Chemin des Dames 1 – Le plan français

Nous avons vu dans deux précédents articles le contexte stratégique qui va mener à l’offensive du Chemin des Dames. (1) Voyons maintenant les préparatifs tactiques en tant que tel mais aussi comment Nivelle eut maille à partir avec Alfred Micheler pour appliquer ses ordres. Il sera ici également question des raisons tactiques qui ont mené à l’échec du plan du Généralissime, comme du déroulé de la bataille

DSCF9641
Plateau de Craonne (fonds personnel)

1 – LE PLAN DE NIVELLE OU LE GRAND RETOUR DE LA MANŒUVRE  

A – Trouver la percée

– Lorsque-il parle des nouvelles méthodes opératoires avec lesquelles il espère briser le front ennemi, Nivelle n’hésite-t-il pas à déclarer : « J’insiste sur le caractère de violence, de brutalité et de rapidité que doit revêtir notre offensive et, en particulier, son premier acte: la rupture, visant du premier coup la conquête des positions de l’ennemi et de toute la zone occupée par l’artillerie. L’exploitation doit suivre la rupture sans arrêt. » Bref, au GQG, l’enthousiasme prime quant au retour des grandes offensives façon Grande Armée napoléonienne.

– Pour percer le front allemand, Nivelle et le Grand Etat-Major étudient plusieurs possibilités. La région comprise entre les Flandres et le Canal de la Bassée est trop étroite pour une offensive de grande envergure. Celle comprise entre Arras et Bapaume est plus propice mais c’est la partie du front formant une équerre entre l’Oise et l’Aisne – entre Picardie et Champagne –  qui est retenue. C’est alors que survient la Révolution Russe et l’abdication de Nicolas II. Le Gouvernement Ribot est alors inquiet quant aux engagements militaires de la Russie. Ils seront temporairement rassurés plus tard lorsque le Gouvernement Provisoire de Kerenski relancera une offensive quelques semaines plus tard, ce qui causera en partie sa perte… Par conséquent, Britanniques et Français veulent accélérer la reprise de l’offensive pour inciter Saint-Pétersbourg à ne pas retirer du conflit une armée russe déjà bien mal en point. Sauf que Douglas Haig, pour des raisons touchant autant à son ego surdimensionné et à des considérations politiques met de la mauvaise volonté à exécuter sa part du plan (2). Du coup, Nivelle qui prévoyait son offensive pour février doit la reporter en avril. Et la date choisie est finalement celle du 16.

– Nous l’avons dit, ce que veut Nivelle, c’est lancer une offensive bien plus importante que celle déclenchée par von Falkenhayn à Verdun afin de « détruire la masse principale des forces ennemies sur le front occidental ». Le Généralissime veut donc clairement fixer l’ennemi sur une partie du front, tout en lançant deux autres attaques « échelonnées dans le temps » dans deux autres régions différentes. Donc, comme nous l’avons montré plus haut, les Britanniques sont en charge de l’offensive entre Arras et Bapaume (First et Third Armies britanniques), vers Saint-Quentin et sur Givenchy-en-Gohelle. De leur côté, les Français doivent percer entre Reims et le Canal Aisne-Oise (Nivelle) mais aussi lancer deux offensives de diversion dans la vallée de l’Oise. Cette mission est confiée au Groupes d’Armées Nord (GAN) de Franchet d’Espérey. Celui-ci doit alors donner ordre à Georges Humbert (IIIe Armée) et à Emile Fayolle (Ire Armée) de lâcher plusieurs de leurs divisions contre les positions allemandes entre Laon et Saint-Quentin. Franchet répond à Nivelle qu’il attaquera mais qu’il est un certain du résultat (3). Aussitôt la percée obtenue, l’Armée française doit élargir la brèche et maintenir deux « mâchoires » ouvertes, afin de permettre au second échelon offensif d’enfoncer le front allemand sur l’axe Craonne-Guise, pendant qu’une seconde attaque secondaire sur l’axe Roye-Lassigny doit permettre la reprise de Saint-Quentin. Mais ce que vise tout bonnement Nivelle, c’est de repousser les Allemands sur la Meuse et Charleville-Mézières. Rien que ça !

– Dans la préparation de son offensive, Nivelle peut compter sur le concours de son fidèle subordonné Charles Mangin. Nivelle apprécie ce fonceur qui lui a rendu de fiers services à Verdun. Pourtant, l’officier colonial est loin de faire l’unanimité chez ses pairs et ses collègues. Natif de Sarrelouis, Mangin est enfant quand sa famille connaît l’exil suite à la Guerre de 1870, d’où une nette imprégnation chez lui de l’esprit de revanche. Sorti de Saint-Cyr, Mangin a fait toute sa carrière dans les troupes coloniales en Afrique. Il est notamment à l’origine de la création de la « Force Noire » (titre de son livre) afin d’épauler l’armée en Métropole en cas de conflit majeur. Promu Général de Brigade en 1913, il commande la 5e Division d’Infanterie levée à Rouen. En 1914, il participe à la bataille de Charleroi, puis aux combats d’Artois. En 1916, toujours à la tête de la 5e Division, il prend part aux combats de Verdun. Recevant l’ordre de Nivelle de reprendre le Fort de Douaumont en mai, il échoue après trois assauts stériles et perd plus de 5 000 hommes dans l’affaire. Fonceur, flamboyant et original (il promène avec lui son ordonnance bambara dévoué, Baba Koulibaly), l’homme ne fait pas l’unanimité chez ses pairs er collègues. Nombreux sont ceux qui le considèrent comme une tête brûlée et un exalté. Mais Nivelle le garde avec lui à Verdun et lui confie les opérations de la reprise du Fort de Douaumont. Et là, Mangin montre du talent dans l’utilisation de l’artillerie lourde et la coordination chronométrée entre bouches à feu et baïonnettes.

mangin
Charles Mangin

– La portion de la ligne de front choisie par Nivelle est l’une de celles restées assez calmes depuis l’automne 1914, soit une ligne allant de l’Est du Fort de la Malmaison jusqu’à Berry-au-Bac, en passant par Craonne, Vauclerc et Bray. Quand on se penche sur la carte, on remarque que ladite portion du front est en angle droit. Mais la percée principale doit s’effectuer sur le Chemin des Dames sis le Plateau de Craonne. Le site porte ce nom un brin bucolique en référence aux filles de Louis XV de passage dans la région. Et une autre bataille y eut lieu en 1814, à l’issue de laquelle Napoléon Ier repoussa les forces Russes.
Si stratégiquement le plan de Nivelle est particulièrement ambitieux, sa tactique d’assaut n’est pas originale en soit. Il s’agit de percer à l’issue d’une attaque frontale, puis d’exploiter la brèche entre l’Aisne et l’Ailette avec la Xe Armée. Et lorsque les conditions de la percée seront obtenues, Denis Duchêne pourra lâcher ses deux Corps de Cavalerie pour exploiter davantage français et agir directement sur les arrières allemands. Et sitôt la percée obtenue, Mangin prévoit tout simplement de faire avancer les troupes françaises de 9 km par jour ! Enfin, Nivelle a conscience qu’il va attaquer dans un point du front allemand particulièrement fortifié, d’autant plus que les terres calcaires du Laonnois ont permis à l’ennemi de renforcer ses positions en bon nombre d’abris en dur. Mais le Généralissime, qui fait la guerre comme au XIXe siècle, compte bien sur l’élan de ses fantassins pour emporter la décision. Mais il ne tient nullement compte de la capacité des Allemands à acheminer rapidement des réserves grâce au chemin de fer. Or, l’expérience des offensives manquées d’Artois et de Champagne ont bien montré que l’acheminement des réserves françaises sont rendues particulièrement difficiles à cause des difficultés du terrain.

Dans le détail et sur le plan tactique, l’offensive de Nivelle sur le Chemin des Dames doit se dérouler comme suit.

1 – La Ve Armée d’Olivier Mazel doit ouvrir le « battant » Est sur la ligne en « L » inversé Craonne – Juvincourt – Berry-au-Bac – Berméricourt – Courcy, tenue par la VII. Armee allemande de Max von Böhn forte de 14 Diviisons. Le Ier CA de Muteau doit forcer le versant est du Plateau de Craonne ; le Ve CA de Baucheron de Boissoudy doit « bondir » depuis l’Aisne pour forcer le front ennemi à Juvincourt ; le XXXIIe CA de Passaga doit rompre les lignes allemandes entre Berry-au-Bac et Berméricourt pendant que la VIIe CA de Bazelaire doit faire de même entre Berméricourt et Loivre.

2 – La VIe Armée de Mangin doit actionner le « battant » nord contre la I. Armee de Fritz von Below sur la ligne Laffaux – Craonne et forcer le Chemin des Dames. Le IerCA de Berdoulat (2nde et 3e DIC) doit attaquer sur un axe sud-ouest – nord-est juste à l’Est de Laffaux sur la route Soissons – Laffaux, au Mont de Laffaux et à Moisy ; le VIeCorps d’Antoine de Mitry doit s’élancer à travers Vailly et percer le Chemin des Dames entre Laffaux et Grisons ; enfin le XXe CA de Mazillier et le IInd Corps d’Infanterie Colonial de Blondlat (Tirailleurs Sénégalais et Infanterie de Marine) doivent percer entre Grisons et Craonne.

 

– Mais s’il y a au moins une chose que Nivelle a retenue, c’est le rôle prépondérant de l’artillerie. Il  compte donc sur la puissance de feu des bouches à feu françaises pour créer des brèches par lesquelles les fantassins Métropolitains et Coloniaux doivent s’engouffrer dans le dispositif ennemi. Pour cela, le commandant en chef français mobilise une artillerie considérable, avec près de  5 millions d’obus consommables afin d’écraser les positions allemandes. Le plan de feu est semblable à celui employé pour la reprise des Forts de Vaux et de Douaumont. Les canons et obusiers de campagne pilonneront les tranchées allemandes et les lignes de communication, tandis que les pièces lourdes de l’ALGP (Artillerie lourde à grande puissance) et celles montées sur rail de l’ALVF (Artillerie lourde sur voie ferrée) pilonneront des objectifs dans la profondeur du dispositif allemand et maintiendront un tir d’interdiction. De son côté, selon le plan tracé par Mangin qui se fonde également sur son expérience récente, l’infanterie devra avancer par « bonds » de 100 m derrière un barrage continu. Enfin, depuis le début de l’année, les positions d’artillerie allemande sont repérées et soigneusement relevées par l’Aviation française. Sauf que l’aviation allemande riposte et vient disputer le ciel aux Français. Et les Allemands trouvent dans ces patrouilles aériennes ennemies une raison valable de se méfier.

chemin-des-dames-premiere-guerre-mondiale-site-histoire-historyweb-31

B – Un plan critiqué, mais appliqué

– Pour commander le G.A.R, Nivelle pense d’abord à Pétain qui décline. Il confie alors la grande formation à Alfred Micheler qui avait commandé la Xe Armée dans la boue de la Somme à l’automne 1916, sans un grand succès. Peu charismatique, Micheler qui affiche une barbe de haut-fonctionnaire ou de professeur d’universitaire, est un ancien condisciple de Nivelle à l’Ecole de Guerre. Mais il a aussi l’avantage d’être un ami d’Antonin Dubost, l’indéboulonnable président du Sénat. Le 7 janvier, Micheler dresse un plan dans lequel il prévoit une percée le jour même ou à J+1. Son expérience sur la Somme lui fait dire que les troupes françaises se fatigueront après la percée obtenue et que mieux vaut une avance plus lente mais constante. Mais il se fait tancer par un Nivelle confiance qui lance « marchez ! Tout s’arrangera. » (4) De quoi donner confiance. Seulement, Micheler ne s’arrête pas là et fait la tournée des popotes auprès des généraux de corps d’armée pour les sonder. A force de questions, il instille le doute, même auprès des plus enthousiastes. Seulement, Mangin n’apprécie guère les menées de son supérieur hiérarchique et lui passe par-dessus la tête, considérant Nivelle comme son seul général. Du coup, Mangin ignore chaque remarquer de Micheler et décide de n’obéir qu’au Généralissime.

– Mais bientôt, le doute plane en haut-lieu. Nommé Ministre de Guerre du Gouvernement Ribot, le scientifique et radical-socialiste Paul Painlevé se montre très vite peu enthousiaste à l’idée d’une nouvelle offensive. Idée qui l’avait déjà incité à démissionner de son Ministère de l’Instruction Publique en décembre 1916. Seulement, le 21 mars, Ribot a demandé à Painlevé de soutenir le GQG, ce à quoi le Ministre de la Guerre consent. Le lendemain 22 mars, Painlevé reçoit Nivelle qui expose son plan autant qu’il exprime son enthousiasme. Mais le Ministre n’en croit rien. Le 23, Painlevé se fait remettre une note par l’ancien Ministre Charles de Freycinet. La note, rédigée suite à une enquête au front, fait état de l’angoisse d’un colonel de l’état-major du GAR : « conditions de l’attaque préoccupantes », « offensive prématurée », « vagues d’assauts qui se télescoperont » et « défenses ennemies minutieusement préparées ». Seul infléchissement, Nivelle considère qu’au bout de 30 km, ses divisions seront fatiguées ! Marque du peu de crédibilité que renvoient Nivelle et son plan, Franchet d’Espèrey explique qu’il risque de frapper dans l’inconnu et Fayolle se verrait bien ne rien tenter (4). Du coup, Painlevé décide de sonder les généraux derrière la ligne de front et trouve le même refrain cher Micheler – qui se trouve nerveusement à bout – et chez Pétain. « Précis le sec » détaille ce qui ne va pas, estimant que si la première position allemande tombe, les divisions d’attaque n’iront pas plus loin et les pertes seront lourdes.

portrait1
Paul Painlevé

– Mais les déplacements de Painlevé alertent Nivelle qui n’apprécie pas qu’on empiète sur ses plates-bandes. Il ordonne que l’on continue de préparer l’offensive. Et quand Micheler le supplie de mettre fin à l’offensive – jusqu’à menace de démissionner –, Nivelle humilie son ancien condisciple (5). Du 26 au 31 mars, Nivelle rencontre de nouveau Painlevé qui lui demande de ne lancer que des offensives limitées, au moins pour dégager les régions de Laon et de Moronvillers. Mais Nivelle balaie cette possibilité de la main arguant que ça ne mènera qu’à un succès médiocres et ça n’est pas dans ses ambitions. Or, le 31 mars, un aéropage formé de Poincaré, Paul Deschanel et Dubost se rend en visite sur le Front et s’arrête au QG de Pétain à Epernay. Micheler les retrouve le 2 avril. Pétain n’est pas là mais Nivelle si. Micheler exprime le fond de sa pensée, allant jusqu’à estimer qu’un envoi de troupes sur le Front italien serait plus utile mais Nivelle le rabroue sévèrement. Mais Painlevé se range du côté de l’infortuné Micheler et le 1er avril retrouve Pétain à Châlons. Le commandant du GAE répète au Ministre que l’offensive aboutira à un échec car les Allemands pourront acheminer des réserves rapidement. Painlevé décide alors de réunir une conférence pour le lendemain à son Ministère. S’y retrouvent donc Painlevé, l’Amiral Lacaze, Franchet d’Espèrey, Ribot, Thomas et Pétain. Ce dernier dit tout haut ce qu’il pense, ce qui estomaque Albert Thomas fervent partisan de l’offensive. Painlevé menace de démissionner mais Pétain l’en dissuade, alors qu’une réunion du Comité de Guerre doit se tenir le lendemain 3 avril, en présence de Nivelle qui en est averti par un Pétain loyal. Evidemment, le Généralissime s’en trouve courroucé (6).

02-07_ribot_portrait_lightbox
Alexandre Ribot

– Ladite réunion du Comité de Guerre se passe dans une atmosphère électrique. Poincaré reproche à Painlevé de décrédibiliser le Comité de Guerre. Or, Nivelle – qui n’est pas à préparer son offensive à son QG – se lance dans un monologue, carte à  l’appui, dans lequel il assure que la rupture sera obtenue. Toutefois, on trouve un consensus : Nivelle devra arrêter son offensive s’il n’obtient pas la percée décisive. Mais les jours suivants ne sont guère de tout repos. Le 10 avril, se rendant incohérent, Nivelle parle autant de « rupture » que de « succès honorable », ce qui déroute politiques et militaires. Franchet d’Espèrey et Fayolle sont atterrés. Plus grave, Olivier Mazel, le commandant de la Ve Armée chargée de l’attaque sur le « battant » est doute sérieusement du plan de son supérieur. Le 5 avril, Micheler qui n’en peut plus somme Nivelle de ne pas se fier à Mangin et menace de démissionner. Nivelle refuse la démission et maintient Micheler à la tête du GAR. Mais une telle menace est bien la marque d’une crise de confiance aux échelons supérieurs. Et le 6, Adolphe Messimy alors député remet une lettre à Ribot pour le supplier d’annuler l’attaque. Or, Ribot doit essayer d’arbitrer l’affrontement entre Painlevé et Poincaré, rôle pour lequel il n’est pas véritablement taillé.

– Finalement, on décide de la réunion d’un comité de Guerre exceptionnel mais discrétionnaire. S’y trouvent Ribot, Poincaré, Lacaze, Thomas, Nivelle, de Castelnau, Pétain, Franchet d’Espèrey et Micheler. Nivelle ne veut rien changer. En face, Painlevé veut attendre les Américains tout en acceptant le principe d’une offensive limitée. Franchet d’Espèrey assure qu’il obéira à l’ordre d’attaque mais dit clairement que le résultat est incertain Le patron du Groupe d’Armées Nord (GAN) souhaite alors ouvrir la porte à Micheler dont il attend un geste fort. Mais à sa grande déception, sans doute à bout et résigné, Micheler ne remet rien en cause. Et les rares réserves qu’il émet lui valent encore de se faire humilier par Nivelle. Du coup, le rôle du contestataire en chef est tenu par Pétain, qui voit sa démonstration hachée par les prises de paroles intempestives de Poincaré. Ulcéré que son plan génial soit remis en cause depuis près de deux semaines, Nivelle s’énerve et menace de démissionner. Le coup de poker menteur est gagnant, puisque les ministres s’en trouvent pris de court. Mais le coup était prémédité et Pétain s’en doutait (7). Mais rien à faire, les Ministres trouvent au moins un consensus. Nivelle doit rester à la tête du GQG.

– Au sortir du train, selon Jacques Helbronner (chef de Cabinet de Painlevé), Franchet d’Esperey est furieux… contre Micheler qu’il traite presque de dégonflé avec des mots plus châtiés. Et chaque général repart soucieux, excepté Nivelle.

 

micheler
Portrait d’Alfred Micheler

C– Les Français : forces et moyens déployés

– Pour son offensive, Nivelle mobilise le Groupement d’Armées de Réserve (G.A.R.) commandé par le Général Alfred Micheler. Le G.A.R. aligne donc les effectifs suivants :

Capture
– Si l’on peut faire cas à part des divisions de cavalerie quelque peu « réactivées » pour l’offensive (alors qu’en 1915, nombreux ont été les régiments « démontés » pour garnir les lignes), les Divisions d’Infanterie française sont en majorité des unités aguerries dans les combats de tranchées de Verdun et de la Somme. Les Poilus qui ont survécu jusque-là ont pu connaître, la Marne, les batailles de 1915, Verdun et la Somme. Et grâce aux
ont vu leurs effectifs décroître en raison des saignées d’effectifs. Du coup, en 1917, le nombre de soldats incorporés tourne autour de 14 000 – 15 000, avec plus de la moitié dans les deux brigades d’infanterie. Mais deux 12 bataillons (donc 4 régiments en moyenne), on est passé à 9 bataillons (3 régiments). Par conséquent, la Brigade qui prévalait jusque-là dans l’articulation de la division a perdu de sa valeur, alors que le régiment prend de l’importance. En revanche, le bataillon reste l’unité tactique, avec 3 compagnies passées de 250 à 150-170 soldats. Outre les régiments d’infanterie, l’Armée française compte également les Bataillons de Chasseurs (à pieds et alpins). Utilisés comme infanterie mobile et rapide en 1914, il se sont vu mener le même type de combat que l’infanterie dans la guerre de position. Comptant 1 100 hommes en moyenne en 1916, leurs effectifs ont été également revus à la baisse en 1917 pour tourner aux alentours de 800. Mais si l’Infanterie perd en hommes, elle a gagné en puissance de feu. Ainsi, chaque bataillon compte 48 fusils-mitrailleurs FM Chauchat (16 par compagnie) et 12 mitrailleuses Hotchkiss (3 sections de 4 armes). Enfin, inutile de revenir sur l’appoint de Tromblons Vivien-Bessières (fusil lance-grenades) et de l’augmentation de la part des grenades à main dans les combats de tranchée.

– Ce sont donc, trois armées rassemblant près de 1 million d’hommes qui doivent percer le front allemand, avec l’appui de 5 343 canons de différents calibres. Pour les acheminer et les ravitailler, un effort logistique considérable est accompli, avec le concours de 22 000 territoriaux. On aménage 353 km de voies ferrées permettant la circulation de 45 000 wagons et 155 km de routes. Ce sont 752 sections automobiles qui acheminent les « poilus » sur le front Aisne-Champagne, ce qui traduit une motorisation considérable pour l’Armée française. Enfin, les fournitures en munitions peuvent donner le tournis : 23 millions d’obus de 75 mm, 2 millions de 120, 3,5 millions de 155, 300 000 de 220, 27 000 de 280 et 37 000 de 320.

– D’autre part, suivant l’exemple des Britanniques sur la Somme l’année précédente, les Français décident de déployer les nouveaux chars Schneider et Saint-Chamond pour appuyer l’infanterie (Saint-Chamond) et forcer les barrages de barbelés (Schneider).
Mais le lancement de véhicules blindés conçus pour faciliter le franchissement des lignes de barbelés date de 1915, quasiment au même moment où Ernest Swinton travaille sur la même problématique. Le Colonel Jean Estienne, le député socialiste Jules-Louis Breton et l’ingénieur Eugène Brillié proposent à Joffre un prototype. Après plusieurs démarches épistolaires et faisant jouer leurs relations Estienne et Breton finissent par convaincre le GQG (via le Général Janin) et le Ministère de l’Armement qui confie le développement d’engins à Albert Thomas, alors Sous-secrétaire d’état à la production d’armement. Sauf que si Estienne planche sur un modèle, Thomas demande des travaux accélérés à partir du tracteur Holt, déjà repris par les Britanniques. Du coup, les deux modèles engagés à Berry-au-Bac naissent d’une concurrence industrielle, avec Brillié comme dénominateur commun. En effet, Brillié présente son premier modèle de char d’assaut à Schneider qui la rejette.
La conception du Schneider CA1 a été particulièrement hâtive. Commandé aux usines du Creusot pour un délai de 15 jours, l’engin doit avoir comme impératif le franchissement des tranchées. Du coup, les ingénieurs Schneider reprennent le tracteur d’artillerie Holt auquel ils ajoutent tout simplement une casemate et de l’armement. Après un essai le 16 juin 1915 effectué devant Raymond Poincaré, Albert Thomas en commande 400. Avec un avent « en pointe » et doté d’un rostre en acier pour arracher les barbelés, le Schneider est particulièrement lent (5 km/h sur route contre de 2-3 en tout terrain) et peu ergonomique car étroit (notamment le poste de pilotage). Pire, il est mal protégé et vulnérable aux balles allemandes, notamment les modèles « K » à noyau en acier. Embarquant un équipage de trois hommes, il a pour armement une mitrailleuse Hotchkiss et un canon court en casemate. Mais le 16 avril, en raison de pannes successives, la Ve Armée n’aligne que 208 Schneider sur 242 prévus pour l’attaque.

– Le Saint-Chamond est lui aussi conçu en 1915. Après avoir sa proposition rejetée par Schneider, Eugène Brillié va tout simplement proposer son prototype aux usines Saint-Chamond. Celle-ci accepte et le développement de l’engin est lancé avec l’aide d’Emile Rimailho, l’un des concepteurs du canon de 75 Modèle 1897. Il se veut mieux armé car pensé moins comme un enfonceur de fils barbelés mais comme un appui-feu roulant. Plus grand et un peu plus spacieux, il est pensé pour accueillir un pilote et tireur. Et il est même mieux profilé, avec des lignes inclinées à l’avant pour laisser rouler les grandes. Si le Saint-Chamond affiche quand même une vitesse sur route honorable (pour l’époque) de 12 km (contre 5 en tout-terrain) grâce à son moteur Panhard et Levassor. Mais l’engin est un peu mieux conçu que le Schneider, avec des patins de chenille plus larges, des rouleaux de stabilisation à l’avant et même une transmission électrique Crochat-Colardeau. En revanche, il n’est agile que sur des surfaces planes et les routes en dur. Utilisé en terrain accidenté, le Saint-Chamond est victime de détériorations de ses patins de chenilles, de médiocre qualité. Le 16 avril, les Français alignent 48 Saint-Chamond.

– Les chars français sont rassemblés sous l’égide de l’Artillerie – le Groupement d’Artillerie Spéciale (AS) du Commandant Louis Bossut – et non pas de la Cavalerie comme ça sera le cas après la Grande Guerre. A la veille de l’offensive du Chemin des Dames, le GAS est scindé en 5 unités (AS2, AS4, AS5, AS6, AS7 et AS9) comptant chacune une quarantaine d’engins. En raison du manque de transmission sans fil, les chefs de chars sont forcés de prendre leurs ordres par écrit et de bien connaître les zones qu’ils doivent attaque, ce qui bien sûr impose la bonne réception de photos aériennes et l’établissement de cartes précises. Lors des attaques, les blindés des chefs d’unités sont reconnaissables par des fanions ou des marques peintes. Comme pour l’aviation, les équipages de chars d’assaut sont composés de soldats volontaires appartenant aux diverses armes. La part des artilleurs est importante, mais on compte également des Fantassins, des Zouaves, des Légionnaires, des Sapeurs et même des marins. Les soldats reçoivent un entraînement spécial et doivent compter sur le savoir-faire des pilotes. Enfin, l’arrivée de ses engins nécessite d’installer de nouveaux ateliers pour l’entretien et les réparations dont ils font souvent l’objet.

bossut1
Le Commandant Louis Bossut (avec le képi), commandant du GAS


(1) Voir les liens suivant : https://acierettranchees.wordpress.com/2017/04/11/nivelle-general-en-manque-de-legitimite/ & https://acierettranchees.wordpress.com/2017/04/13/1917-le-piege-de-loffensive/
(2) Voir le lien suivant :
(3) LE NAOUR J-Y. : « 1917. La Paix impossible », Perrin, Paris, 2014
(4) Ibid.
(5) Ibid.
(6) Cité in LE NAOUR J-Y., « 1917. La Paix impossible », Perrin, Paris, 2014
(7) Ibid.

 

 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :