Dans la logique du plan d’offensives de Joffre retravaillé par Nivelle au début de l’année 1917, les Britanniques doivent lancer une série d’offensives limitées entre la Scarpe et l’Oise, afin de fixer des troupes allemandes tandis que les Français perceront sur l’Aisne. Comme le montre bien Jean-Yves Le Naour, Haig se montre d’abord courroucé à l’idée de recevoir les ordres directs d’un français et va d’abord s’employer – avec le concours de William Robertson (Chef de l’état-major impérial) à saper le projet de commandement unique, un temps approuvé par Briand et Lloyd-George. Finalement et toujours de mauvaise grâce, Haig accepte de lancer une série d’offensives limitée entre Arras et Roye, alors qu’il projette sa vaste offensive dans les Flandres. Il fixe donc comme objectifs la Crête de Vimy à la Ist Army de Henry Horne, tandis que les IIIrd (Allenby) et Vth (Gough) Armies devront attaquer entre Monchy-le-Preux et Bullecourt. Ainsi, l’offensive de Vimy n’est pas une attaque isolée mais fait partie d’un plan d’opération plus large qui n’aura pas les résultats escomptés. Haig confie la mission de prendre la Crête de Vimy au Canadian Corps du Lieutenant-General Julian Byng.
1 – VIMY : UN SECTEUR CONVOITE PAR LES ALLIES
– En mars 1917, le secteur d’Arras se trouve partagé entre l’aile droite de la Ist Army de Henry Horne et l’aile gauche de la IIIrd Army d’Edmund Allenby. La Crête de Vimy a déjà fait l’objet de plusieurs combats. Elle est prise par les Allemands lors de l’offensive de l’été 1914, ce qui leur offre un très bon observatoire pour le réglage des tirs d’artillerie. En mars, juin et septembre 1915, les Français sous le commandement de Ferdinand Foch tentent de s’en emparer mais sans grand succès. Et durant l’année 1916, le secteur de Vimy fait l’objet d’un intense duel de tunneliers britanniques et allemands, marqué par des sapes, des contre-sapes et des affrontements sous terre et dans l’obscurité.
– Le choix de Julian Byng pour diriger l’assaut n’est pas dû au hasard. Le général britannique a fait connaissance avec ce terrain dès février 1916 quand son XVIIth Corps a relevé les unités françaises envoyés renforcer le front de Verdun. Pur produit de l’aristocratie britannique, Julian Byng (1862-1935) est issu de la lignée des Earls of Stafford qui a donné plusieurs ministres à la Couronne. Son père est même ami du Prince de Galles. Bien qu’ayant déjà quatre frères dans les rangs de l’Armée de Victoria, Julian Byng s’engage comme volontaire en 1879 après sa scolarité à Eton. Breveté (« Commissoned ») Lieutenant, il sert dans la Cavalerie en Grande-Bretagne, en Inde, au Soudan et en Afrique du Sud durant la Guerre des Boers. Puis, il sert plusieurs années au sein de l’Etat-major impérial. A la veille de la Première Guerre mondiale, il commande les forces britanniques en Egypte.
– Quand le conflit éclate, Julian Byng commande la 3rd Cavalry Division en France et se distingue à Ypres. D’apparence terne et réservée, Byng – quoique cavalier – se démarque de Haig en s’intéressant à l’utilisation de l’artillerie. Populaire auprès des soldats, il empoigne également son banjo. En 1915, il prend le commandant du IXth Corps qui participe à la Bataille de Gallipoli. Byng constate davantage l’enlisement mais sous le commandement de Charles Monro, il contribue à l’évacuation réussie du Corps expéditionnaire allié en janvier 1916. Au printemps 1916, en remplacement d’Edwin Alderson, Haig place Byng à la tête du Canadian Corps (Corps Canadien) qui regroupe les 4 divisions levées dans le Dominion. L’exemple n’est pas rare, car les Dominions ne disposent pas de gradés « autochtones ». Donc, le War Office en confie le commandement à des généraux britanniques. C’est le cas pour les forces l’ANZAC (Australiens et Néo-Zélandais) commandées par William Birdwood et Alexander Godley.
C’est à la tête du Canadian Corps que Julian Byng va faire ses preuves. Pourtant, les débuts du Canadien Corps sur la Somme en septembre (Ferme du Mouquet, Le Transloy, Crête de Thiepval) ne sont guère concluant. Pire, il s’attire les critiques – infondées – de Hubert Gough, commandant de la Reserve Army et protégé de Haig. Byng nourrit alors une animosité grandissante pour Gough.
– Enfin, quand Byng reçoit l’ordre de prendre la Crête de Vimy, il s’apprête à donner un cadeau politique du dominion d’outre-Atlantique. En effet, c’est la première fois que les quatre divisions canadiennes seront engagées ensemble dans une même offensive. Jusque-là, elles n’avaient été engagées qu’individuellement ou par deux durant les combats de 1915-1916. Et Vimy aura pour le Canada les mêmes effets que Gallipoli pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Un paradoxe pour un général britannique de vieille souche…

2 – UNE PRÉPARATION MINUTIEUSE
A – Le plan offensif et la préparation d’infanterie
– Julian Byng se rend vite compte que trois défis l’attendent. Le premier est d’utiliser son artillerie autrement qu’avec la simple concentration de feu. Deuxièmement, il faut répondre à l’impériale nécessite de protéger l’infanterie d’assaut durant le choc. Enfin, l’infanterie doit être utilisée de manière plus perfectionnée, sinon sophistiquée, bien loin de l’image des premières « mousqueteries » de la Bataille de Mons en 1914. En 1917, le soldat britannique ou canadien a acquis un « visage » plus contemporain, plus proche de ses héritiers d’aujourd’hui, excepté les moyens de communication encore expérimentaux (2). En tout cas force est de constater que Byng et son état-major font de l’anti-Nivelle en termes de préparation offensive.
– Afin de se faire une idée de la question des défenses allemandes, Arthur Currie (commandant de la 1st Canadian Division), ainsi que plusieurs officiers de l’état-major du Canadian Corps du GHQ sont envoyés dans le secteur de Verdun pour visiter les défenses allemandes. Le Général Canadien en profite pour échanger avec les Français sur la coopération infanterie-artillerie. Mais il est déçu du résultat car chacun de ses collègues français livre des explications et des interprétations différentes (3). Et les méthodes employées varient d’une unité à une autre.
– L’emploi des bombardements de plusieurs jours a montré que l’effet de surprise ne joue plus. Les commandants allemands peuvent anticiper les mouvements ennemis et rameuter des réserves par route mais surtout par rail, ce qui leur donne l’avantage dans les opérations et la logistique. A l’inverse, les bombardements courts permettent certes de conserver l’effet de surprise mais n’endommagent que partiellement – voire très peu – les secteurs fortifiés en dur. Pour pallier à ce problème, l’infanterie doit avancer avec un équipement lourd, bien dotée en grenades et sous le couvert d’obus fumigènes. L’emploi des fumigènes chez les Britanniques, a été testé pour la première fois avec un certain succès en septembre 1915 lors de la Bataille de Loos. Mais comme montré lors de la Bataille de la Somme, la consolidation des positions défensives devient problématique dès lors que les Allemands conservent l’avantage des lignes intérieures.
– Pendant que Currie et ses collègues se renseignent auprès des Français, Byng et son état-major préparent leur offensive. A l’image des batailles précédentes, l’attaque n’est ni plus ni moins qu’un assaut frontal en somme toute classique. Ainsi, la crête de Vimy est scindée en plusieurs objectifs successifs désignés par des couleurs : « Black », « Red », « Blue » et « Brown ». Le secteur sud est attribué à la 1st Canadian Division d’Arthur Currie, le secteur de Thellus à la 2nd Canadian Division de Henry Burstall, le secteur central et la Ferme de la Folie à la 3rd Canadian Division de Louis Lipsett et enfin, le secteur nord à la 4th Canadian Division de David Watson. Enfin, les Britanniques sont aussi mis à contribution. D’une part, la 73rd Brigade de la 24th Divison (Ist Corps) dit prendre d’assaut Bois-en-Hache au nord de Souchez, afin d’appuyer l’offensive canadienne par le nord. Par mesure de sûreté, Byng maintient en réserve 3 Brigades anglaise prêtées par Horne. Il s’agit des 15th et 95th ponctionnées à la 5th Division, ainsi que la 9th Brigade de la 3rd Division. Et en cas d’échec et d’épuisement de la 4th Division à capturer le « Pimple », Byng ordonne à la 9th Brigade de charger de la mission.
Le point le mieux défendu de la Crête de Vimy est un éperon dominant Givenchy-en-Gohelle appelé « The Pimple » (« le bouton »).
– Enfin, des raids de reconnaissance et de « sondage » des lignes allemandes sont lancés durant le mois de mars par les fameuses « Night Squads », soit des équipes de soldats spécialement entraînés et rompus à ce type de mission. Les Battalions y apportant leur concours se faisant même concurrence. Parmi les raids les plus notables, il y a celui lancé par 800 hommes des 20th et 21st Canadian Battalions qui font plusieurs dizaines de prisonniers et sabotent les installations des tranchées allemandes. D’autres comme le Royal 22nd Regiment (le fameux « Van doos »), formé de Canadiens français et le Princess Patricia’s Light Infantry se lancent dans ce type de petites opérations. Et il y a bien sûr, dans la nuit des 8-9 avril, celui du Captain Stanley Kent (10th Canadian Battalion). Ce dernier se lance de nuit, avec 84 sommes dans une reconnaissance en force des lignes allemandes afin de relever les zones à bombarder le lendemain matin. Au prix d’un tué et de treize blessés, Kent et ses hommes ramènent quatre prisonniers, couverts par un tir « barrage box ». L’action de Kent permet alors obusiers du Canadian Corps d’identifier précisément plusieurs de leurs secteurs cibles (3).
– Mais si le plan proprement tactique n’est guère novateur (à la décharge de Byng, la réalisation d’une manœuvre d’ampleur est impossible) le procédé technique s’est nettement perfectionné depuis l’été 1916. Il faut dire que les Généraux britanniques ont appris des erreurs de la bataille de la Somme. La réussite de l’attaque dépendant du comportement de l’Infanterie, Julian Byng insiste pour que ses fantassins reçoivent une formation poussée. Déjà, en février 1917, le British General Staff publie un manuel intitulé « Instructions for the training of platoons for offensive actions ». Le document met certes l’accent sur le feu et le mouvement mais insiste également sur la destruction des points fortifiés allemands, à l’aide de fusils à grenades. Une véritable doctrine a été aussi mise en place pour l’emploi des petites unités. Ainsi, des objectifs précis doivent être assignés à chaque section et Arthur Currie insiste énormément sur ce point. A ce titre, une maquette de la Crête de Vimy a été constituée suite aux observations à la jumelle ou grâce aux avions. Nombreux sont les officiers qui défilent devant pour intégrer chaque contour des lignes du secteur sur lequel il aura à combattre. Enfin, 45 000 cartes sont distribuées.
– Toutefois, les procédés d’attaque de 1916 n’ont pas complètement disparus. Ainsi, les Canadiens reprennent les lignes du manuel « Training of Divisions for Offensive Action », le « The Red Book » de la IVth Army et les préconisations du Major-General Ivor Maxse (commandant de la 18th Division) ; soit des attaques en trois vagues (1 pour la percée, 1 pour l’appui à la percée et 1 pour la consolidation des premières zones conquises). Mais chacune de ces vagues doit se scinder en plusieurs sections. Sauf que sur la Somme, dans la majorité des cas, lesdites vagues étaient des lignes de soldats qui sont devenues très vite vulnérables sous le feu ennemi. Et puis, les fantassins sont vite devenus vulnérables et séparés des mitrailleurs qui n’ont pu leur fournir un appui. Pour Vimy, les Canadiens perfectionnent ce modèle, d’autant qu’en 1917, l’Infanterie a vu s’accroître sa puissance de feu grâce à l’apport de grenades à fusil N° 3 Mk I et Mk II et des mitrailleuses légères Lewis. Bien que ne disposant d’un chargeur ne contenant que 47 cartouches, la Lewis est une arme fiable et qui peut être portée par un seul homme, lequel bien entraîné peut tirer en mouvement. En outre, la bataille de la Somme a enseigné aux Britanniques que l’effort pour conquérir la troisième ligne émousse l’assaut car le temps que la troisième vague arrive sur les positions conquises, les Allemands se sont ressaisis et peuvent contre-attaquer et bloquer un assaut planifié pour une journée, voire davantage. Sur la Somme, en six mois de combats acharnés, combien d’échec de progression les troupes de Henry Rawlinson et Hubert Gough ont-elles dues digérer ? Mais pour la prise de Vimy, on cherche d’abord la prise d’un objectif limité plutôt que de s’enfoncer dans la profondeur du dispositif ennemi, ce qui doit maintenir en théorie la solidité des unités de tête.
– Pour s’emparer des premières lignes de tranchées allemandes, les officiers canadiens préconisent une attaque en deux vagues. Chaque vague correspond peu ou prou aux 4 Battalions d’une brigade divisionnaire. La première doit conquérir avec ses fighting platoons et consolider les positions acquises avec ses mopping-up platoons. La seconde vague doit relever la première sur les positions conquises et repartir à l’attaque avant d’être relevée à son tour (3).
Chaque vague compte trois lignes. La première est composée de fusiliers (avec officiers et sous-officiers) et lanceurs de grenades (emportant un sac de projectiles supplémentaires). La seconde ligne compte des fusiliers mais aussi une forte proportion de soldats armés de fusils à lance-grenade et de Lewis Guns. Enfin la troisième ligne dite de « consolidation » (« mopping up »), avec armement lourd. Pour s’emparer d’une ligne de tranchée ennemie, le procédé est le suivant : lanceurs de grenades et fusiliers avancent d’abord tout droit avant de tourner le flanc du centre de résistance de l’ennemi (5).
– Byng souhaite que les fantassins puissent communiquer plus facilement avec l’artillerie. Il ordonne à ses unités de transmission de poser 1,44 km de câbles télégraphiques et fils téléphoniques entre l’arrière et les tranchées. Le câblage s’effectue à 7 m du front et à 7 pieds de profondeur. D’autre part, afin d’améliorer la transmission des ordres par voie filaire, les unités de transmission forment des « paquets » de 35 fils directement reliés aux PC divisionnaires (J. Keegan), l’idée étant de « rapprocher » les chefs de divisions et de brigades des Battalions. Mais si les lignes de tranchées peuvent disposer de téléphones, ça n’est pas le cas des fantassins d’attaque, dépourvus de moyens de communications adéquates, ce qui marque une limite technologique certaine. Et les radios sans fils ne donnent pas encore satisfaction. Du coup, on doit en revenir parfois à des procédés employés durant la Bataille de la Somme, comme l’emploi des fanions pour communiquer avec l’aviation. Mais on accroît l’attribution de pistolets lance-fusée éclairante « Very ». D’autre part, la liaison avec l’aviation d’observation (le Be2) est améliorée. Ainsi, des « patrouilles de contact » doivent maintenir le contact avec l’infanterie par intervalles réguliers. Ces patrouilles doivent reporter l’état de l’avance et communiquer grâce à des spots lumineux (morse).
– Quand ils prennent position dans leurs tranchées via les « Subways », les « Canucks » transportent avec eux 170 cartouches, 2 grenades de modèles Mills Bomb, exceptés les grenadiers et les soldats armés de fusils lance-grenades qui en emportent respectivement 12 et 15. Ils sont également armés de leur baïonnette (même si elle servira assez peu), de leur masque à gaz, de sacs de sables (pour consolider les positions conquises), de tapis de sol en caoutchouc et de 2 fusées de signalisation. A cela, s’ajoute tout l’équipement individuel (gourde, cartouchières, besace, etc.). Du côté des mitrailleurs, répartis entre chaque section, les servants de Lewis emportent avec eux 30 chargeurs tambours à 47 coups. Enfin, chaque Battalion compte 130 pelles et 66 pioches pour creuser et aménager des tranchées rapidement, ainsi que 100 pinces pour sectionner les fils barbelés.
B – L’Artillerie : le marteau
– Seconde actrice principale de l’offensive de Vimy, l’artillerie anglo-canadienne a pour mission d’assommer la défense allemande de la Crête mais aussi d’empêcher les réserves de parvenir aux premières lignes. Souhaitant également que ses fantassins avancent avec un sécurité maxima, Byng veut faire taire les tubes allemands durant sa préparation, pendant l’attaque et lors du réapprovisionnement des unités de tête. Pour la préparation d’artillerie, Julian Byng peut compter sur le soutien conséquent ce son supérieur direct, Henry Horne, commandant de la Ist Army. Horne détonne un peu parmi les Généraux du BEF, presque tous cavaliers et fantassins de formation, puisqu’il est le seul issu de l’artillerie. Lors de la bataille de Mons, son commandement à la tête de l’artillerie (du BEF) permet aux Britanniques de ralentir l’avancée allemande et aux troupes de Smith-Dorrien de se replier en assez bon ordre. Observateur, consciencieux et minutieux, il se rend vite compte du rôle primordial des canons et obusiers dans la préparation des offensives. C’est lui notamment qui conçoit le barrage roulant. S’il n’est pas un fin tacticien, Horne n’en contribue pas moins à doter les troupes du Commonwealth d’un appareil d’artillerie qui gagne en efficacité en s’accroissant en quantité. Après un passage en Eypte (1915-1916) pour organiser la défense du Sinai face aux Ottomans, Horne revient en France et prend la tête de la Ist Army en remplacement de Charles Monro parti régler l’évacuation de Gallipoli. Pendant l’année 1916, il ne joue qu’un rôle de second plan alors que les efforts de Haig se sont portés sur la Somme.

– Sacrifiant l’effet de surprise, Byng et « Dincky » Morrison décident que le bombardement doit démarrer le 20 mars. Cette préparation est séquencée en cinq phases dont voici les détails. Premièrement, les obus de différents calibres doivent être rassemblés auprès des batteries, tandis que les canons et obusiers (notamment les pièces lourds des Heavy Artillery Groups) doivent être répartis au sein des divisions suivant l’organigramme prévu par le Brigadier-General Roger H. Massy, qui supervise les plans de feu de l’artillerie lourde, en particulier pour les 4 groupes de 12in et 3 de Howitzers 15in. La contre-batterie, dirigée par Andrew MacNaughton regroupe 3 HAG, chacun se voyant adjoindre 1 batterie de 4.5in. Mais le placement des batteries nécessite un effort logistique, notamment l’établissement de routes adéquates, notamment pour les lourdes pièces de 9.2in. Il faut aussi prévoir des lignes pour le ravitaillement en obus. En tout, ce sont 987 mortiers, canons et obusiers (1 404 avec ceux de la IIIrd Army fournis en appui) qui sont rangés derrière les tranchées canadiennes le 20 mars et qui s’apprêtent à assommer les lignes allemandes. En face, le Kronprinz Rupprecht n’aligne que 419 pièces de 7.7 cm, ce qui confère au Canadian Corps une puissance de feu bien supérieure à celle de leurs adversaires. Mais en ce mois de mars 1917, prolongement d’un hiver particulièrement dur, le temps est mauvais. Et les artilleurs doivent entretenir et couvrir leurs pièces pour qu’elles ne soient pas détériorées par l’humidité et le froid. Un soin attentif est également prodigué aux munitions.
– Pour la phase 2, les bouches à feu déclenchent un tir de barrage de quinze jours, jusqu’au 2-3 avril. Mais afin de ne pas dévoiler toute sa puissance de feu, Byng décide de n’employer que la moitié de ses pièces. En outre, il ne veut pas dépenser toute ses munitions avant le Jour-J et ne pas trop user ses tubes. En effet, un trop long usage des canons abîme les tubes rayés, ce qui les rend bien moins efficaces et contraint les artilleurs à en changer. Pour diminuer le risque, Morrison réserve les canons qui n’auront pas été utilisés pour le bombardement du 9 avril.
La contre-batterie bénéficie d’une préparation technique particulièrement poussée. Pour repérer les pièces ennemies, Canadiens et Britanniques utilisent la détection sonique (sound ranging) en relevant les vibrations à l’aide d’oscillographes. Cela leur permet de reconstituer la trajectoire des obus. Mais l’utilisation du « Flash Spotting » reste la plus probante. Il s’agit-là d’opérer une triangulation grâce aux observations par avion ou ballon. Observateurs et pilotes relèvent donc l’incandescence provoquée par l’expulsion des obus des canons ennemis (« flash ») et transmettent les coordonnées aux batteries grâce à un « buzzer » relié au QG de MacNaughton. Les données récoltées sont ensuite transmises aux officiers commandant de batterie. Mais le procédé a des limites, puisque sur les 300 pièces du Gruppe « Vimy », seulement 16 ont été repérées. Enfin, s’il n’est pas impossible de neutraliser les batteries ennemies, celle-ci peuvent échapper à la contre-batterie rien qu’en se retirant ou en changeant de position. La bataille de la Somme a mis en avant le problème des fils barbelés qui n’ont pas été sectionné lors du bombardement préparatoire. Et puis, Canadiens et Britanniques se rendent compte que le sol de Vimy absorbe le choc des obus en dotation. Mais une solution est trouvée par l’adjonction aux projectiles en ogive du nouveau détonateur Mark 106 dotée d’une nouvelle fusée à détonation plus sensible.
Enfin, pour en finir avec la préparation d’artillerie, lors de l’assaut du 9 avril, l’artillerie doit fournir un tir de soutien et d’interdiction dans la profondeur du dispositif allemand (Phase 4). Enfin, elle doit aider à consolider les conquêtes du premier jour (Phase 5).

– Pour ces différentes tâches, Canadiens et Britanniques mettent les moyens. En théorie, le Canadian Corps compte 5 Heavy Artillery Groups, avec 2 Canadiens (1st et 2nd Can. HAG) et 3 britanniques (18th, 30th et 44th HAG). Mais comprenant bien l’enjeu que représente l’attaque sur la Crête de Vimy, Henry Horne fournit un appui conséquent à Byng, ponctionnant 7 Heavy Artillery Groups à sa Ist Army (les 13th, 26th, 50th, 53rd, 64th, 70th et 76th). Chaque HAG comprend 4 à 6 batteries de pièces lourdes, avec des Heavy Batteries comptant les canons et obusiers dont le calibre va de 6 à 8in, en passant par les pièces de 60 pdr et les Siege Batteries qui intègrent les pièces de 9.2, 12 et 15in (à hauteur de 3-4 pièces par batterie). Les premières sont chargées de tirer sur des objectifs précis (routes, dépôts, QG, concentration de troupes), tandis que les secondes doivent écraser les défenses fixes, de même que les bâtiments en dur. En revanche, la répartition des batteries au sein des HAG n’est pas encore rationalisée. On trouve tantôt une dominante de Heavy Batteries, tantôt une supériorité de Siege Batteries. Il faudra attendre 1918 pour qu’une composition plus rationnelle apparaisse. Notons que le 26th Heavy Artillery Group offre la curiosité de compter trois batteries lourdes des Royal Marines.
– Roger Massy a également réparti ses 12 HAG comme suit : 3 (les 2nd Canadian, 50th et 76th) vont à la contre-batterie, tandis que 8 appuient les division canadiennes, à hauteur de 2 par division. Ainsi, la 1st Can. Division est appuyée par les 18th et 44th HAG ; la 2nd Can. Division par les 64th et 70th HAG ; la 3rd Can. Division par les 13th et 53rd HAG et enfin, la 4th Can. Division est soutenue par le 1st Can. HAG et le 30th HAG.
Les divisions canadiennes sont particulièrement bien loties en bouches à feu. En plus des 36 mortiers de tranchée et d’infanterie (18 à 36 Stokes et 5 mortiers de 9.45in) et des 64 canons de 18-pdr, elles peuvent disposer de plusieurs dizaines de canons de 18-pdr ponctionnées aux Artillerie Brigades et bien sûr, des pièces lourdes. La 1st Canadian Division est particulièrement bien fournie et appui feu avec 36 mortiers Stokes, 5 mortiers de 9.45in, 64 canons de 18-pdr divisionnaires, 80 canons de 18-pdr supplémentaires, 28 canons de 4.5in, 12 Howitzers de 6in, 4 canons lourds de 8in et 4 Howitzers de 9.2in.

– Enfin, 150 mitrailleuses Vickers (sur 358) doivent appuyer la préparation d’artillerie en exerçant un tir de suppression sur la première ligne allemande. Pour cela, les 38 automitrailleuses de la Motor Machine Gun Brigade du Colonel Raymond Brutinel sont mobilisées aussi pour la tâche. Financée sur les deniers propres Brutinel et de généreux donateurs, cette unité motorisée formée à Ottawa dès la fin 1914 apparaît quasiment comme une petite armée privée, marque d’un esprit aristocratique britannique qui n’a pas vraiment disparu. Curiosité, la plupart des véhicules ont été fabriqués à l’usine Ardmore en Pennsylvanie. La « Brutinel’s Brigade » comme on la surnomme est équipé d’automitrailleuses Colt Model 1914 et comprend, outre les automitrailleuses, des engins de soutien non armés et même des ambulances. Les véhicules de Brutinel doivent cibler
– Le point faible des Canadiens réside dans l’aviation, qui reste encore les yeux des canons. En effet, Byng ne dispose que de 50 avions (contre 28 en 1916). Du coup, pour la maîtrise des airs, le Canadian Corps dépend du Royal Flying Corps et donc, des pilotes britanniques. Ainsi, la seule unité aérienne canadienne, le RFC 16 Squadron du Major P.C. Malthy, reste chargée de l’observation et de la reconnaissance (notamment pour la contre-batterie) avec ses BE2C, en bénéficiant de la protection du RFC 2 Squadron dont les pilotes volent sur FE2b. Au début 1917, la supériorité aérienne du Commonwealth est apparemment nette, avec 754 appareils de tous types contre 264, ce qui force les Allemands à adopter une stratégie défensive. Mais ils ont comme atouts des pilotes aguerris et un excellent nouvel avion, l’Albatros D.III qui donne du fil à retordre aux pilotes alliés. Ainsi, en avril 1917, les Britanniques accusent la perte de 131 pilotes, dont 56 par accident. Afin de renforcer le dispositif aérien dans le secteur de Vimy, Horne octroie à Byng les RFC 8 (unité navale), 40 et 43 Squadrons du 10th Wing. Mais cela n’empêche pas le célèbre as allemand, Manfred von Richthoffen dit « le Baron rouge » d’ajouter 30 avions à son tableau de chasse rien que dans le secteur d’Arras.

C – Une préparation logistique modèle
– Pour l’attaque contre la crête de Vimy, Byng a bien compris l’enjeu de disposer d’une bonne logistique. Le maître d’œuvre pour relever ce défi n’est autre que le Brigadier-General George Farmer. Et l’homme ne néglige rien. « A l’intérieur » du dispositif canadien, il impose un rythme spécial pour les trains. Ainsi, 8 trains doivent faire l’aller-retour quotidiennement pour apporter 370 tonnes de ravitaillement ou de matériel sur le front. La cadence se réparti comme suit : 4 trains pour l’artillerie, 1 pour le matériel du Génie, 1 pour la construction de routes (en planches), l’installation de tramways ; 1 pour le ravitaillement général et 1 pour le fourrage des chevaux et animaux de bât.
– Pour la circulation ferroviaire, Farmer fait poser 20 km de rail par les deux Tramways Companies du Corps. Pour compléter le réseau ferré et pallier au manque de routes inadéquates, l’ingénieux officier fait poser 10 km de routes artificielles composées de planches et de gros rondins en bois assez épaisses pour permettre à des véhicules de circuler. Si elle ne fait pas l’économie de bois, cette technique évite aux unités du génie de creuser et consolider des routes (travaux plus lents). Mais l’apport en animaux n’est pas négligé pour autant, chevaux, mules et mulets trouvent encore leur place à l’emploi, alors que pourtant le fourrage doit être acheminé… par le rail ou par la roue. Ainsi, chaque brigade d’infanterie reçoit 225 animaux et chaque Battalion 55.
Farmer fournit également au Canadian Corps 2,32 millions de litres d’eau (soit 600 000 gallons), avec 7 réservoirs, 24 installations de pompage et 72 km de tuyaux. Enfin, un réservoir est même creusé à 12 m sous terre pour contenir 227 500 litres. (5)
– Pour permettre aux soldats de combattre, Byng et Farmer font distribuer et entreposer 24 millions de cartouches (soit près de 450 par soldat !) et 450 000 grenades (8 par hommes) en plus déjà en dotation individuelle. L’artillerie de campagne est également bien pourvue, avec 1,005 obus de 18-pounder répartis au sein des batteries ou dans les secteurs de stockage plus en arrière.
Mais pour ravitailler les premières lignes en vivres et munitions, les fantassins canadiens doivent également recourir au « Tumpline », soit une technique de portage amérindienne, certes inconfortable mais qui permet d’acheminer le nécessaire par des tranchées ou des secteurs inaccessibles aux véhicules et au train. En revanche, les données récoltées par le renseignement britannique et canadien sur les défenses et le dispositif allemands sont en somme limitées. En raison de la pratique de la terre brûlée et aux déplacements de populations locales durant l’opération « Alberich », les Canadiens n’ont qu’une connaissance limitée de l’état du terrain à conquérir. Et ce, en dépit des efforts des espions français, des services du GHQ et de ceux de la Ist Army. Quelques informations ont pu être exploitées après les reconnaissances aériennes du RFC et à l’interrogatoire de prisonniers (6).
– Pour maintenir une nette discrétion lors du déploiement d’avant l’attaque, les Canadian Royal Engineers (Brig.Gen. William B. Lindsay) trouvent une solution. Plusieurs semaines/mois avant le 9 avril 1917, il font creuser 12 tunnels appelés « Subways », dont la longueur varie de 200 m à 2 km. Creusés à une profondeur de 5 à 15 m, ils permettent de relier les lignes entre elles et disposent même de dépôts et d’espaces de repos. Les travaux de creusement et d’aménagements sont confiés à des Tunneliers britanniques, notamment des mineures et ingénieurs des London Undergrounds. En mars-avril, les « Subways » mesurent 2,25 m de haut et 1,25 m de large.
3 – LA DÉFENSE ALLEMANDE
– Au début de 1917, la Crête de Vimy forme l’extrémité nord de la fameuse Siegfried Stellung ou Ligne Hindenburg. Dès la fin 1916, sur directive d’Erich Ludendorff, le secteur, déjà bien garni d’abris fortifiés, s’est vu renforcé par une série de casemates et de fortins bétonnés. Mais Vimy n’a pas été concernée « Alberich » voyant le retrait de 13 divisions sur une ligne fortifiée allant d’Arras à Saint-Quentin. Cependant, fort de l’expérience de la Bataille de la Somme, les Allemands ont su adapter leur défense. Ils pratiquent ainsi la « défense élastique » qui consiste à céder du terrain pour mieux contre-attaquer en profitant de l’essoufflement de l’attaque ennemie. La tactique a été employée avec succès face aux Britanniques courant 1916. Conscient de son infériorité numérique sur le Front de l’Ouest (2,5 millions d’Allemands contre près de 4 millions d’alliés), Ludendorff compense donc son manque d’effectifs par une défense solidement ancrée dans le sol artésien et picard.
En outre, loin de l’imagine de rigidité prussienne, les troupes allemandes font au contraire preuve de souplesse dans leur pratique de la défense. Ainsi, ils créent des Gruppen – peu ou prou l’équivalent d’un Corps d’Armée – qui sont chargés de la défense d’un secteur précis. Ainsi, au sein de la VI. Armee (Ludwig von Falkenhausen), le secteur que doivent attaquer les Canadiens est sous la garde du Gruppe « Vimy » du General Karl Ritter von Fasbender (79. Reserve-Division et 1. Kaiserliche-Bayerisches-Division), appuyé au nord par le Gruppe « Souchez » du General der Infanterie Georg Wichura. Ainsi, chaque commandant de Gruppe a pleine autonomie dans la direction des opérations défensives, conformément à l’Auftragtaktik. En outre, ils peuvent demander l’aide d’unités voisines, ce qui les conduit à ponctionner dans des divisions qui ne leur sont pas nécessairement subordonnées. Et cette autonomie est aussi de rigueur au sein des divisions. Le bataillon (Abteilung) est devenue l’unité tactique de base. Et conformément à la pratique du Fingerspitzengefühl (littéralement « tact » ou « doigté »), les officiers subalternes peuvent user de leur propre initiative pour mener la défense tactique. Pour Ernst Jünger, cette pratique permettait aux Leutnante ou aux Hauptmäne (Capitaines) de faire autant preuve de ténacité. En outre, les Allemands peuvent s’appuyer sur bonne puissance de feu au niveau tactique. Si les effectifs d’infanterie ont nettement baissé – une compagnie d’infanterie compte 176 hommes contre 264 en 1914 -, on peut compter théoriquement 6 mitrailleuses MG 08/15 par compagnie (mais souvent moins). De plus, chaque Abteilung compte 1 compagnie de 8 mitrailleuses lourdes Maxim. Enfin, on trouve plusieurs détachements de mitrailleurs à l’échelon divisionnaire.

– Dès la troisième semaine de mars 1917, les artilleurs canadiens et britanniques mènent la vie dure aux Allemands. La contre-batterie initiée par MacNaughton marche particulièrement bien, ce qui prive les batteries de von Falenkenhausen de leur capacité de riposte. Ensuite, les tirs de barrage ont un effet moral non négligeable. Pendant la bataille de la Somme, le procédé avait comme vice d’alerter les Allemands de l’imminence d’une attaque britannique. Cette fois, ils ont lieu en continu, ce qui frustre et use les soldats retranchés dans leurs abris qui ne voient pas la fin du fracas des obus. Mais les Allemands finissent par découvrir le pot aux roses. Ainsi, l’interrogatoire de Raiders capturés le 5 avril avertit le général Von Fassbender, commandant du Gruppe « Vimy », qu’une attaque canadienne aura bien lieu vers le 10. Von Fassbender relaie l’information aux échelons supérieure qui et relayée à Ludendorff.
– Sauf que les Généraux allemands du secteur se retrouvent aux prises à un désaccord. Si von Fassbender est favorable à l’envoi rapide d’unités de réserve dans le secteur de Vimy, von Falkenhausen souhaite, tout comme von Nagel, que ses unités de réserve soient mieux employées à renforcer la ligne « Wotan II ». Von Falkenhausen pointe aussi le possible engorgement des routes si les divisions de réserve montent en ligne dans les premières heures de l’attaque. Cette appréciation de la situation le conduit également à ne pas ordonner à son artillerie de se porter à l’avant pour enrayer une possible attaque. Mais si sur le principe, von Falkenhausen n’a pas tout à fait tort, sa responsabilité dans l’affaire tient aussi sur son manque de clairvoyance quant aux projets ennemis. En effet, il ne croit nullement qu’une attaque surviendra dans le secteur de la Crête de Vimy. Résultat, contre l’avis de certains de ses collègues, il fait déplacer la 18. Kaiserliche-Bayerisches-Division (18e Division bavaroise) et des éléments du I. Gardes-Korps sur Douai.
– Seulement, d’autres veulent anticiper le mouvement. Ainsi, au sein Gruppe « Souchez », le Generalleutnant Wichura ordonne à l’Infanterie-Regiment Nr. 11 rattaché à la 16. KBD de lancer une attaque préventive à l’ouest du « Pimple » afin de repousser la ligne de front (Opération « Munich »). Ainsi, Canadiens et Allemands s’affrontent dans une série d’attaques et contre-attaques qui coûtent aux Canadiens 1 653 hommes, dont 337 tués (dont 11 officiers), auxquels s’ajoutent les Raiders et les victimes des ripostes d’artillerie allemande. Mais lorsque la 24th Division britannique prend position dans le secteur de Souchez à partir du 30 mars, l’artillerie baisse sensiblement la fréquence de ses tirs afin de ne pas inciter les batteries allemandes à la riposte. Vient alors le temps de préparation des fantassins.
– Quand les Canadiens s’engagent dans les Subways pour gagner les premières lignes, le flux est si bien chronométré qu’aucun « bouchon » n’est relevé. Dans les tranchées, la tension monte. Contrairement à la Somme, la discrétion est de mise (pas de cuisine) afin de ne pas trahir une forte présence de soldats. Commence alors l’attente interminable de l’attaque, marquée par la tension, la peur et l’excitation. Les soldats Canadiens connaissent cela, hormis les jeunes recrues, notamment les conscrits.
Du côté des généraux, Julian Byng, son état-major et ses commandants divisionnaires attendent aussi. Ils ont préparé leur attaque avec une minutie exemplaire qui dénote net avec l’amateurisme d’un Nivelle et d’un Mangin à la même période. Mais, pour paraphraser Clausewitz, s’ils n’ont pas à rougir, les généraux canadiens doivent se soumettre à l’ingrate loi des batailles qui veut que l’issue de leur offensive ne leur appartient plus entièrement (5).
[Suite]
(1) LE NAOUR J-Y. : « 1917. La paix impossible », Perrin, Paris, 2016
(2) TURNER A. : « Vimy. Byng’s Canadian Triumph », Osprey Publishing
(3) CLARKE D. : « World War I Battlefield Artillery Tactics », Osprey Publishing, London
(4) TURNER A., Op.Cit.
(5) Ibid.
(6) Ibid.
(7) Ibid.