1 – Bataille de Guillemont : première phase (juillet – août)
– Les restes de ce village vont épuiser les divisions des XIIIth et XIVth Corps pendant un peu de deux mois. Après l’échec des Sud-Africains à dégager le Bois Delville, Henry Rawlinson décide d’attaquer la seconde ligne de défense allemande, avec le village de Guillemont pour objectif. Sa prise permettrait aux Britanniques et aux Français d’accrocher l’accès vers Flers et Morval. Le 23 juillet, la 30th Division (John Shea) part à l’assaut depuis le Bois des Trônes et « l’Allée de Longueval » derrière un fort barrage d’artillerie. Mais elle échoue devant les mitrailleuses allemandes. La 3rd Division (Cyril Deverell) a comme triple mission de dégager Longueval et le Bois Delville, tout en attaquant sur Guillemont et Ginchy. Là encore, si les Tommys aguerris de cette division de la Regular Army (Active) s’emparent de ce qui reste de la gare de Guillemont, ils sont aussi durement repoussés et doivent se replier sur la Ferme de Wartelot..
– Le 30 juillet, la 30th Division repart à l’assaut en coopération avec la 153e DI française (Deligny) qui forme l’aile gauche de la VIe Armée, ainsi qu’avec le concours de la 5th Brigade de la 2nd Division. Mais là encore, le succès n’est pas au rendez-vous. Rawlinson décide de relancer une attaque le 7 août, avant de la reporter au 8 en réduisant la profondeur des objectifs. Rawlinson et ses généraux lancent alors des « attaques chinoises » afin d’affaiblir les défenses allemandes. L’accent est alors mis sur l’amélioration des communications entre Infanterie et Aviation (miroirs, lampes, pigeons voyageurs). Une station téléphonique est installée dans le Bois de Favière. Mais les 8-9 août, la météorologie n’est pas du côté des Britanniques puisque un brouillard se lève, empêchant toute communication lumineuse efficace. Par conséquent, par manque de coordination, l’attaque échoue complètements même si quelques petits groupes parviennent dans Guillemont. Mais isolés, ils sont anéantis très vite.
– Après ce nouvel échec, Henry Rawlinson s’entretient avec les Major-Generals William Walker (2nd Division), J. Capper (24th Division) et Sir Hugh Jeudwine (55th Division) et exige que la nouvelle attaque soit soigneusement préparée. Haig intervient pour que les nouveaux objectifs soient atteints sans délai, tout en soulignant les problèmes posés par les défenseurs allemands dissimulés dans les trous d’obus et dans les ruines de Guillemont. Rawlinson s’entretient ensuite avec Emile Fayolle pour coordonner la nouvelle attaque franco-anglaise pour le 11 août. Mais le 10, Walter Congreve rapporte à Rawlinson que ses troupes ne seront prêtes pour l’attaque que le 17 août. Mais le 17 août est brumeux et pluvieux et l’attaque est reportée au lendemain 18. Ironiquement, 2 compagnies de la 55th Division avaient réussi à conquérir une portion de terrain qu’elles durent abandonner.
– Le 10 août, le temps pluvieux et nuageux empêche les repérages des cibles de l’Artillerie. Rawlinson ordonne qu’elle soit reportée au 12. Ce jour-là, le ciel est dégagé. L’attaque peut donc démarrer. Les Français réussissent à s’emparer de la seconde position allemande entre Cléry et la lisière sud de Maurepas. L’attaque britannique démarre à 05h15 après un bombardement préliminaire sur les lignes allemandes au sud de Guillemont et sur la seconde position. Les fantassins de la 24th Division armés de grenade progressent sur les deux côtés de « Cochrane Alley », atteignant l’objectif en trente minutes, en dépit de tirs nourris de fusils et de mitrailleuses. Mais les Français n’apparaissent pas sur la droite de la 24th Division, ce qui contraint les Britanniques à se replier.
– Le 13 août, Ferdinand Foch vient à Querrieu (QG de la IVth Army) afin de planifier une attaque durant laquelle le XIVth Corps de Randolph Lambard devra attaquer Guillemont, après que le GAN se fut emparé de Maurepas et du Bois d’Angle, action suivie par l’assaut du XIVth Corps sur « Wedge Wood » et la Ferme de Falfemont à l’aube du 19 août. Le 16 août, la 153e DI française du Général Magnan avance au nord-ouest sur Maurepas et dans le ravin de Maurepas mais se faire repoussée par une contre-attaque allemande. La 3rd Division – qui a relevé la 55th dans la nuit du 14/15 – attaque le 16, de concert avec la 76th Brigade. Si « Cochrane Alley », sur la route Hardecourt-Guillemont est atteinte, « Lonely Trench », ne peut être atteinte par les 9th et 76th Brigades, en dépit d’un bombardement de mortiers Stokes et de plusieurs attaques. Il en va de même plus au nord pour 1 Battalion de la 72nd Brigade qui ne parvient pas à faire sauter un bouchon allemand sur la piste Bois des Trônes – Guillemont.
– La 24th Division attaque avec 2 brigades, soit la 73rd le long du sentier Bois des Trônes – Guillemont. Mais un violent tir de mitrailleuses et un contre-barrage d’artillerie allemande forcent les Britanniques à reculer. Néanmoins, plus au nord, le Battalion de droite de la 17th Brigade qui atteint la seconde ligne allemande située sur la route de la Ferme de Waterlot. La consolidation de la position est très vite effectuée. Des téléphonistes réussissent à poser des fils qui permettent à des officiers d’être en liaison plus étroite avec l’artillerie de la division. Le Battalion de gauche de la même brigade réussit également à atteindre l’extrémité nord de la Tranchée « ZZ », assez vite pour surprendre la garnison et capturer 100 prisonniers. Et la jonction avec la 14th Division du XVth Corps est établie. Malgré un cafouillage dans la communication concernant la ligne entre la Ferme de Falfemont et le « Wedge Wood », les Britanniques réussissent à se cramponner solidement sous la route Hardecourt – Guillemont et à réoccuper la « Lonely Trench » (« Tranchée solitaire »).
– Dans la nuit du 20-21 août, les troupes françaises capturent le Bois d’Angle, étalissant le contact avec les Britanniques le long du ravin de Maurepas. Dans la nuit, la 35th Division relève la 24th sur le sentier reliant le Bois des Trônes à Guillemont. Mais le 21, elle échoue à s’emparer d’une position retranchée allemande appelée « Arrow Head Copse ». De leur côté, les 72nd et 17th Brigades échouent à dégager la gare de Guillemont, essuyant de très lourdes pertes. Le 23, alors que les Britanniques préparent une nouvelle attaque, les Allemands déclenchent une contre-attaque. Celle-ci commence par un violent bombardement de la 20th Division dans la matinée, suivi d’une attaque contre les positions britanniques situées au sud de la voie ferrée de Guillemont, par la 27. Division du XIII. Armee-Korps.
2 – Pause à la fin août : l’état des forces
– Courant août, les combats se sont enlisées et la percée tant souhaitée par Douglas Haig n’est pas survenue. Ainsi, de la mi-juillet au 3 septembre, 4 divisions des IIIrd et XVth Corps (5th, 17th, 14th et 24th) se sont succédées pour tenter d’arracher le Bois Delville aux Allemands, sans succès. Et outre la pluie qui gâche le mois d’août, les Britanniques doivent faire face à un sérieux défi logistique qui retarde leur reprise d’offensive. Ainsi, avec l’arrivée de nouvelles divisions de la NKA sur le front, ou en arrière, le réseau ferré de Picardie consacré à l’effort militaire ne tarde pas à se trouver engorgé. Le contenu des casiers à obus s’étant amenuisée (avec une proportion notable de projectiles de mauvaise qualité), l’artillerie alliée, particulièrement dépensière, a besoin de plusieurs milliers de tonnes d’obus pour couvrir les besoins à venir pour le mois de septembre. En outre, il faut remplacer plusieurs dizaines de canons usagers. C’est ainsi que le XIIIth Corps de Walter Congreve doit recevoir 77 canons de campagne en remplacement de 65 pièces usagées. Et il faut également assurer le remplacement des tués et des blessés au sein des Battalions divisionnaires, un grand nombre ayant été saignés à blanc durant le mois de juillet, avec des pertes avoisinant les 500 hommes (sur 832 – 850 réglementaires) et culminant parfois à plus de 750 ! A raison de 12 Battalions par division, les pertes se situent facilement entre 3 500 et 7 000 hommes, soit une incontestable saignée. Par inexpérience mais aussi en raison des difficultés logistiques et structurelles, le BEF ne dispose pas encore d’un système de rotation des unités aussi perfectionné que celui mis en place par Pétain pour Verdun. Haig et Rawlinson peuvent néanmoins faire relever leurs unités qui sont placées en arrière des premières lignes plusieurs semaines, avant d’être redéployées au combat avec des renforts. Encore que les Britanniques sont mieux lotis en comparaison des Allemands, puisque plusieurs régiments de la II. Armee sont restés plusieurs jours, voire plusieurs semaines en ligne, avec peu de jours de réel repos.
– Début septembre, profitant du retour du beau temps, Haig, Joffre et Foch conviennent de relancer une attaque sur le front de la Somme. La nouvelle offensive doit être effectuée conjointement par les deux armées alliées, même si les Britanniques fournissent encore la force principale.
Haig ordonne à Rawlinson de lancer une nouvelle attaque contre la seconde position défensive allemande, plus particulièrement à l’ouest de Longueval, du Bois-Delville (ce dernier étant toujours en partie aux mains de la II. Armee) et du Bois de Leuze.
– Du côté allemand, à la fin août, la II. Armee accuse la perte de près de 80 000 hommes, difficilement remplaçables. A titre comparatif, durant les dix premiers jours de la Bataille de Verdun (21 février – 1er mars), la V. Armee du Kronprinz avait perdu un peu moi
Pour compenser, von Falkenhayn ponctionne des éléments de la I. Armee (Max von Gallwitz) à qui est placé sous le commandement de Fritz von Below, tandis que von Gallwitz prend la tête de la II. Armee. Mais fin août 1916, des changements notables ont eu lieu. Ainsi, soumis à la pression des « Dioscures » Paul von Hindenburg et Erich Ludendorff, Guillaume II a retiré à Erich von Falkenhayn sa charge de Chef du Grand Etat-major impérial le 28 août 1916. En revanche, von Falkenhayn échappe au déshonneur en recevant le commandement des forces de la Triplice qui corrigeront la Roumanie en septembre-octobre 1916. Par conséquent, von Hindenburg et Ludendorff décident d’abandonner la défense fixe de von Falkenhayn pour des méthodes plus souples. Convenant que les tranchées sont plus vulnérables aux bombardements puissants de l’artillerie britannique, ils décident de doubler la défense des positions existantes par des trous d’obus avancés, séparés entre eux de 18 m environ et s’appuyant mutuellement, avec une combinaison fusiliers-mitrailleurs. En cas de bombardement, les troupes postées dans les tranchées se portent dans les trous d’obus avancés. Ceux-ci procurent l’avantage d’être moins repérables par les reconnaissances aériennes et par les observateurs d’artillerie. En revanche, l’idée de les relier entre eu est vite abandonnée car creuser de nouvelles lignes est détectables par les aviateurs du RFC. En cas d’attaque britannique, si les premières lignes viennent à céder, des unités maintenues en réserve sont prêtes à passer à la contre-attaque le plus rapidement possible. Néanmoins, le nombre de contre-attaque sera très limité en raison du manque chronique de fantassins dans les rangs des I.et II. Armeen. Les Allemands réaménagent également la disposition de leurs lignes : en avant, on trouve une ligne d’observation d’artillerie, derrière laquelle se situe (entre 180 et 370 m) une ligne de défense principale pouvant être creusée à contre-pente. Enfin, une troisième ligne défense est constituée à 1,8 – 2,7 km en arrière, appelée Artillerie-Schutzt-Stellung. Le mode de commandement à l’échelle tactique connaît lui aussi une modification. Ainsi, les chefs de bataillons se voient-ils octroyés une véritable autonomie sur leurs propres secteurs, conformément à l’Auftragtaktik.
– Enfin, les Allemands ont également renforcé leur dispositif aérien. Courant juillet et début août, les Sopwith Camel, Airco DH 2, Spad et Nieuport dominaient le ciel, contraignant les Allemands à consacrer leurs appareils (Fokker et Albatros notamment) à la protection des batteries d’artillerie et à la chasse aux avions de reconnaissance ennemis, ce qui engendra de lourdes pertes. Mais au début de l’automne, les Fliegentruppen reçoivent le renfort de la Jagdstaffel 2 (escadrille de chasse) – la « Jasta 2 »– commandée par l’as Oswald Bölcke. Celui-ci prend soin à mieux former ses pilotes et à organiser les escadrilles de 12 appareils, en 2 groupes de 6 et en 2 sous-groupes de 3. Bölcke choisit lui même ses pilotes, ce qui accentue la cohésion au sein de chaque groupe. En outre, sa Jasta se voit équipée des nouveaux appareils Halberstadt D. II, comptant dans les premiers modèles équipés de roquettes. Malheureusement, Bölcke sera tué accidentellement lors d’un engagement aérien près de Lagicourt.
3 – La Bataille de Guillemont : deuxième phase
– Après une semaine de pause destinée à remplir les casiers d’obus et à opérer les remplacements de troupes, Henry Rawlinson planifie une nouvelle attaque de Guillemont pour début septembre. La 5th Division doit s’emparer des éperons du Bois de Leuze et de la Ferme de Falfemont. Malgré l’échec de la 13th Brigade (1 Battalion) et du 127e RI (1re DI) à dégager le « Point 48 » en raison d’une contre-attaque ennemie, la 95th Brigade réussit à accrocher une partie de la première ligne allemande de l’éperon de la Ferme de Falfemont et à disposer des mitrailleuses près de « Wedge Wood ». La brigade relance une attaque à 12h50 et s’emparer de la bordure sud-est de Guillemont, faisant face à une légère résistance. Mais un violent tir de mitrailleuse prend les Britanniques de flanc depuis le Ravin de Combles, alors que l’aile gauche de la 1re DI française (J. Riols de Fonclare) tente de prendre le Bois de Douage au nord-est de Maurepas. Les Britanniques grignotent aussi du terrain au sud du « Wedge Wood » le soutien en artillerie est défaillant, des obus tombant même sur l’un des Battalions d’attaque. Cependant, la 95th Brigade parvient à atteindre sans encombre la route Guillemont – Ginchy. La consolidation est assurée avec la 20th Division, tandis que 150 prisonniers allemands sont capturés. En fin d’après-midi « Wedge Wood » est capturé mais la 95th Brigade ne peut aller plus loin, car la 15th Brigade tarde à relever la 13th qui doit dégager la Ferme de Falfemont. En soirée, Reginald Stephens arrête son attaque. Mais il apprend que ses Battalions d’attaque, partis le matin à 700, ont subi 40% de pertes.
– De son côté, la 20th (Light) Division (NKA) de Richard Davies réussit à s’approcher au plus près de Guillemont, notamment à quelques mètres des restes de la gare. Mais les effectifs de sa 59th Brigade (10th et 11th Bns King’s Royal Rifle Corps ; 10th et 11th Bns Rifle Brigade) sont réduit à la portion congrue, suite aux très durs combats pour gagner le sud de Guillemont. Davies est même contraint de transférer 1 Battalion des 60th et 61st Brigades à la 59th afin de compléter ses effectifs, tandis que les catholiques irlandais de la 47th Brigade (8th Bn. Royal Munster Fusiliers, 6th Bn. Royal Irish Regiment, 7th Bn. Leinster et 6th Bn. Connaught Rangers) de la 16th (Irish) Division vient relever la 60th Brigade.
– Les Irlandais consolident leurs positions près de « North Street » et « South Street », étendant ainsi les lignes britanniques vers le nord. Ensuite, la 59th Brigade réussit à atteindre l’ouest du Bois de Leuze, au nord-est de la route de Guillemont, le tout sous une pluie battante. Elle est ensuite relevée par la 49th Brigade de la 16th Division. Le 6 septembre, la 5th Division parvient à s’emparer du reste de la Ferme de Falfemont et envoie des troupes dans le ravin de Combles pour rejoindre les Français au « Savernake Wood ». Mais les Britanniques ne peuvent aller plus loin en raison d’une contre-attaque allemande. Néanmoins, Rawlinson ordonne alors d’avancer jusqu’au Bois de Leuze et sur les hauteurs dominant Ginchy. Mais en début de matinée du 6, une première attaque échoue. Mais en relançant son avance, la 95th Brigade s’empare du Bois sans opposition.
Toujours durant la journée du 6, la 16th (Irish) Division du Major-General Bernard Hickie vient relever l’ensemble de la 20th Division, pendant que la 56th remplace la 5th autour du Bois de Leuze. Mais la relève est troublée par une contre-attaque allemande et ne s’achève que le 7. De son côté, la 49th Brigade (7th et 8th Bns. Royal Irish Fusiliers ; 7th et 8th Bns. Royal Inniskilling Fusiliers) franchit la route Combles – Ginchy et atteint le Bois des Bouleaux. Flanquée de la 48th Brigade (7th Bn. Royal Irish Fusiliers ; 8th et 9th Bns. Royal Dublin Fusiliers et 1st Bn. Royal Munster), elle tente d’avancer vers le Quadrilatère. Mais un important barrage de l’artillerie allemande les empêche de déboucher plus loin. L’engagement des Irlandais ne va pas s’arrêter là, puisque la prise de Guillemont conduit Rawlinson à tenter une attaque contre Ginchy.
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