– Pour percer sur le Front de Champagne, le Groupe d’Armées Centre (GAC) d’Edouard de Castelnau aligne la IIe Armée de Philippe Pétain sur la droite (XIe, XIVe, XXe Corps et Ier Corps Colonial), la IVe Armée de Ferdinand Langle de Cary sur la gauche (IVe, VIIe, XXXIIe Corps et IInd Corps Colonial), ainsi que les IIe et IIIe Corps de Cavalerie en arrière des lignes de tranchées.
– Le dispositif des deux armées se situe à l’ouest de Perthes-les-Hurlus. Le tout regroupe 375 000 hommes avec 35 Divisions d’Infanterie. Les forces d’assaut sont appuyées par 2 000 pièces d’artillerie (1 150 canons de 75 et 850 pièces lourdes). Il apparaît clairement que les effectifs en bouches à feu du GAC sont plus importants que ceux alloués au GAN pour l’offensive de Foch en Artois. Misant sur une importante puissance de feu, le GQG a alloué 1 250 obus par canon de 75 ! Mais cette générosité aura un grave impact comme nous le verrons. De son côté, dans un ordre signé à l’adresse des généraux et colonels de la IIe Armée, Philippe Pétain préconise une coopération étroite entre officiers d’Infanterie et d’Artillerie afin de régler au mieux les tirs de préparation d’artillerie et les feux d’appui (1).
Toutefois, la logistique française a fait des prodiges. En effet le ravitaillement a été très bien assuré, notamment grâce au doublement de la voie de chemin de fer Châlons-en-Champagne – Sainte-Menehould.
– D’un point de vue technique, Joffre et Castelnau prévoient que l’infanterie perce sur un front de 35 km entre le Massif de Moronvilliers (Auberive-sur-Suippes) et le Bois de Ville -(Ville-sur-Tourbe), au-delà des rivières Dormoise et Py. Ensuite, la Cavalerie doit passer dans la brèche afin d’exploiter la percée dans la profondeur du dispositif ennemi. Simultanément, les IIIe et Ve Armées doivent mener deux actions secondaires respective sur l’Aisne et Craonne, afin de fixer d’autres forces allemandes.
– Le terrain d’attaque est différent de celui de Foch en Artois. Le périmètre choisi par Joffre est Castelnau est formé de bas plateaux et coteaux dégagés de la Champagne crayeuse et de l’ouest de l’Argonne. Et le maillage de secteurs habités et beaucoup plus lâche, composé de quelques petits villages. L’assaut français est prévu pour le 25 septembre à 09h15, afin de le rendre le plus impeccable possible, même si Langle de Cary souhaite le porter au 15 car le temps est encore idéal. La suite allait lui donner raison… Mais à l’aube de l’offensive de Champagne, le Commandant Jacquand, chef d’état-major du GAC, fait part de ses inquiétudes : « Il est certain qu’on enlèvera la première ligne, mais après ? La deuxième position est à contre-pente : sera-t-elle suffisamment amochée ? Enfin, à la grâce de Dieu, comme a dit le Général de Castelnau à Poincarré. »
Le terrain d’attaque est différent de celui de Foch en Artois. Le périmètre choisi par Joffre est Castelnau est formé de bas plateaux et coteaux dégagés de la Champagne crayeuse et de l’ouest de l’Argonne. Et le maillage de secteurs habités et beaucoup plus lâche, composé de quelques petits villages.
– Face aux Français, la III. Armee allemande de Karl von Einem aligne 7 divisions réparties entres les XIV. Korps (active), VIII., XII. et XVIII Reserve-Korps. L’aile droite de la V. Armee située principalement dans la Meuse et dans l’est de la Marne pourra appuyer l’aile droite de la III. Armee. Profitant du sol crayeux de cette partie de la Champagne, les Allemands ont constitué des réseaux en profondeur de tranchées en plusieurs points du front. On trouve ainsi la Butte du Mesnil, « la Verue », « la Main de Massiges », « l’Arbre aux Vaches », « l’Ouvrage au Pruneau » et les tranchées dans le secteur de Tahure. Autre ingéniosité des Allemands, ils vont profiter du relief assez vallonné de la région pour placer leurs lignes de fils de fer barbelé à contre-pente, ce qui les rend bien souvent invisible aux observateurs d’artillerie français.
2 – Le bombardement
– A la veille de l’offensive, Joseph Joffre adresse ce mot d’ordre à ses troupes : « Vous devez y aller à plein cœur pour la délivrance de la Partie et pour le triomphe de la Liberté. Votre élan sera irrésistible, il vous portera d’un premier effort jusqu’aux batteries de l’adversaire, au-delà des lignes fortifiées qu’il vous oppose. Vous ne lui laisserez ni trêve, ni repos, jusqu’à l’achèvement de la victoire. »
– Le 22 septembre, profitant du beau temps qui permet aux observateurs de bien régler les tirs de batterie, les IInde et IVe Armées françaises démarrent leur préparation d’artillerie de trois jours contre les positions de la III. Armee de von Einem. Chaque position repérée les jours précédents est implacablement martelée. Dans certains points, ce ne sont pas moins de 3 600 obus qui tombent à la minute. Mais par endroits, le bombardement est sans effet. Les tirs sur zone effectués sans observation préalable n’ont aucune efficacité. Et les lignes de films barbelés à contre-pente sont souvent épargnés.
Malheureusement, tout comme en Artois, le mauvais temps vient gâcher la préparation des Français pendant la nuit du 24-25 septembre. La pluie automnale transforme le terrain en bourbier blanchâtre. Langle de Cary avait vu juste.

Source : http://www.cheminsdememoire.gouv.fr

Source : http://www.lexikon-erster-weltkrieg.de
3- La Main de Massiges
– Située sur l’aile droite de la IIe Armée, la « Main de Massiges » domine le village éponyme et se trouve tenue par la 15. Reserve-Division (Kurt von Diffurth) du VIII. Reserve-Korps (Paul Fleck) formant la charnière avec le XVIII. Reserve-Korps (Dedo von Schenck) à hauteur de la Cote 191. Il s’agit en fait d’une position de tranchées allemandes (sept lignes au total), articulée autour de la Cote 199 ou « Mont Têtu ». est située à l’extrémité est des plateaux crayeux de Champagne. On l’a surnommée ainsi en raison des spécificités du terrain qui rappelle la forme d’une main, avec « l’Annulaire », « le Médius », « l’Index », « le Pouce » et le « Faux Pouce ». Elle est prolongée au nord-est par un appendice escarpé, la « Chenille » et la « Tête de vipère », que les Allemands appellent « Kanonenberg » (« montagne des canons ») ou encore « Sargdeckel » (« couvercle de cercueil). Enfin, à l’est de la « Main », on trouve une butte isolée baptisée le Cratère (Cote 191), domine la zone plane qui borde la route de Cernay-en-Dormais – Vouziers. Autant dire que de par sa position, elle représente un objectif primordial pour le GAC. Mais les Allemands en ont fait une véritable forteresse avec lignes de fils barbelés à contre-pente et jusqu’à 25 lignes de tranchées rapprochées.
– La prise de la « Main de Massiges » est confiée au Ier Corps d’Armée Colonial (CAC) du Général Pierre Berdoulat, avec les 2e et 3e Divisions d’Infanterie Coloniale (DIC), ainsi que la 151e Division d’Infanterie (DI). Et la 32e DI est placée en réserve de corps. Entendons par le terme « Colonial », des unités françaises levées avec des soldats de Métropole et encasernées au départ en France, destinées à être transportées par navires dans les Colonies. On n’y compte donc pas de soldats d’Afrique noire, du Maroc ou d’Algérie. Les 2nde et 3e DIC doivent attaquent entre « l’Index » et la route de Cernay, pendant que la 151e DI doit partir entre « l’Index » et le Bois de Ville. Pour l’attaque, on a fourni aux fantassins de nouvelles grenades et des fusils lance-grenade. Le Ier CAC connaît le secteur pour y avoir combattu dès septembre 1914 et infructueusement en février 1915.
– Plus en détail, la 3e DIC (Général Goullet) doit attaquer sur la droite mais sur un terrain deux fois plus élargi que celui de la 2e DIC, soit la Cote 191, « l’Arbre aux Vaches », « la Briqueterie », « la Chenille » et « la Justice ». Gros problème, dans ce secteur d’attaque, les positions défensives allemandes sont protégées par une dépression invisible aux observateurs d’artilleri. De son côté, la 2e DIC (Général Sadorge) doit s’emparer de « l’Annulaire » du « Médius » et de « l’Index ».
– Le bombardement d’artillerie contre la « Main » ne s’effectue pas selon les conditions adéquates. D’une part, le temps ne permet pas une reconnaissance efficace par avions. D’autre part, au lieu de la concentration de 20 batteries pour la 3e DIC, Goullet ne peut en disposer que de 15. Il s’inquiète auprès de Berdoulat qui fait la sourde oreille et lui conseille de suivre les prescriptions de tir. Enfin, les artilleurs français doivent effectuer des « tirs sur zones » contre les secteurs non repérés, ce qui les rend inefficaces. A l’issue des trois jours de bombardements, les commandants de batteries s’inquiètent de la surconsommation d’obus. Le Colonel Husson, commandant de l’Artillerie de la 3e DIC ne peut que leur conseiller de « créer des brèches ».
– L’attaque des Marsouins démarre à 09h15 comme prévu. Voici ce que dit Franck Beauclerc (2) : la 2e DIC, 6e Brigade en tête, attaque vigoureusement « l’Index », « le Madius » et « l’Annulaire ». Les soldats français attaquent les premières tranchées de la « Main de Massiges » à la grenade et parviennent à investir les premières lignes. Le 22e Régiment d’Infanterie Coloniale (RIC) du Colonel Bonin réussit à dépasser 21 tranchées à se cramponner à « l’Index ». Très réduit en effectif, il réussit à résister aux contre-attaques de la 15. Reserve-Division.
En revanche, la 3e DIC a bien moins de chance. A gauche, sa 5e Brigade (21e et 23e RIC) s’accroche tant bien que mal à la Cote 191, tandis qu’à droite, la 3e Brigade (3e et 7e RIC) est tout simplement renvoyée sur ses lignes de départ. Les soldats qui ont tenté de découper les fils barbelés à la cisaille ont été tués.
Tout à droite, la 151e DI (Paul Lanquetot) échoue complètement à accrocher la route Vouziers – Cernay. Si les Vendéens du 293e RI occupe temporairement « l’ouvrage du Projecteur », les 401e et 403e RI sont rejetés en arrière. Pour la journée du 25 septembre, le bilan de la journée est particulièrement sanglant en dépit du succès de la 6e Brigade Coloniale sur la droite. Les 3e et 23e RIC sont réduits à quelques centaines d’hommes et nombre d’officiers sont tués.
– Le 26 septembre, Berdoulat n’a d’autre choix que de faire donner sa division de réserve. Les Albigeois, Languedociens et Catalans de la 32e DI (Achille Bouchez) entrent dans la danse sur la gauche de la 2e DIC. Sa 64e Brigade avec 2 bataillons du 15e RI appuyés par un autre du 143e RI s’emparent définitivement de « l’Index » en ramassant 350 prisonniers. La Brigade attaque ensuite le Mont Têtu (Cote 199) mais y perd 600 hommes sans pouvoir y déboucher.
Pendant ce temps, plus à gauche, la 2e DIC attaque avec succès « la Verrue », pendant que le 8e RIC (4e Brigade Coloniale) réussit à accrocher le Col des Abeilles.
Les combats se poursuivent jusqu’au 30 août. La 32e DI parvient à s’emparer du Mont Têtu pendant que les Coloniaux occupent le « Cratère ». Mais les Français ne peuvent malheureusement avancer plus loin en raison de la présence néfaste de mitrailleuses Maxim plus au nord. Les opérations s’arrêtent ensuite durant une semaine.

Source : Site de la BNF
– Le 6 octobre, l’attaque reprend contre le Bois Marteau (32e DI) et « la Chenille » (2e DIC) mais toutes deux échouent. Les combats, particulièrement durs ont été marqués par des exécutions sommaires dans les deux camps. Le bilan est particulièrement lourd pour les Français : 17 000 hommes tués et blessé en un peu plus de deux semaines de combats, dont 7 000 pour la seule 3e DIC et 4 000 pour la 2e. les 151e et 32e DI accusent respectivement 2 900 et 2 800 hommes perdus.
– Berdoulat veut un responsable. Ce sera Goullet, alors que c’est Berdoulat qui ne tint pas compte des estimations prémonitoires de son subordonné. Mais le commandant du Ier CAC va profiter d’une maladresse de Goullet. Grisé que sa 3e DIC ne bénéficiât pas des honneurs dans la citation à l’Ordre de l’Armée rédigée par Berdoulat, Goullet en réfère directement par courrier aux Généraux Pétain et Castelnau. Surpris de cette démarche, Pétain diligente une enquête qui accable Goullet, celui-ci se retrouvant accusé de ne pas avoir suivi les ordres à la lettre. Berdoulat en profite aussi pour se débarrasser d’un autre officier dérangeant, le Colonel Husson commandant de l’artillerie de la 3e DIC qui estimait que les plans de feu de sauraient être efficaces.

4 – La Butte du Mesnil – Beauséjour
– Sur la gauche du Ier CAC, le XXe Corps dit le « Corps de Fer » de Maurice Balfourier (11e DI, 39e DI, 153e DI et 70e Division de Réserve) doit attaquer sur la ligne Butte du Mesnil – Beauséjour, autre secteur très bien défendu.
Sur la droite, l’attaque contre la Cote 196 et la Butte du Mesnil est confiée à la 39e Division (Nourrisson). Le 160e RI (Colonel Alméras Latour) attaque à découvert pour se faire violemment clouer au sol devant le Fortin de Beauséjour (dit « l’Ouvrage de la défaite ») par les mitrailleuses de la 16. Reserve-Division (Ludwig Sieger). Mais c’est alors que le 5e Régiment de Hussards (Ch.Esc. de Lavigerie), l’unité montée de reconnaissance du XXe Corps, charge impétueusement contre les tranchées allemandes malgré le sol rendu glissant par la pluie matinale. En dépit de quelques pertes en hommes et en chevaux, les cavaliers français font tout de même plusieurs centaines de prisonniers et capturent 2 mitrailleuses. De quoi permettre au 160e RI de relancer son attaque contre le fortin qui tombe sur le coup de 10h00. Ensuite, la 39e DI réussit à franchir cinq lignes de tranchées allemandes sur 400 m et à accrocher la route Perthes-les-Hurlus – Cernay-en-Dormais. Le 146e RI avance sur Maisons-de-Champagne en tournant « le Bastion » par l’Est, pendant que le 153e RI (Lt-Col. Peschard d’Ambly) dégage le «Ravin en fer de lance » pour aborder « le Bastion » par l’Ouest.
– A la gauche de la 39e DI, la 11e DI (Général Ferry), unité très expérimentée, éprouve de plus graves difficultés devant la Butte du Mesnil. 2 batteries de canons de 77 mm et des mitrailleuses trouent les rangs français. Ceci dit, la 11e DI réussit à s’emparer des batteries et à réduire les mitrailleuses au silence. Le 69e RI (Col. Charles Pesme) parvient à franchir la « Tranchée des Walkyries » pour accrocher la position dite du Saillant I. De son côté, intercalé entre les 69e et 37e RI, le 26e RI (Col. Salles) combat durement pour enlever « le Filet », « le ravin des cuisines » et « le boyau de Minden ». Tout à gauche de la division, le 79e RI est bien moins chanceux car il butte sur les défenses allemandes du versant ouest de la Butte du Mesnil, notamment devant les Bois Galoche et du Peigne.
6 – Succès à Tahure mais échec devant Somme-Py
– L’aile gauche de la IIe Armée – XIe et XIVe Corps – a pour mission de percer les lignes allemandes entre Tahure et le Trou Bricot à la jointure avec l’aile droite de la IVe Armée. Sauf que le secteur est solidement tenu par le VIII. Reserve-Korps qui a aménagé de bonnes positions au niveau autour de la Butte de Tahure, avec notamment le Trou Bricot, les « Deux mamelles » et la « Brosse à dents ».
Au matin du 25 septembre, tout à gauche, le XIVe Corps de Joseph Baret (27e, 28e et 29e DI) attaque la Butte de Souain et les tranchées à l’est Trou Bricot. Cette seconde position, bien renforcée par les Allemands, fait l’objet d’âpres combats entre la 28e DI (Sorbets) et les éléments de la 16. Reserve-Division. Les fantassins français doivent conquérir les redoutes « du Danube » et « d’York » à la grenade et au corps-à-corps. De son côté, la 27e DI (Emile Legrand-Girarde) combat avec des pertes pour l’ouest de la Cote 193 et une portion de la route Souain-Tahure. Mais elle conquiert les Bois des Paons et des Perdreaux. Et les Français mettent la main sur un important dépôt de vivres au « camp d’Eberfeld ». Et le 75e RI s’empare sans coup férir de al position appelée « La Cave ». Mais lorsque Legrand-Girarde lance 3 régiments de sa 27e DI (52e, 75e et 140e RI) à l’assaut de la route Souain-Tahure, les fantassins venus du Dauphiné se retrouvent bloqués par un feu d’enfer allemand venus des tranchées de « Marmara » et du « Bosphore » et ne peuvent avancer plus loin.
– Sur la droite du XIVe Corps, les Bretons, Nantais et Vendéens du XIe Corps de Maurice Baumgarten (21e et 22e DI) tentent de prendre le Bois du Trapèze et de la Cote 193, mais ils se heurtent aux défenses allemandes aux « Deux Mamelles » et à la « Brosse à dents ». Sur la droite du XIe Corps, la 21e DI (Général Dauvin) part trop tôt à l’assaut sur l’axe Mesnil – Perthes, sur la Cote 196 et du Trapèze pour tomber sur un réseau de tranchées et de tunnels d’une arrière-garde du VIII. Reserve-Korps. Résultat, les 64e et 93e RI connaissent une véritable carnage. Le 65e RI (Lt-Col. X. Desgrées du Lou) tente d’aborder « le Trapèze » mais se fait violemment arrêté. De nombreux hommes du régiment sont tués, dont le Colonel.
De son côté, la 22e DI (Gén. Pierre Bouyssou), attaque collée à la 27e DI à auteur du Bois-Viollet. Avec son 19e RI, tente de franchir le « Ravin de la Goutte » et y parvient aux prix de difficultés. Mais les Allemands tiennent toujours les abords de Tahure avec fermeté. Le Bois du Trapèze ne peut être pris en raison de la présence de plusieurs mitrailleuses. Bouyssou envoie alors le 116e RI à l’attaque contre Tahure mais ce régiment se fait littéralement décimer par le feu des armes lourdes allemandes. Son Colonel est tué et ses rescapés se retrouvent sous le commandement du Capitaine Souchet. Celui-ci entraîne alors le régiment dans une folle course qui lui permet de dépasser Tahure. Mais l’héroïsme ne fait pas l’efficacité et privé de soutien, le 116e RI est forcé de se replier vers le sud. Toutefois, les Finistériens du 118e RI parviennent à nettoyer le nord du Bois des Loups en enlevant les Tranchées de « Mannheim », de « Landau » et de « Bayreuth ». Malgré quelques difficultés, le régiment nettoie le Bois des Lapins, le Bois Hébrard et accroche la lisière sud de la « Brosse à dents ». Le 1er Bataillon du 118e parvient à entrer dans Tahure, pendant que le 62e RI (Col. Génin) réussit à accrocher la route de Tahure sans coup férir pour ensuite nettoyer les Tranchées de « Marmara » et du « Bosphore », établissant ainsi solidement la liaison avec le 75e RI de la 27e DI.
– Malheureusement, l’effort français s’essouffle durant l’après-midi. Alors que des éléments avancés français s’aventurent à l’ouest de Tahure et sur la route de Somme-Py, les réserves allemandes viennent renforcer le « Ravin de la Goutte ». Les éléments trop avancés et isolés du 118e RI doivent abandonner le « Ravin de Constantinople » et le Bois des Canons. Toutefois, la 28e DI qui contrôle les pentes est de la Cote 193 réussit à anéantir la résistance allemande au Bois du Cameroun et du Togoland, avec le concours des 116e et 416e RI. A la fin de la journée, au regard des pertes, Baumgarten doit faire donner ses réserves de Corps (53e et 153e DI) qui viennent renforcer les 22e et 21e DI fatiguées. Seulement, les dispositifs des XIVe et XIe Corps ont perdu de leur cohérence et les nouvelles attaques manquent de souffle. Et le terrain retourné par les obus empêche les bataillons et colonnes d’arriver rapidement sur la ligne de front.
Du côté du XXe Corps, la 11e DI se heurte à une violente résistance de la 16. Reserve-Division dans sa tentative de progression vers Maisons-de-Champagne. Le VIII. Reserve-Korps passe même à la contre-attaque au niveau des Deux Mamelles, du Ravin des Cuisines et de l’Ouvrage du Filet. Le 79e RI tente de dégager l’ouvrage du Trapèze mais sans succès. Les soldats de la 21e DI qui ont déjà beaucoup donné et subi durant la journée, ne peuvent que s’enterrer devant la Courtine, ainsi qu’à hauteur des Bois Viollet et Triangulaire.
– Pour Philippe Pétain, le bilan de son armée est plutôt mitigé. Si ses troupes ont nettement mordu dans le dispositif allemand en faisant preuve d’une bonne tenue au feu, le dispositif allemand a conservé sa cohérence. Plus grave, certains chefs de divisions et de corps ont été contraints de lancer leur réserve dans la bataille sans obtenir de succès sérieux
– Du côté allemand, l’Oberste Heeresleitung (direction de l’armée de terre impériale) décide d’envoyer des renforts à von Einem. Déjà, le X. Armee-Korps de Walther von Luttwitz (10. et 113. Divisionen), dégagé du Front russe vient renforcer le secteur de la Ferme de Navarrin. La VII. Armee qui garde l’Aisne doit céder d’urgence la 192. Infanterie-Brigade, pendant que la 20. Division doit quitter le Front des Flandres.

6 – L’attaque de la IVe Armée devant Somme-Py
– Passons maintenant du côté de la IVe Armée de Langle de Cary. Sa ligne de départ s’étend entre Saint-Hilaire-le-Grand et Souain. Elle doit progresser à l’ouest de la route Suippes – Souain – Somme-Py avec pour objectifs principaux les villages d’Auberrive, Saints-Soupplets, Sainte-Marie-en-Py et l’ouest de Somme-Py. Ce sont le IIe Corps d’Armée Colonial de Joseph Blondlat (un vétéran du Tonkin et du Rif Marocain) et le VIIe Corps d’Armée d’Etienne de Villaret qui sont chargés de la percée. Ensuite, le IIe Corps de Cavalerie d’Antoine de Mitry devra s’engouffrer dans la brèche.
Les VIIe CA et IIe CAC ont en face d’eux, les éléments du XII. Reserve-Korps de Hans von Kirchbach, avec la 5. Division (Georg von Wichura) et la 24. Reserve-Division (Oskar von Ehrenthal).
– Le IIe Corps Colonial (10e et 15e DIC) de Blondlat a pour mission de progresser sur la gauche du XIe Corps avec pour objectif la Ferme de Navarin, transformée en véritable petite forteresse par les Allemands. Notons que la 10e DIC est commandée par le Général Jean-Baptiste Marchand (le célèbre officier de l’affaire de Fachoda). De son côté, le VIIe CA doit percer sur Auberive et Saint-Soupplets.
– Il n’empêche, la 15e DIC (Gén. Bro) par à l’attaque, avec le 6e RIC (Colonel Bordeaux), placé en fer de lance et le 1er RIC enlèvent les tranchées « Von Kluck », « Von Tirpitz » et de « Lübeck » à l’ouest de Navarin, ainsi que le Bois des Vandales. Rejoint ensuite par le 33e RIC (commandé par l’énergique et populaire Colonel Koch) de la 10e DIC, le 6e s’en prend à la Tranchée de Wagram. Le Pendant ce temps, le 53e RIC (Colonel Michel) s’empare du Bois-Sabot.
Dans leur élan, les Français rejettent d’abord les Allemands vers le nord mais viennent butter sur les fortifications de la Ferme de Navarin qui sont restées intactes. La prise de la route de Somme-Py (aujourd’hui Sommepy-Tahure) et du Bastion de Souain par le 52e RI (Col. Faivre d’Arcier), tout comme l’avancée du 1er RIC (Lt-Col. Cahen) dans la vallée de la Py ne changent rien à la donne, le verrou de Navarin reste aux mains des soldats de von Einem.
– Les 26-27 septembre, aucun résultat escompté n’est obtenu, le système défensif de von Einem semblant infranchissable. Toutefois, le 28, Édouard de Castelnau fait tâter les lignes allemandes et y trouve une faiblesse entre la Butte de Tahure et la Route de Saint-Soupplets. Le chef français tente alors de monter un assaut de rupture bien coordonné dans ce secteur mais le mauvais temps met à son plan définitivement à mal.
– La gauche de la IVe Armée, formée par le VIIe Corps d’Étienne de Villaret, avec la 37e DI de Deshayes de Bonneval en avant, réussit une belle progression à partir d’Auberive-s/-Suippes en s’emparant du Bois de la Raquette et de l’Épine de Védégrange. Le lendemain 26 septembre, la Cote 139 est atteinte mais les fantassins français viennent butter sur le Mamelon 170. Villaret est contraint d’arrêter son assaut. Castelnau décide de faire donner le IInd Corps de Cavalerie d’Antoine de Mitry (9e, 16e, 22e et 29e Dragons et 11e Chasseurs à Cheval) mais la chevauchée est plus meurtrière que décisive, en dépit du bon comportement du 11e RCC.
[Suite]
NB : Nous reviendrons plus en détail sur la Ferme de Navarin dans un article ultérieur. Nous nous attachons ici aux journées des 25-26 septembre.
(1) in VERGEZ-CHAIGNON Bénédicte : Pétain, éd. Perrin
(2) in BEAUCLERC Franck : « La conquête de la Main de Massiges par les marsouins », in Tranchées. Un nouveau regard sur la Grande Guerre, N°22, sept.2015