Kaiser de prendre sa retraite. Guillaume II accepte. Pendant trois ans, Paul von Hindeburg vit hors de toute activité de commandement (même s’il étudie beaucoup la stratégie en même temps que l’art militaire) en menant une discrète vie bourgeoise à Hanovre, en compagnie de son épouse Gertrud. Ils en profitent notamment pour voyager en Europe. Arborant de superbes bacchantes blanches, ainsi qu’un visage massif et carré, von Hindenburg est alors un vieil homme robuste mais encore en bonne santé.

 – L’ASCENSION

– Mais il est vite tiré de ses lectures érudites par le fracas des armes. En août 1914, l’Armée russe qui a mobilisé plus vite que prévu pénètre en Prusse-Orientale. Face aux Généraux Rennenkampf et Samsonov, le Général Max von Prittwitz, commandant de la VIII. Armee choisit de reculer sur Gumbinnen. Il faut dire que la majorité des forces du Reich combattent contre l’Entente en Belgique et en France. Pensant que les Russes n’attaqueront que bien après les mobilisations française et britannique, le Grand État-major général (GEMG) a fait le choix de ne laisser qu’une grande formation assurer la surveillance de la frontière germano-russe. A Berlin, c’est la panique et Guillaume II ordonne le rappel de von Hindenburg. Le chef du personnel de l’Armée, Erich von Ludendorff vient alors trouver le vieux général à Hanovre avec la demande de l’Empereur de prendre le commandement de la VIII. Armee. Hindenburg accepte et von Moltke le Jeune lui octroie le commandement de la VIII. Armee en remplacement de von Prittwitz qui est limogé. Von Hindeburg s’entoure alors d’officiers qu’il a soigneusement choisis. Erich Ludendorff devient alors son chef d’état-major. Comprenant que l’action de Rennenkampf et de Samsonov n’est pas coordonnée, Hindenburg choisi d’opérer le « Plan Schlieffen » mais sur une échelle beaucoup plus réduite que le front occidental. Son plan consiste à battre d’abord Samsonov, avant de tourner ses forces contre Rennenkampf. La manœuvre réussi parfaitement et les troupes de Nicolas II laissent 171 000 hommes dont 78 000 tués et 93 000 prisonniers dans la catastrophe. Hindenburg reçoit ensuite la Eisenes-Kreutz (Croix de Fer) pour sa victoire, pendant que la propagande allemande l’érige en véritable héros populaire.

– Venant ensuite en aide aux Austro-Hongrois, le général allemand inflige aux Russes la lourde défaite de Lemberg (Lvov) le 11 septembre, puis remporte la première bataille des Lacs Mazures, puis celle de Lodz qui lui vaut la réception du grade et du bâton de Maréchal (Generalfeldmarschall). Il est ensuite nommé commandant du Front de l’Est, avec von Ludendorff comme chef d’état-major. Disposant des VII., VIII. et IX. Armeen, il inflige de dures corrections à l’Armée de Nicolas II (seconde bataille des Lacs Mazures, Lacs Narocz et Gorlice-Tarnow) durant l’année 1915. Cependant, si le colosse russe est sérieusement ébranlé, il n’est pas abattu pour autant, puisque les forces rescapées profitent des distances pour échapper aux tenailles allemandes. Mais à la fin de cette année, Guillaume II remplace von Moltke le Jeune par Erich von Falkenhayn à la tête du Grand Etat-major Général (Generalstab). Or, von Hindenburg n’a pas les mêmes objectifs stratégiques que son nouveau supérieur. Comme l’explique l’historien Robert Foley, Von Falkenhayn veut frapper à l’Ouest (Verdun) afin de contraindre la France à sortir du conflit, tandis que von Hindenburg et von Ludendorff veulent remporter une victoire stratégique à l’Est qui ruinerait l’Armée russe. Par conséquent, von Hindenburg s’oppose très vite à von Falkenhayn (1). Il faut dire que von Hindenburg commence à prendre de l’importance aux yeux de la population allemande, comme dans les instances politiques et militaires. En effet, depuis Tannenberg il est célébré comme le défenseur et le sauveur de l’Allemagne. Une statue de bois géante à son effigie est même érigée. Une souscription en soutien des forces armées du Reich est même levée avec son soutien. Mais si sa figure titanesque et paternelle est sensée transcender les clivages politiques, confessionnels, linguistiques et sociaux, le Maréchal Hindenburg est abondamment reprise par les formations et partis de la droite belliciste et nationaliste. D’autre part, sa figure impressionne également l’indécis Guillaume II qui remet difficilement en cause les décisions et études de son général.

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Photo assez révélatrice : Les Dioscures encadrant Guillaume II

– « CASTOR ET POLLUX »

– Finalement, le 29 août 1916, alors que la Bataille de la Somme fait rage, von Falkenhayn est écarté du GEM (2) au profit de von Hindenburg mais aussi d’Erich Ludendorff. Von Falkenhayn paie l’échec de Verdun et les déconvenues de l’Armée austro-hongroise lors de l’Opération Broussilov. Celle-ci entraînant l’entrée en guerre de la Roumanie. La période 1916-1918 marque alors le commandement et la direction stratégique allemande par les « Dioscures ». Les rôles sont vite répartis : après étude commune des données du front, von Hindenburg prend les décisions et Ludendorff en dirige les exécutions. Mais par contrecoup, Ludendorff réussit à convaincre Hindenburg de faire passer plusieurs de ses conceptions. A côté de cela, « Castor et Pollux » entrent dans une certaine rivalité – professionnelle – pour diriger l’ensemble des forces et opérations allemandes. Mais le premier résultat reste l’effacement de Guillaume II qui devient une sorte de paravent de légalité, alors que l’Allemagne entre dans ce que certains historiens ont appelé une « dictature du silence », soit une dictature militaire officieuse. En effet, face à Hindenburg qui vieillit, Erich Ludendorff finit par imposer ses vues concernant la « Guerre à outrance », principe qui subordonne le politique au militaire. En 1917, les « Dioscures » obtiennent notamment le renvoi du Chancelier Thobald von Bethmann-Hollwegg qui eut le malheur de s’opposer – sans le réel soutien du Reichstag – à la mise en place d’une politique de travail forcé en faveur de l’économie de guerre. Hindenburg et Ludendorff veulent convaincre l’Empereur de nommer l’Admiral von Tirpitz Chancelier mais l’Empereur réussit à obtenir la nomination d’un inconnu, Georg Michaelis. Mais celui-ci ne fait guère le poids face aux deux imposantes personnalités de l’état-major qui finissent par s’octroyer les pouvoirs théoriquement entre les mains du Chancelier.

– Leur première décision est d’abandonner plusieurs pans du front de la Somme pour effectuer un repli stratégique sur la « Siegfried-Stellung » (appelée Ligne « Hindenburg » par les Alliés), permettant de raccourcir les lignes de ravitaillement à l’Ouest. La seconde décision consiste au lancement du programme qui porte son nom et qui vise à accroître la production de munitions et de matériels. Mais pour cela, Castor & Pollux imposent à l’Empire un régime sévère qui cause de graves pénuries alimentaires dans les villes. Seulement, pour faire fonctionner l’industrie de guerre (qui bénéficie tout de même des ressources en charbon du nord de la France et de la Belgique), Hindenburg et Ludendorff sont contraints de démobiliser les ouvriers qualifiés encore au Front ou d’exempter plusieurs dizaines de milliers de travailleurs de la conscription. Du coup, Castor et Pollux doivent compléter les rangs de la Kaisers-Heer en mobilisant les jeunes allemands de la Classe 1898.

– Si l’année 1917 voit les Armées allemandes à l’Ouest remporter des succès défensifs (Chemin des Dames, Paschaendaele…) ou offensifs (Caporetto), la « Guerre à outrance » commence à montrer ses limites, d’autant que la population commence à souffrir des privations. En relançant la guerre-sous marine dans l’espoir d’affamer la Grande-Bretagne, le GEM s’attire l’hostilité de la jeune nation américaine qui a besoin de l’Atlantique pour exporter ses produits industriels et agricoles en Europe, notamment en Grande-Bretagne et en France. En outre, le télégramme Zimmermann qui promet au Mexique le soutien allemand sur la revendication de territoires dans le sud des États-Unis scandalise l’opinion américaine. En avril 1917, au nom de la Liberté  des mers, le Président Woodrow Wilson déclare la guerre à Berlin et à Vienne. Or, comme l’explique très bien l’historien Jean-Yves Le Naour, la propagande diffusée par le GEM s’était efforcée d’expliquer à l’Opinion allemande que la guerre sous-marine relevait d’abord d’une vengeance légitime contre la Grande-Bretagne qui affame l’Allemagne. De façon tonitruante, l’état-major avait annoncé qu’avec les millions de tonnages coulées, l’Angleterre affamée demanderait grâce. Or, si l’opinion – des Sociaux-Démocrates aux formations les plus conservatrices – a largement souscrit à cette idée de revanche légitime, sa déception est d’autant plus grande, puisque non seulement le résultat escompté n’a guère été obtenu (les Alliés ayant mis en place l’efficace stratégie des convois avec le renfort de l’US Navy) mais aussi, parce que l’Allemagne vient de se trouver un nouvel ennemi, alors que la population souffre encore des privations (3)

– Néanmoins, les généraux allemands mettent leurs espoirs dans la situation à l’Est. En effet, après l’abdication de Nicolas II et le renversement du Gouvernement provisoire révolutionnaire de Kerenski par les Bolchéviques (4), la Russie sort du conflit. Le Traité de Brest-Litovsk signé en mars 1918 permet à l’Allemagne de libérer plus de 1 million de soldats, très vite envoyés à l’Ouest. Hindenburg approuve alors le plan de Ludendorff visant à frapper durement à l’Ouest en plusieurs endroits sur le front français afin de forcer les alliés à négocier un armistice dans des conditions favorables. La course de vitesses est enclenchée, d’autant que les États-Unis offrent à l’Entente un appoint considérable de plus de 1,5 million d’hommes (certes inexpérimentés mais pouvant être formés rapidement par les Français et les Britanniques).

– Le 21 mars 1918, l’Armée allemande frappe les britanniques en Picardie, avant d’attaquer dans les Flandres en avril puis en Champagne et sur l’Aisne en mai. Si l’armée allemande réussit – avec l’emploi des Stosstruppen – à faire reculer les Alliés en plusieurs endroits, la logistique ne suit pas et les troupes manquent de ravitaillement. Et en face, les Alliés ont formé un état-major interallié dirigé par Foch. Dès l’été 1918, les Alliés reprennent le dessus, notamment sur la Marne et en Picardie. Après le 8 aoûtJour de deuil de l’armée allemande – les troupes du Reich reculent partout (excepté sur les fronts d’Alsace et de Moselle restés calmes) et la Hindenburg Linie est percée. Pire encore, en octobre 1918, l’allié austro-hongrois sérieusement affaibli, quitte le conflit après l’offensive victorieuse du Général Franchet d’Espèrey contre les germano-bulgares dans les Balkans.

– Devant cette situation, l’Empereur sermonne durement Ludendorff qui doit démissionner. Ludendorff espère que Hindenburg va le suivre mais l’aîné des Dioscures refuse de quitter le navire. Ludendorff ne lui pardonnera jamais. Il est remplacé par le Général Wilhelm Gröner. Paul von Hindeburg et Gröner pressent alors Guillaume II d’abdiquer devant la situation stratégique et le mécontentement intérieur. L’Empereur y consent et le Gouvernement passe aux mains du Social-démocrate Friedrich Ebert qui engage les tractations diplomatiques en vue de l’armistice. Celui-ci est signée le 11 novembre 1918 à Rethondes. De son côté, Paul von Hindenburg réussit à rapatrier les unités allemandes se battant encore en France et en Belgique, talonnées par les Armées alliées. En 1919, il quitte son poste de Chef de l’état-major général et retourne vivre à Hanovre. Pendant six ans, il reste extérieur à la situation intérieur allemande marquée par de violents affrontements entre formations de droite nationaliste et les mouvements de gauche, ainsi que par des coups d’état manqués. Le vieux maréchal se rallie à la théorie du « Coup de poignard dans le dos » – dont il devient un promoteur qui prétend que l’Armée allemande n’a pas été vaincue mais qu’elle a été victime des défaitistes, des « traîtres» et des révolutionnaires socialistes et communistes (5).

– MONARCHISTE ET PRÉSIDENT

– Néanmoins, en 1925 Paul von Hindenburg – devenu veuf – refait son apparition sur le devant de la scène, politique cette fois. En effet, la Constitution de Weimar fait que le Peuple allemand peut élire directement le Président de la République (qui a toutefois moins de pouvoir que le Chancelier nommé par le Reichstag suivant la majorité qui s’y dessine). Or, Hindenburg apprend qu’Erich von Ludendorff se présente sous l’étiquette du NSDAP, à l’origine un petit parti révolutionnaire devenu une formation locale de masse sous la conduite d’une ancienne estafette de l’Armée Royale de Bavière, l’ex-Gefreiter (Caporal) Adolf Hitler. Hitler qui manque de notoriété, compte sur Ludendorff. Mais Hindenburg rédige une lettre à son ancien adjoint dans laquelle il critique sévèrement son choix politique. Aux élections présidentielles d’avril donc, Ludendorff fait un score lamentable sur le plan national (1,1 %) et les trois candidats qui arrivent en tête sont Karl Jarres (Deutsche Volksparteil – droite nationaliste), Otto Baum (SPD – Social-démocrate) et Wilhelm Marx (Zentrum – Centre catholique bavarois). Marx est alors désigné candidat de la Coalition de Weimar pour le second tour (6). Mais le clivage confessionnel s’ouvre rapidement. Peu encline à voir un Catholique devenir Président de la République allemande, la droite conservatrice et nationaliste  de forte tendance luthérienne cherche un candidat. Elle trouve même l’appui du Bayersiches-Volspartei (BVP – Parti Populaire Bavarois), le petit frère rival et plus conservateur du Zentrum. Et le NSDAP de Hitler vient alors compléter la coalition. Paul von Hindenburg devient alors son champion et le vieux maréchal accepte. Finalement, le résultat donne 900 000 voix d’avance à Hindenburg (14, 6 millions de voix) sur Marx (13,7 millions). Comme dit l’historien britannique Ian Kershaw, c’est alors un homme de l’Ancien régime impérial qui a dans ses mains la stabilité de la République de Weimar.

– Si la figure paternelle et quasi-héroïque du vieux Maréchal de soixante-dix-huit ans rassure finalement beaucoup de monde à droite, la situation politique du pays est difficile, entre déflation (malgré une courte reprise économique à la fin des années 1920) et chômage de masse. Sans entrer dans les détails de la vie politique allemande, Hindenburg gouverne durant son premier mandant avec cinq Chancelier (Hans Luther, W. Marx I et W. Marx II, Hermann Müller et Heinrich Brunning). Notons qu’il soutient la politique des travaux et inaugure notamment la construction d’une nouvelle voie ferrée le long de la côte du Schleswig-Holstein. Toujours profondément monarchiste, il s’efforce d’isoler les éléments de gauche (SPD) et d’extrême-gauche (KPD) mais doit faire face à l’irrésistible ascension des Nationaux-Socialistes menés par Adolf Hitler. En 1932, il se représente candidat à l’élection présidentielle face à Adolf Hitler. Fort du soutien des patrons allemands et d’éléments supérieurs de la Reichswehr qui voient respectivement d’un mauvais œil le flou économique et les tendances révolutionnaires des SA, Hindenburg est réélu Président de la République. Mais le score des Nazis représente un peu plus de 30 % de l’électorat allemand.

– Le second mandat du vieux maréchal est assez court (novembre 1932 – 1934) mais particulièrement agité. Gouvernant d’abord avec Heinrich Brünning qui s’efforce d’enrayer la situation économique catastrophique, il le remplace après des élections du 6 novembre 1932 (décidées après un vote de dissolution du Reichstag par Hermann Göring) qui voient un léger tassement du NSDAP en raison d’un discours trop marqué à gauche pour certains. Brünning cède alors la place au catholique bavarois et ultraconservateur Franz von Papen, avec qui Hindenburg s’entend très bien pour un temps. Mais Franz von Papen ne fait pas mieux que Brünning et s’entend mal avec Kurt von Schleicher le Ministre de la Défense qui s’oppose à la loi martiale  que le premier veut instaurer face aux troubles. Hindenburg remplace alors von Papen par von Schleicher à la fin de 1932. Mais suite à des tractations – difficiles – avec les principaux responsables du NSDAP, Hindenburg accepte de nommer Hitler Chancelier, dans le but – hasardeux – de le décrédibiliser en misant sur son inexpérience en matière de Gouvernement. Kurt von Schleicher mise plutôt sur Gregor Strasser, un héros de guerre, excellent organisateur qui représente l’aile gauche et socialement révolutionnaire du NSDAP. Le but de von Schleicher est de créer une scission au sein du Parti nazi. Mais  Hindenburg maintient son cap et réussit à imposer des personnages plus conservateurs ou de la droite nationaliste plus traditionnelle (DVP) au Gouvernement : Franz von Papen comme Vice-chancelier, mais aussi Alfred Hugenberg (Économie et Agriculture), Werner von Blomberg (Défense),  Konstantin von Neurath (Affaires étrangères) et Franz Günther (Justice). Chez les Nazis, on trouve Hermann Göring (Ministre sans portefeuille), Franz Stadle (Travail) et Wilhelm Frick (Intérieur).

– A ce moment, beaucoup espère que le gouvernement de Hitler sera encadré, avec Paul von Hindenburg comme garant du respect de la Constitution. Mais la célèbre photo où l’on voit l’ancien caporal, artiste-peintre raté et faux héros de guerre, s’incliner respectueusement devant la stature du vainqueur de Tannenberg ne doit pas duper. Hitler joue des idées réactionnaires de Hindenburg pour lui faire signer l’Ordonnance de protection du Peuple qui permet aux Nazis de faire main basse sur l’administration et la police. Il contribue également à réduire davantage les libertés individuelles en signant la Reichstagsverbandordnung suite à l’incendie du Reichstag qui sert bien les objectifs nazis. En 1934, Hindenburg somme le Chancelier de mettre fin à l’agitation révolutionnaire des SA (7) menés par Ernst Röhm (Discours de Marbourg). Fort de se soutien en somme toute légale, Hitler liquide la SA et Röhm lors de la Nuit des Longs couteaux. Gregor Strasser disparaît lui aussi, ce qui arrange du monde au sein du Parti nazi.

– Fatigué et malade (il est affligé d’un cancer du poumon), Paul von Hindenburg s’éteint à quatre-vingt-six ans le 2 août 1934 dans sa résidence de Neudeck. Hitler qui s’est bien servi de lui pour asseoir son pouvoir, lui fait cependant de grandioses funérailles à Tannenberg. Le vieux maréchal y est enseveli. Le jour des obsèques, Erich Ludendorff ne daigne pas se déplacer En 1945, le cercueil de von Hindenburg sera évacué à Marbourg, dans l’église Sankta-Elizabetha.

Merci à Dagmar et Antony pour leur aide sur la période weimarienne.


(1) FOLEY R. : « A new Form of Warfare. Erich von Falkenhayn’s Plan for Victory. 1916 »
(2) E. von Falkenhayn est néanmoins nommé commandant des forces germano-autrichiennes rassemblées pour envahir la Roumanie. Il s’acquiert de sa tâche face à une armée faiblement équipée mais dans un terrain difficile, bien épaulée par Eberhard von Mackensen.
(3) LE NAOUR J-Y.: « 1917. La paix impossible », Perrin
(4) Durant l’été 1917, Kerenski et Broussilov lancent des offensives à Riga et en Galicie afin d’honorer l’engagement pris auprès des alliés par le Tsar et Nikolaiev. Mais elles se terminent par des catastrophes qui laminent une armée au bout du rouleau et discrédite le Gouvernement révolutionnaire.
(5) Tout historien sérieux dira que la légende a été savamment grossie sous Weimar. En octobre-novembre 1918, l’Armée allemande est épuisée et n’a plus les moyens de tenir ses positions à l’Ouest. Il aurait suffi que Londres et Washington laissassent Foch lancer sa grande offensive prévue sur Metz et passer le Rhin pour le prouver.
(6) Par l’entremise du Cardinal Eugenio Pacelli, Pie XI encouragea le Zentrum à faire alliance avec le SPD pour éviter à celui-ci de former une coalition avec la gauche révolutionnaire.
(7) Les discours à tonalité révolutionnaire d’Ernst Röhm inquiète les formations de droite classique, d’autant que la SA est particulièrement puissante avec ses dizaines de milliers de chemises brunes. Du coup, Hitler fait coup double en se débarrassant de son principal rival. L’assassinat des chefs de la SA fait aussi monter les SS de Himmler. Enfin, les cadres de la SA seront intégrés à la nouvelle Wehrmacht, voire à la Waffen-SS.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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