Sir Arthur Currie

– Curieux destin que celui de ce général Canadien froid et sans charisme qui s’est néanmoins révélé un fin tacticien, soucieux de l’économie du sang.
Arthur William Currie naît le 5 décembre 1875 à Strathroy-Caradoc dans la Province de l’Ontario.
General Currie, Commander of the Canadian troops in France, and
– Il ne se destine nullement au métier des armes puisqu’avant le déclenchement de la Guerre, il exerce les métiers de professeur et d’agent en assurances-vie. Cependant, il intègre la Militia (Milice) comme artilleur au 5th Regiment Canadian Garrison Artillery en 1897. Promu Captain en 1902, Arthur Currie montre un intérêt tout particulier pour la science militaire et notamment l’emploi de l’artillerie. Il gravit les échelons et est promu Lieutenant-Colonel en 1909 et commande le 5th Regiment CGA. En 1913, il se retrouve placé à la tête du nouveau 50th Gordon Highlanders of Canada. Entretemps, il a tenté de se lancer dans les affaires avec un associé, R.A. Power (Power & Currie). Mais l’entreprise se retrouve criblée de dette, causant de sérieux ennuis financier à Arthur Currie qui se trouve presque sans le sou pour payer son uniforme lorsque la guerre éclate.

– Lorsque les Canadiens rejoignent le front européen fin 1914-début 1915, peu d’entre eux ont l’expérience du feu et beaucoup d’officiers sont issus du milieu civil. Promu Brigadier.General a trente-neuf ans seulement (ce qui est particulièrement jeune pour l’époque), Arthur Currie se trouve placé à la tête de la 2nd Canadian Brigade en France (5th, 8th, 9th et 10th Battalions) au sein de la 1st Canadian Division (E.A.H. Alderson).
En avril 1915, sa brigade est engagée dans le saillant d’Ypres au côté des troupes coloniales françaises. Mais elle subit la fameuse attaque allemande au gaz. Néanmoins, à l’issue de combats acharnés et de lourdes pertes, les hommes de Currie tiennent leur position. Ses états de commandement lui valent l’Ordre du Bain et la Légion d’Honneur.

– Currie fait alors partie de ces officiers du Commonwealth qui prêchent le « bite and held » (« mordre et tenir »). Avec à leur tête des personnalités issues de l’infanterie britannique comme Herbert Plumer, Henry Rawlinson et Julian Byng, ils estiment qu’il vaut mieux lancer des offensives limitées bien préparées et bien appuyées par l’artillerie, plutôt que de chercher une percée décisive qui sera exploitée par la Cavalerie.
Promu commandant de la 1st Canadian Division, Arthur Currie se montre un officier sérieux, appliqué, méticuleux et prudent. En revanche, préférant les tables de planification et d’état-major au contact de la troupe, il se rend peu à l’avant et ne s’attire aucune popularité parmi les soldats, à l’inverse d’une personnalité comme Plumer. En revanche, s’il n’est pas charismatique et paraît détaché de ses soldats, il plaide pour l’économie des moyens humains.

– En 1916, la 1st Canadian Division se retrouve engagé dans la dure bataille de la Somme au sein du Canadian Army Corps de Julian Byng. Mais les Canadiens sont incorporés à la Vth Army (ex-Reserve Army) de Hubert Gough. Or, Gough est un Cavalier, protégé de Haig compte sur les fantassins pour ouvrir les défenses allemandes aux troupes montées anglaises et indiennes. Pour l’heure, Currie conduit sa division dans les combats de Courcelette. Les pertes sont lourdes, mais la tactique du « bite and held » montre des preuves de réussite. En 1917, avec le soutien de Byng, Currie est promu commandant du Canadian Corps (1st, 2nd, 3rd et 4th Canadian Divisions).

– L’heure de gloire de Currie – et des Canadiens – arrive le 9 avril 1917. Haig a ordonné à la IIIrd Army de Byng de percer dans la région d’Arras. Le Canadian Corps reçoit le privilège de percer sur la Crête de Vimy qui avait été âprement disputée entre Français et Allemands en 1915. En effet, après une planification minutieuse établie avec Byng, Currie fait réparer des routes par le Génie pour mieux faire circuler les troupes, enterrer 34 km de fils téléphoniques et disposer 66 km de câbles. Il insiste aussi pour que chaque officier dispose de cartes et sache très bien quel secteur lui est assigné. Pour la préparation de feu, il donne carte blanche au jeune Brigadier.General Andrew « Andy » MacNaughton pour utiliser de nouvelles méthodes probantes pour repérer les batteries allemandes : le flash-spotting (repérage du feu des canons) et le sound-ranging (repérage acoustique). Enfin, des équipes de tunneliers creusent des mines sous les positions allemandes.
L’assaut a donc lieu le 9 avril 1917 (Jour de Pâques) contre les positions de la VI. Armee allemande du vieux général Ludwig von Falkenhausen. Currie fait donner un violent barrage roulant derrière lequel progressent ses fantassins afin de ne pas laisser les Allemands se repositionner. Walter Bruchmüller, grand spécialiste allemand de l’artillerie, admettra s’être inspiré du procédé de Currie pour son offensive du printemps 1918. Malgré 3 500 tués et plus de 6 400 blessés, le Canadian Corps s’empare de la Crête de Vimy dont il s’assure le contrôle définitif le 12 avril. Mais si les Canadiens ont remporté un succès tactique incontestable, les Britanniques ne peuvent exploiter leur succès car les Australiens ne peuvent percer à Bullecourt et les Britanniques restent bloqués sur la Scarpe.
Mais Currie et Byng ont offert au Canada sa grande victoire, aussi militaire que politique, puisque le seul succès de Vimy revient aux soldats du Dominion. Pour son commandement et sa direction des opérations, Arthur Currie est anobli par le Roi George V et reçoit l’Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges.

– En août 1917, le Canadian Corps quitte le front de la IIIrd Army pour celui de la Ist Army de Henry Horne dans la région de Loos-en-Gohelle. Cherchant sa percée décisive, Douglas Haig a ordonné à Horne de percer les positions de la VI. Armee d’Otto von Below entre Ypres et le Canal de La Bassée et de reprendre Lens (Troisième bataille d’Ypres). Remarquant que les Allemands occupent une éminence – la Cote 70 (Hill 70) – qui commande l’accès à Lens, Currie conseille à Haig et Horne de s’assurer de son contrôle, sans quoi les Allemands pourront dominer les mouvements britanniques. Mais si la Ist Army s’en empare, elle forcera les Allemands à dépenser des forces pour la reprendre, ce qui facilitera les autres attaques britanniques. Haig donne alors son accord pour l’assaut de la Cote 70. Currie décide de procéder comme à Vimy, avec les 1st, 2nd et 4th Divisions en tête, la 3rd restant en réserve. L’attaque démarre le 15 août par un violent tir de barrage derrière lequel l’Infanterie progresse lentement de manière synchronisée. Les Canadiens réussissent à s’emparer de la Cote 70 dès le premier jour de l’attaque. Comme l’avait prévu Currie, Otto von Below déclenche une violente contre-attaque pour reprendre la colline. Il engage ses 185 et 220. Divisionen, ainsi que la 4. Gardes-Division. Les Allemands lance vingt-et-un assauts, en employant des gaz. Les Canadiens tiennent, malgré 9 100 tués et blessés. Mais preuve de leur combativité, 25 000 Allemands ont été mis hors de combat. En revanche, leur sacrifice et leur succès tactique n’aura là encore pas eu de suite, puisque les Britanniques n’ont pu entrer dans Lens.

– Malgré leur épuisement et leurs pertes, les Canadiens sont appelés par Haig pour la dure bataille de Passchendaele dans les Flandres. Haig donne ordre aux Canadiens de relever les Australiens et Néo-Zélandais (ANZACS) dans l’attaque du Plateau de Gheluveld. Après estimations, Currie proteste auprès de Haig car il estime que 16 000 de ses soldats seraient perdus en cas d’attaque, alors qu’il lui en manque déjà plusieurs milliers. Mais le commandant du BEF demande diplomatiquement à son subordonné canadien d’attaquer, avec la promesse d’un concours étendu de l’Artillerie. Et le Canadian Corps se trouve placé sous commandement de la IInd Army de Plumer, avec qui les relations sont meilleures qu’avec Gough. Pour son nouvel assaut, Currie innove. Il prévoit non pas un assaut général de son Corps mais une série d’attaques plus localisées, avec appui de l’artillerie. L’attaque canadienne démarre en plein automne le 20 octobre, avec l’appui de 2 divisions britanniques. En dépit de lourdes pertes, les Canadiens parviennent à dégager le plateau mais la boue et le mauvais temps font que l’offensive s’enlise.

– A la fin de l’année 1917, le Canadian Corps quitte la boue des Flandres pour se reposer en Picardie et compléter les effectifs perdus. En juillet 1918, Currie reçoit l’ordre de Haig de se placer sous les ordres de la IVth Army de Henry Rawlinson afin de participer à la contre-attaque contre les Allemands qui se sont avancés vers Amiens et Montdidier mais ont été bloqués. Le Canadian Corps doit contre-attaquer aux côtés de l’Australian Corps de John Monash contre les lignes de la IV. Armee de Georg von der Marwitz entre la Somme et la Luce. Cette fois, pas de préparation d’artillerie, car Rawlinson a décidé de faire intervenir massivement ses chars Mark IV, Mark V et Whippet en jouant sur l’effet de surprise. L’assaut a lieu le 8 août. Appuyés par les chars et les avions, les Canadiens culbutent les Allemands sur près de douze kilomètres, ramassant plusieurs milliers de prisonniers ennemis. Les Allemands reculent mais sans céder et se replient sur la ligne Hindenburg. Les attaques canadiennes s’essoufflent et perdent en cohésion. Le Canadian Corps subit même un sérieux coup dur au Bois de Chérisy, ou presque tout le 22e Royal Regiment formés de Canadiens français est anéanti par des tirs de mitrailleuses.

– Durant la seconde moitié d’août, les Canadiens prennent du repos en Picardie avant leur nouvel assaut. Haig ordonne à Currie de percer la Hindenburg-Linie sur le Canal du Nord, dans le secteur de Drocourt-Quérant, à l’ouest de Cambrai. Currie dépense trois semaines pour préparer soigneusement un plan d’attaque ambitieux et imaginatif. Tout en comptant sur le feu de ses canons, il ordonne à ses Engineers (Génie) de jeter rapidement des ponts sur le canal pour faire passer rapidement ses quatre divisions sur l’autre rive. Ensuite, les Canadiens devront attaquer en zigzagant afin de tromper les Allemands sur leurs intentions tactiques. Rawlinson refuse mais Haig approuve. L’assaut a lieu le 27 septembre et se révèle un franc succès. Trois lignes sont franchies en un temps record et les positions du Bois Bourlont sont nettoyées. Currie reçoit ensuite l’ordre de s’emparer de Cambrai, ce qui est est accompli le 11 octobre. Un mois plus tard, suivant les ordres du commandement allié, les Canadiens avancent encore sur Mons. Il faut dire que pour les Britanniques, cette bataille marque une revanche sur la bataille de 1914. Currie perd ses derniers 280 soldats, dont le dernier soldat tué de la Grande Guerre ; George Lawrence Price.

– Certains historiens ont affirmé que le Premier ministre britannique Sir David Lloyd-George aurait souhaité voir Arthur Currie remplacer Haig comme commandant des forces du Commonwealth en Europe. Mais cette affirmation semble être erronée.
S’il n’a pas bénéficié de la popularité de ses soldats, Arthur Currie jouit d’un très grand prestige au Canada. Mais sa réputation se trouve entachée par une polémique pour avoir refusé un poste à Sam Hughes. En 1927, son père Garnet Hughes accuse Currie d’avoir envoyé sciemment et inutilement des soldats à la mort à Mons en 1918. Hughes mène alors une violente campagne de presse diffamatoire. Currie argue qu’il n’a fait qu’obéir à l’ordre du Maréchal Ferdinand Foch. Il reçoit même le soutien inattendu du père de George Lawrence Price. Le Général finira par gagner un procès en diffamation en 1928. N’exerçant plus d’activité militaire durant les années 1920, il devient recteur de l’Université McGill de Montréal.

– Arthur Currie s’éteint relativement jeune le 30 novembre 1933 à Montréal. Ses obsèques y sont célébrées par l’Evêque de Montréal et l’Aumônier général du Canadian Corps, en présence des hautes autorités du pays et d’officiers alliés. Arthur Currie était récipiendaire de l’Ordre du Bain, de l’Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges, de la Légion d’Honneur, des Croix de Guerre française et belge, de l’Ordre de la Couronne de Belgique et de la Distinguished Service Medal américaine.

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